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PFASEau de Paris va déposer plainte pour pollution généralisée

L’entreprise publique, qui distribue l’eau aux robinets de la capitale, a publié des résultats globalement rassurants sur la présence des PFAS, ces polluants éternels, dans ses eaux. Elle reste toutefois inquiète de ce risque grandissant.

Dans les prochaines semaines, Eau de Paris, régie municipale chargée de l’approvisionnement en eau du robinet de la capitale, va porter plainte contre X, au pénal. Le motif ? « Pollution de son réseau d’adduction d’eau potable, par déversement de substances, pollution par abandon de déchets et dégradations substantielles à l’environnement », détaille Dan Lert, adjoint EELV à la mairie de Paris en charge de la transition écologique et président d’Eau de Paris.

Dans le viseur de l’entreprise publique, les PFAS, cette vaste famille de plusieurs milliers de substances chimiques utilisées par l’industrie depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, résistantes à la chaleur et imperméabilisantes. Mais plus on les étudie, plus on tend à leur découvrir des effets délétères sur la santé. Surtout, ces substances sont très persistantes dans l’environnement. D’où leur surnom de polluants éternels. Elles s’accumulent ainsi dans l’air, l’alimentation, mais aussi l’eau, en particulier celle du robinet.

Dans notre enquête menée en collaboration avec l’ONG Générations Futures, nous avions recherché 33 PFAS dans des échantillons d’eau du robinet de 30 communes. Et nous en avions trouvé, parfois à des teneurs qui posent questions.

Des analyses pour l’instant rassurantes ?

Eau de Paris n’y échappe pas, même si les analyses publiées par la régie se veulent rassurantes. Pour rappel, à partir de 2026, en application d’une directive européenne sur les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), les Agences régionales de santé (ARS) rechercheront systématiquement 20 PFAS jugés prioritaires par Bruxelles dans leurs contrôles sanitaires des eaux du robinet. Si leur somme dépasse le seuil de 100 nanogrammes par litre (ng/l) – ou 0,1 microgramme par litre (μg/l) ‒ alors ces eaux seront jugées non conformes. Les producteurs d’eau potable concernés devront en conséquence prendre des mesures afin de faire baisser les concentrations.

Eau de Paris a recherché ces 20 PFAS dans 51 échantillons d’eau prélevés l’an dernier sur son réseau. Des PFAS ont été détectés dans 10 échantillons seulement. Et « à chaque fois, la somme est très inférieure à ce futur seuil réglementaire de 100 ng/l, assure Anne-Sophie Leclère, directrice générale de l’entreprise publique. Au total de ces 10 échantillons, seuls 6 PFAS différents ont été retrouvés. » Notons tout de même que le plus fréquent, le perfluorohexanesulfonic acid (PFHxS), décelé dans 6 échantillons, est l’un des PFAS jugés les plus problématiques pour la santé. Il est rangé parmi les polluants organiques persistants (POP) par la convention de Stockholm.

Quoi qu’il en soit, au regard de ces résultats, Eau de Paris peut assurer la conformité de l’eau qu’elle distribue par rapport à ce seuil réglementaire qu’appliquera la France en 2026. C’est aussi le constat que nous dressions dans notre enquête, concernant l’échantillon prélevé à Paris. Toutefois, nous mettons en garde contre toute conclusion rassurante tant cette limite de 100 ng/l semble discutable et peu protectrice. Plusieurs pays, dont le Danemark et la Suède, ont d’ailleurs décidé d’aller plus loin.

Appliquer le principe pollueur-payeur

L’analyse est la même pour le TFA. Ce PFAS ne fait pas partie des 20 que Bruxelles demande de suivre systématiquement. Pourtant, plusieurs études, dont la nôtre, ont révélé la présence de TFA dans de nombreuses eaux du robinet à des niveaux parfois alarmants. Eau de Paris s’est aussi penchée sur cette substance et l’a recherchée dans 77 prélèvements en 2024. En moyenne, la concentration retrouvée est de 2 090 ng/l mais a atteint 3 700 ng/l pour certains échantillons. Là encore, l’entreprise tempère. Ces résultats sont « bien en deçà de la recommandation énoncée par le ministère de la Santé d’une limite à 60 000 ng/l avec une cible à 10 000 ng/l », indique Eau de Paris. Mais, une fois de plus, ces seuils sont-ils assez protecteurs ? Pour ce même TFA, les Pays-Bas optent pour une limite sanitaire bien plus protectrice de 2 200 ng/l. La lecture des résultats d’Eau de Paris n’est alors plus la même. La régie municipale ne se prononce pas sur la pertinence de ces différentes limites. « Ce n’est pas à nous de le faire mais aux autorités sanitaires », tranche Dan Lert.

Même si l’eau qu’elle distribue est aujourd’hui 100 % conforme aux normes sanitaires françaises, Eau de Paris reste sur ses gardes à propos des PFAS. « Seule une poignée est aujourd’hui réglementée quand il en existe plusieurs milliers », a bien conscience Dan Lert. L’adjoint à la mairie de Paris craint, par ailleurs, que les traitements pour s’en débarrasser ne coûtent de plus en plus cher. « Et ce n’est pas aux usagers, via leurs factures d’eau, de supporter seuls l’impact financier de cette dépollution comme c’est le cas aujourd’hui, estime-t-il. Il faut obliger les industriels producteurs de ces PFAS, qui connaissent depuis des décennies leur toxicité, à assumer leurs responsabilités. » C’est tout l’objet de cette plainte contre X : pousser, avec d’autres régies publiques, à l’application d’un principe pollueur-payeur dans la tarification de l’eau.

Deux votes cruciaux à l’Assemblée le 20 février

Le président d’Eau de Paris pointe un autre impératif dans la bataille contre les PFAS. « Celui d’agir le plus en amont possible de cette pollution, en protégeant la ressource », insiste-t-il. Ça passe notamment par fermer le robinet PFAS, alors que nous continuons de rejeter ces substances dans l’environnement. La proposition de loi portée par le député EELV Nicolas Thierry serait une première étape dans ce sens. Elle vise à interdire les PFAS au moins dans les applications pour lesquelles existent des alternatives (vêtements, cosmétiques, revêtements appliqués sous les skis, etc.).

Après de longs mois d’attente, cette proposition sera votée par les députés, en séance plénière, le 20 février 2025. Dan Lert cite une deuxième proposition de loi tout aussi cruciale dont le sort se jouera le même jour à l’Assemblée nationale. Celle du député Jean-Claude Raux (groupe écologiste et social) qui vise à protéger les aires d’alimentation des captages d’eau potable, notamment en y limitant puis, à terme, en y interdisant l’utilisation d’engrais azoté et produits phytosanitaires de synthèse dans leurs périmètres.

Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

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