Rosine Maiolo
Pensions alimentairesUn nouveau système pour limiter les impayés
Depuis le 1er mars 2022, le versement des pensions alimentaires des parents qui divorcent devant un juge passe par les caisses d’allocations familiales (Caf) et les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). Avec cette réforme, le gouvernement veut réduire les impayés.
Jusque-là accessible sur demande, le versement des pensions alimentaires via les Caf et les MSA est désormais automatique pour tous les ex-époux détenteurs d’une décision judiciaire de divorce. En pratique, il est rendu par l’Aripa, l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires, un service des Caf et des MSA créé en 2017. Au 1er janvier 2023, il sera étendu à tous les parents.
Les parents séparés sont-ils nombreux à souffrir d’impayés de loyer ?
Actuellement, près d’un million de familles touchent une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, communément appelée pension alimentaire, pour un montant moyen de 170 € par mois et par enfant. Parmi elles, 30 % sont victimes d’impayés, c’est-à-dire qu’elles ne la perçoivent pas ou pas totalement. Le nouveau dispositif vise à protéger les familles qui en pâtissent le plus : les parents qui vivent seuls avec leurs enfants. Pour ces familles monoparentales, la pension alimentaire représente en moyenne 18 % de leurs ressources. L’enjeu en matière de prévention de la précarité est énorme. Sans compter l’intérêt des enfants et de leur bien-être, les tensions entre les parents pouvant rejaillir sur eux.
Qui est concerné par les changements applicables au 1er mars 2022 ?
L’intermédiation par les Caf et les MSA s’applique à toutes les décisions judiciaires de divorce fixant une pension alimentaire rendues à compter du 1er mars 2022. Cela représente environ 35 000 jugements de divorce avec enfants par an. Les parents n’ont pas le choix, le dispositif devient désormais automatique. Les professionnels de justice sont chargés de transmettre aux Caf et aux MSA, de façon dématérialisée, les décisions fixant une pension alimentaire pour les enfants. Deux exceptions permettent d’écarter l’intermédiation : le refus conjoint et formel des deux parents (inapplicable en cas de violences intrafamiliales) ou une décision spécialement motivée du juge en raison de son incompatibilité avec la situation (dans le cas d’une pension versée directement à l’enfant majeur ou d’un parent résidant à l’étranger, par exemple). Jusqu’à présent, seuls les parents qui en faisaient la demande pouvaient bénéficier de l’intermédiation financière. En pratique, ceux qui y recouraient avaient déjà été confrontés à des problèmes d’impayés. Il s’agissait ainsi davantage de guérir que de prévenir les difficultés. En effet, sur les 75 000 demandes reçues en 2021, 60 000 concernaient des parents déjà victimes d’impayés. L’objectif de cette généralisation est aujourd’hui, grâce à des paiements réguliers, de prévenir plus efficacement le fléau de ces impayés et d’apaiser les tensions liées aux questions financières entre parents séparés.
Les parents qui divorcent par consentement mutuel sont-ils écartés du dispositif ?
Oui, mais c’est temporaire. Dès le 1er janvier 2023, le dispositif sera élargi à tous les autres « titres exécutoires ». Concrètement, cela veut dire que seront automatiquement concernés à compter de cette date :
- les parents qui divorcent par consentement mutuel, c’est-à-dire sans passage devant le juge (convention de divorce signée par les avocats et déposée chez un notaire) ;
- les parents qui ont recours à la justice pour fixer une pension pour leurs enfants alors qu’ils n’étaient pas mariés (pacs, union libre) ;
- ceux qui saisissent la justice après leur divorce, dans le cadre d’une révision de pension par exemple ;
- ceux qui demandent aux Caf ou MSA de transformer leur accord verbal en titre exécutoire afin de sécuriser la situation.
Au total, cela représente plus de 142 000 décisions par an. En attendant d’entrer automatiquement dans le dispositif, ces parents peuvent en bénéficier sur demande.
Concrètement, cela veut-il dire que le parent débiteur de la pension ne la verse plus directement à son ex-conjoint ?
Oui, parfaitement. Durant le premier mois, il est d’abord invité à verser l’argent directement à l’autre parent, c’est-à-dire au créancier de la pension alimentaire, le temps que le dispositif se mette en place. Il faut compter 28 jours. Puis, il effectue son paiement par virement ou par chèque à la Caf ou à la MSA. Il peut aussi accepter le prélèvement automatique de la caisse. Ce mode de paiement plus fluide et sécurisé est encouragé mais légalement, il ne peut pas être rendu obligatoire. Actuellement, la moitié des parents débiteurs l’a accepté. Une fois les sommes perçues, l’organisme d’allocations familiales les reverse au parent qui les attend.
Que se passe-t-il si le parent débiteur ne paie pas ?
Le parent débiteur dispose d’un mois pour s’exécuter. Passé ce délai, l’Aripa engage une procédure de recouvrement contre lui. En pratique, elle est autorisée à s’adresser à des tiers qui détiennent des fonds (employeur, pôle emploi, banque, etc.) pour récupérer les sommes dues. En attendant, si le parent créancier de la pension élève seul son enfant, il perçoit l’allocation de soutien familial (ASF), d’environ 116 € par mois et par enfant, le temps que la pension soit recouvrée. Il s’agit en quelque sorte d’une avance sur les pensions à venir, dans l’attente du recouvrement. L’objectif étant qu’il ne se retrouve pas sans ressources. Il est toutefois à regretter que le modèle québécois qui a servi de source d’inspiration n’ait pas été davantage copié. Au Canada, chaque parent tenu de payer une pension alimentaire doit déposer un mois de caution. En cas de défaut de paiement, l’agence en charge de l’intermédiation verse immédiatement au parent créancier cette avance tout en se chargeant de réclamer les sommes dues. Ainsi, en cas de premier impayé, tous les parents de France auraient été davantage protégés. Car, même si l’ASF est une aide efficace, elle ne s’adresse qu’aux parents isolés et est limitée à 116 € par mois et par enfant. Aujourd’hui, au Québec, le taux de bon versement de la pension alimentaire affiche 96 % (il est de 70 % actuellement dans l’Hexagone). Espérons que la réforme française soit une réussite et permette un aussi bon résultat.