Erwan Seznec
Placement financierRetour sur les prévisions pour 2013
Au lieu d’infliger à nos lecteurs les prévisions financières des experts pour 2014, nous avons repris leurs prévisions pour 2013 en les confrontant à la réalité. Le résultat n’est pas brillant.
Contrairement à la prévision, le retour sur prévision est sans risque et, en général, amusant. Il est également instructif. Les pronostics des analystes, en effet, servent de base aux choix d’investissements faits par votre banque pour vos assurance vie, plan d’épargne en actions, épargne salariale, etc.
Concernant le CAC 40, les prévisions des experts pour 2013 étaient dans le vrai. Ils ont simplement sous-estimé la hausse à venir. À la mi-décembre 2012, analystes et gérants interrogés par Reuters anticipent une hausse de 9 % pour l’indice parisien, qu’ils voient autour des 4 000 points en fin d’année. La hausse a en fait été de 18 %, le CAC 40 dépassant les 4 200 points. Exception, la Société générale a fait fausse route : ses services anticipaient un CAC 40 en baisse à 3 600 points. Même tendance du côté des marchés américains et britanniques, qui ont monté plus que prévu.
En ce qui concerne l’indice japonais Nikkei, en revanche, les prévisionnistes se sont lourdement fourvoyés. Ils l’imaginaient à 11 000 points, en hausse modérée. En réalité, le Nikkei a réalisé une année record, dépassant les 16 000 points. L’écart est énorme. Pour l’anecdote, un des gourous américains de la finance, Jeff Gundlach, annonçait en mai 2013 un effondrement de 20 % de la bourse de Tokyo !
Même si vous n’avez pas un euro placé en actions, vos économies sont forcément investies dans une devise quelconque. Un domaine où la prévision est également délicate. La direction des études économiques de la BNP, par exemple, a correctement anticipé l’évolution du cours euro/dollar (1,32 euro/dollar annoncé, 1,35 réalisé), mais elle n’a pas du tout vu venir le dévissage du yen. La BNP tablait sur 1 euro à 100 yens, il est à 140 (1). La banque a aussi sous-estimé la santé du franc suisse face à la devise européenne. Elle voyait le cours euro/CHF à 1,30, il est à 1,23. Pour mémoire, jusqu’en 2008, la BNP vendait des prêts en francs suisse remboursables en euros (Helvet Immo) à ses clients en leur assurant qu’elle avait une visibilité suffisante sur l’évolution du taux de change…
Sur l’or, l’aveuglement a été total. La majorité des spécialistes annonçaient la poursuite d’un mouvement de hausse qui durait depuis 12 ans. Dans ses scénarios les plus optimistes, la Société générale voyait l’once d’or à 2 200 dollars, un sommet jamais atteint. L’analyste de BNP Paribas CIB voyait, elle aussi, le métal précieux battre ses records. Le chef économiste chargé des métaux de la banque Morgan Stanley classait « sans hésiter l'or en tête des matières premières aux meilleures perspectives pour 2013 » et anticipait une once à 1 850 dollars. En réalité, les cours se sont effondrés, l’once terminant l’année à 1 200 dollars. C’est exactement le niveau qu’avait imaginé la Saxo Bank dans ses « prévisions choc » 2013, un exercice de prospectives annuelles qu’elle présente elle-même comme « extravagantes ».
Ultime précision, si les professionnels sont faillibles, les boursicoteurs amateurs sont bien pires ! Les forums du début d’année 2013 regorgent de prévisions erronées. Cortal, la filiale de la BNP spécialisée dans le courtage en ligne, a créé une communauté des « Cortal consors », appelés les « hopees ». En moyenne, les « hopees » prévoyaient un recul de 22 % pour Renault. Le titre a pris 43 %. L’action Legrand devait chuter de 37 %. Elle a progressé de 25 %. Quant à Alcatel, censé stagner (+ 0,1 %), c’est la plus forte hausse de l’année, à + 242 %.
(1) Petit cours de gymnastique des changes : s’il fallait 100 yen pour acheter 1 euro et qu’il en faut ensuite 140, c’est que l’euro monte contre le yen. Inversement, s’il faut 0,70 euro pour 1 dollar, et qu’il en faut ensuite 0,80 euro, l’euro baisse contre le dollar.