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PesticidesDes concentrations de pesticides dans l’air même à plusieurs dizaines de mètres des champs

L’association Générations Futures a posé des capteurs dans le Nord, en Gironde et dans le Rhône. En quelques semaines, ces instruments ont piégé des cocktails de pesticides, y compris à plusieurs dizaines de mètres des premiers champs traités. Une preuve de plus que les zones de non-traitement autour des habitations doivent être élargies.

Jusqu’à 35 pesticides différents captés en quelques semaines… L’association Générations Futures vient de communiquer les résultats d’une nouvelle campagne de mesures des pesticides dans l’air. Sur des périodes de 2 à 4 mois, l’association de défense de l’environnement a posé des capteurs passifs sur 3 parcelles en zones rurales. Dans le Nord, dans une région de grande culture, ainsi qu’en Gironde et dans le Rhône, cette fois-ci dans des zones essentiellement viticoles.

Pour chacune de ces parcelles, Générations Futures a posé 4 capteurs aux points cardinaux du terrain, ainsi qu’un capteur central, au beau milieu, à chaque fois distant de plusieurs dizaines de mètres des champs traités les plus proches. Ces capteurs passifs ne permettent pas de quantifier les concentrations de pesticides dans l’air. Mais en les piégeant sur une période donnée, ils donnent tout de même une indication sur la nature, le nombre et le volume de substances que l’on trouve dans la région.

Glyphosate dans le Nord, folpel dans le Rhône et en Gironde

C’est dans le Nord que Générations Futures a piégé le plus de pesticides. « Entre 28 et 35 différents suivant les capteurs », précise François Veillerette, porte-parole de l’association. Il s’agit principalement d’herbicides. Le glyphosate, classé comme « cancérogène probable » pour l’homme depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) arrive d’ailleurs largement en tête des substances retrouvées. Le capteur au centre de la parcelle en a piégé 3 774,5 nanogrammes (ng) en 7 semaines.

Générations Futures a également trouvé entre 15 et 19 pesticides différents dans ses capteurs en Gironde et entre 19 et 23 dans le Rhône. Dans ces deux départements, la substance la plus retrouvée – et de loin là encore ‒ est le folpel, un fongicide utilisé dans la vigne notamment pour combattre le mildiou. « Il est considéré comme cancérogène possible par l’Union européenne », indique François Veillerette.

Des quantités importantes dans les capteurs centraux

Au-delà de cet effet cocktail, Générations Futures pointe les quantités « encore très importantes » de substances retrouvées dans les capteurs situés au centre des parcelles. « Dans le Nord, c’est même ce capteur central qui en a piégé le plus. Il est pourtant à plus de 35 mètres des premiers champs traités, reprend François Veillerette. En 7 semaines, il a ainsi piégé 35 pesticides différents pour un total de 9 266,9 ng. Soit 144 % de la moyenne piégée par les quatre autres capteurs sur la parcelle. »

Dans le Rhône, le capteur central, à 70 mètres de la parcelle la plus proche, est le deuxième qui a fixé les quantités de pesticides les plus importantes. 9 262,8 ng issus de 21 pesticides différents en 8,5 semaines. Il a aussi piégé une quantité 14 fois plus importante que le capteur contrôle, installé dans le centre-ville de Villefranche-sur-Saône, la ville la plus proche, pour mesurer le bruit de fond de la pollution aux pesticides dans la région. En Gironde, à 57 mètres du champ traité le plus proche, le capteur central se hisse à la troisième place, avec 4 832 ng piégés issus de 19 substances, en 12,5 semaines.

Des zones de non-traitement bien trop fines

Depuis le 1er janvier 2020, les agriculteurs doivent respecter une distance minimale dite « de sécurité » entre les zones d’épandage de produits phytosanitaires et les habitations. L’arrêté instaure une distance « incompressible » de 20 mètres pour les pesticides les plus dangereux, soit ceux classés dans la catégorie cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR) avérée pour l’homme. Pour les 99 % restants, la distance varie en fonction du type de culture : 10 mètres pour les cultures dites « hautes » (vignes ou arbres fruitiers) et 5 mètres pour les « basses » (céréales, salades, pommes de terre, etc.).

Pour Générations Futures, cette nouvelle campagne est une preuve de plus que ces distances sont insuffisantes pour protéger les populations entourées de cultures. « Si elles l’étaient, nous aurions dû constater des baisses des concentrations piégées dans les capteurs centraux », insiste François Veillerette. Avec d’autres, l’association plaide pour des zones de non-traitement de 150 mètres autour des habitations. « L’idée n’est pas de ne plus rien produire dans ces ZNT mais de le faire sans utiliser de pesticides de synthèse, en agriculture biologique par exemple », rappelle le porte-parole de l’ONG.

Pour relever l’ambition, Générations Futures a un temps compté sur les chartes de bon voisinage, rendues obligatoires dans chaque département par un décret de fin 2019. Elles doivent être discutées entre agriculteurs, riverains et élus, de façon à mieux concilier l’évolution des pratiques agricoles et la présence d’habitations à proximité des champs.

Les chartes de bon voisinage dans le collimateur

Quatre ans plus tard, le compte n’y est pas pour l’ONG. « Une bonne partie de ces chartes sont des quasi copier-coller du contrat de solution, un texte rédigé par la FNSEA [premier syndicat agricole] qu’elle a ensuite diffusé à ses antennes départementales, pointe Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations Futures. Or ces textes incluent des dérogations au respect des distances de non-traitement pourtant déjà très faibles. Ils stipulent par exemple que les traitements peuvent se faire en limite de propriétés lorsque celles-ci sont considérées comme occupées irrégulièrement. » La loi ne fait pourtant pas cette distinction entre résidence principale et secondaire, rappelle l’ONG. « Et puis comment garantir que la maison est effectivement vide au moment de l’épandage ? » souligne-t-elle.

Pour contester ces chartes, plusieurs associations, dont l’UFC-Que Choisir, ont déposé 48 recours contentieux devant les tribunaux administratifs. Le 9 janvier, elles se félicitaient d’une première victoire, le tribunal administratif d’Orléans ayant annulé les arrêtés préfectoraux validant les chartes de bon voisinage de cinq départements de la région Centre.

Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

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