Fabrice Pouliquen
Remplir sa gourde, aussi facile qu’acheter une bouteille ?
Ce devrait être la base pour des Jeux olympiques qui ont un temps affiché l’ambition d’être « zéro plastique à usage unique ». Petit tour d’horizon des points d’accès gratuit à l’eau potable prévus pour les Jeux olympiques.
Baignable ou pas la Seine ? La question a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines, alors que plusieurs épreuves des Jeux olympiques de Paris, qui s’ouvrent ce vendredi, se dérouleront dans le fleuve qui traverse la capitale. La ministre des Sports, Amélie Oudea-Castéra, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, ont été jusqu’à mouiller le maillot, au sens propre comme au figuré, pour tenter de clore le débat.
Il y a un autre enjeu autour de l’eau et des JO qui mériterait aussi plus d’attention, d’autant que ces prochains jours s’annoncent chauds : celui de l’accès à l’eau potable pour les spectateurs. Eau de Paris, en charge de la production et de la distribution de l’eau potable dans la capitale, devrait facilement parer aux hausses attendues de la consommation d’eau potable. De l’ordre de 7 % au plus fort des Jeux, table la régie municipale. « De 525 000 m3 délivrés en moyenne par jour, on passerait à 550 000 quand notre capacité de production est d’environ 1 million de m3 », indique-t-on à Eau de Paris.
Le plein de bouteilles avec Coca-Cola ?
Le défi est donc de faire en sorte que remplir gratuitement sa gourde d’eau soit aussi facile que d’acheter une bouteille pour les spectateurs. La base, pourrait-on se dire pour des Jeux qui affichaient l’ambition d’être « zéro déchet » et « zéro plastique à usage unique ». Du moins initialement. Avec Coca-Cola sponsor majeur des JO et distributeur unique des boissons pendant l’événement, difficile d’y croire. Le comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) prévoit que « sur les 18 millions de boissons distribuées par Coca-Cola, plus de la moitié le seront via des bouteilles en plastique », pestait l’association de protection de l’environnement France nature environnement, le 24 juin dernier, en tirant ces chiffres d’un document confidentiel.
Tout de même, le Cojo assure avoir pensé aux spectateurs qui veulent carburer à l’eau du robinet. Déjà en permettant d’entrer dans les 39 sites olympiques avec des gourdes, du moment qu’elles font moins de 75 cl et ne sont pas en verre. Par ailleurs, ce même Cojo précise s’être mis en conformité avec cette mesure de la loi Agec qui impose aux établissements recevant du public pouvant accueillir jusqu’à 300 personnes de mettre gratuitement à disposition des points d’eau potable : « Nous avons recensé les points existants et en avons rajouté lorsque cela était nécessaire. 80 fontaines à six becs – soit 480 points d’eau au total ‒ ont ainsi été installées à l’approche des Jeux, essentiellement dans les sites de compétitions temporaires. »
1 200 fontaines dans l’espace public parisien
Voilà pour les sites olympiques. En parallèle, Eau de Paris vient de mettre à jour sa carte interactive « Où boire de l’eau à Paris ?». Celle-ci recense notamment les 1 200 fontaines à eau présentes dans l’espace public parisien. Le réseau s’est, là encore, quelque peu étoffé pour les JO, avec l’installation de 70 Mât Source, comme Eau de Paris appelle la dernière-née de ses fontaines. Outre le remplissage de gourde, elle est équipée de systèmes de brumisation qui permettent de se rafraîchir. « Les 6 principaux sites de compétitions en profitent avec l’installation d’au moins une voire deux fontaines pérennes à leurs abords », précise-t-on à Eau de Paris. S’ajoutent les fontaines éphémères qu’installe Eau de Paris chaque été. 55 cette année, contre une trentaine habituellement.
Et il n’y en a pas que pour Paris. Le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) en a fait installer une quarantaine dans 32 villes franciliennes avant le début des épreuves. « Essentiellement à proximité des sites de compétitions et des parcours voyageurs, sur les communes adhérentes traversées par le marathon et les épreuves cyclistes ainsi que dans les communes accueillant le passage de la flamme et les fan-zones », détaille le Sedif qui renvoie, lui aussi, vers une carte interactive pour les géolocaliser.
Des établissements qui trichent avec la loi Agec
Suffisant, tout ça ? « La région parisienne commence à être bien lotie en fontaines sur l’espace public », commente Muriel Papin, déléguée générale de l’association No Plastic In My Sea. En revanche, elle regrette le nombre important d’établissements recevant du public qui ne disposent toujours pas de points d’accès gratuits à l’eau bien que leur capacité d’accueil dépasse les 300 personnes : ce devrait pourtant être le cas depuis le 1er janvier 2022.
Aéroports, gares SNCF et grandes stations de métro, grands magasins et centres commerciaux, musées, Palais des Congrès, espaces culturels… Environ 68 000 établissements sont concernés en France. En juin, No Plastic In My Sea a envoyé 60 bénévoles dans 114 d’entre eux. Résultat : seuls 40 % se conformaient à la loi. Certes, 40 %, c’est mieux que les 25 % relevés en janvier dernier, lors d’une première enquête de l’association. À noter aussi que l’Île-de-France tire la moyenne vers le haut. Sur les 42 établissements contrôlés en juin, un peu plus de la moitié disposait de points d’accès à l’eau.
On reste tout de même loin du 100 %. Par ailleurs, même pour les établissements qui se mettent petit à petit en conformité, à l’instar des gares SNCF qui ont beaucoup progressé entre les deux enquêtes de No Plastic In My Sea, « la signalétique pour guider les passants vers ces fontaines est, dans bien des cas, insuffisante quand elle n’est pas inexistante », fulmine Muriel Papin. Difficile de ne pas y voir de la mauvaise volonté chez certains. « Elle s’explique très certainement en partie par le fait que ces établissements proposent eux-mêmes à la vente des boissons en bouteille », reprend la déléguée générale.
1 075 commerces où remplir sa gourde
Il y a tout de même des établissements qui font preuve de volontarisme sur le sujet, sans même forcément être concernés par cette mesure de la loi Agec. À Paris, 1 075 commerces acceptent de remplir gratuitement les gourdes des passants. C’est le réseau « Ici, je choisis l’eau de Paris », qu’Eau de Paris construit petit à petit. On trouve des restaurants, des boutiques, une pharmacie, un coiffeur… mais aussi des enseignes Bio c’Bon, Biocoop et quelques Franprix. Ils sont identifiables à l’autocollant en forme de gourde bleue apposée en vitrine. Mais le plus simple est encore de consulter la carte interactive d’Eau de Paris qui les géolocalise.