Anne-Sophie Stamane
Perturbateurs endocriniensUne définition très insatisfaisante
Après des années d’atermoiements, la Commission européenne propose enfin une définition des perturbateurs endocriniens. Parmi les critères retenus, l’impact avéré sur la santé humaine suscite de vives réactions.
C’était très attendu : avec près de trois ans de retard sur le calendrier qu’elle s’était elle-même donné, la Commission européenne a publié une proposition de définition des perturbateurs endocriniens. Trois critères sont retenus : le mode d’action sur le système hormonal, l’impact sur la santé humaine et le lien de causalité entre les deux. Jusqu’alors, le refus de la Commission européenne de se positionner, malgré les règles qu’elle s’était fixées, bloquait toute possibilité de réguler ces substances très présentes dans notre quotidien, comme dans les produits cosmétiques par exemple. La définition était censée permettre de faire le tri, les produits estampillés perturbateurs endocriniens étant bannis, les autres pouvant rester sur le marché.
Les critères énoncés par Bruxelles ont pourtant suscité un rejet à peu près unanime des associations et des scientifiques experts du dossier. Car exiger que l’effet sur l’homme soit prouvé revient à dire que nous devons servir de cobayes ! Des preuves concordantes sur les animaux ne devraient-elles pas suffire à interdire les ingrédients concernés ? L’Endocrine Society, une société savante internationale regroupant des médecins et chercheurs spécialistes d’endocrinologie, a vivement réagi à la décision de Bruxelles, exprimant sa « déception » et sa « préoccupation ». « Les critères exigés par la Commission sont trop stricts pour protéger effectivement les populations. Elle a mis la barre si haut que même les produits chimiques pour lesquels il existe des preuves sérieuses de leur toxicité auront des difficultés à l’atteindre », s’inquiète-t-elle dans un communiqué publié le 15 juin. Plus de 1 300 études ont montré le lien entre perturbateurs endocriniens et infertilité, diabète, obésité, cancers hormonodépendants et troubles neurologiques, mais les effets sur l’homme mettent parfois des années – voire des générations – à apparaître, d’où l’importance des preuves recueillies sur les modèles animaux, rappelle l’Endocrine Society.
Cette définition pourrait conduire à blanchir la quasi-totalité des produits. Et on aboutirait à un intolérable statu quo. Pour l’industrie chimique, en particulier celle des produits phytosanitaires, ce serait une aubaine.
Toutefois, les dés ne sont pas jetés. Cette proposition de définition des perturbateurs endocriniens doit encore être soumise à l’approbation des États membres, avant d’arriver devant les parlementaires européens. La messe n’est donc pas encore dite.
Fabienne Maleysson