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Paradis fiscauxPas seulement la Société générale !

Au moment où éclate le scandale des Panama Papers, mettant notamment en cause les sociétés offshore de la Société générale, une étude rappelle que toutes les banques possèdent toujours de très nombreuses filiales dans les paradis fiscaux.

Les cinq grandes banques françaises (BPCE, Société générale, BNP-Paribas, Crédit agricole et, dans une moindre mesure, Crédit mutuel-CIC) possèdent encore un tiers de leurs filiales dans des paradis fiscaux. En tout, 641 filiales installées au Luxembourg, Monaco, Irlande, Suisse, Singapour, Hong-Kong, Bermudes, Jersey, Îles Caïmans, etc. ! C’est ce que vient d’établir une étude réalisée par plusieurs ONG françaises (CCFD-Terre solidaire, Oxfam France et Secours catholique Caritas) membres de la plateforme internationale Paradis fiscaux et judiciaires (PPFJ). Les experts de ces organisations ont épluché les déclarations comptables de toutes les banques pays par pays pour obtenir ces résultats, notamment dans les 34 pays considérés par elles comme des paradis fiscaux (voir encadré).

Difficile d’imaginer que la présence de toutes ces filiales est uniquement justifiée par la fourniture de services bancaires aux populations de ces États. D’autant que comme le révèle également l’étude, certaines de ces structures sont de pures coquilles vides fonctionnant avec pas ou quasiment pas de salariés. Ainsi, dans cinq pays (Bermudes, Chypre, Îles Caïmans, Île de Man, Malte), les filiales ouvertes par les banques françaises fonctionnent sans un seul employé ! La palme revient aux Îles Caïmans : les 5 banques françaises y déclarent 16 établissements pour… zéro employé. Et de façon générale, le nombre d’employés dans les filiales bancaires implantées dans les paradis fiscaux chute drastiquement. Ainsi BPCE emploie 8 fois moins de salariés dans les paradis fiscaux que dans les autres pays. Ce qui n’empêche pas les banques d’y engranger beaucoup plus de bénéfices qu’ailleurs… Ainsi, les activités de la Société générale et du Crédit agricole sont respectivement 16 fois et 19 fois plus élevées dans les paradis fiscaux que dans les autres pays. La palme pourrait peut-être être remportée par un salarié d’une filiale du Crédit agricole en Irlande : il rapporte 147 fois plus de bénéfices qu’un salarié du groupe travaillant en France ! Chapeau… On a d’ailleurs assez peu de chance de croiser ce salarié au guichet : sur 159 filiales dans un paradis fiscal, le Crédit agricole compte seulement 7 banques de détail.

« Reporting » comptable désormais obligatoire pays par pays

Cette vaste étude est une première rendue possible par la nouvelle réglementation européenne, transposée en France (quatrième directive européenne sur les fonds propres règlementaires du 26 juin 2013 et loi bancaire française du 26 juillet 2013) qui impose désormais à toutes les banques un « reporting » comptable pays par pays.

Après un premier ballon d’essai en 2014, les groupes doivent désormais rendre public, pour chaque pays, les six informations suivantes : nom et type d’activité des filiales, chiffre d’affaires, nombre d’employés, bénéfices ou pertes, impôts payés et subventions publiques reçues. Ce type d’informations réclamées de haute lutte par les organisations investies depuis des années dans la lutte contre l’évasion fiscale a été enfin obtenu en juin 2013… à la suite de plusieurs scandales fiscaux révélés au grand public. « Et pour la première fois en 2015, les banques françaises ont rendu public des informations essentielles sur leurs activités et sur les impôts qu’elles payent dans tous les pays où elles sont implantées », se réjouit le rapport des ONG. Qui rappelle que les pratiques d’évasion et de fraude fiscales font perdre chaque année des centaines de milliards aux États du Nord et du Sud. En France, par exemple, un rapport parlementaire a révélé l’année dernière que les pertes sont estimées entre 40 et 60 milliards d’euros, soit presque l’équivalent du budget de l’éducation nationale ! En attendant, une chose est sûre, François Hollande qui twittait le 15 février 2012 : « Aucune banque française ne pourra plus avoir d'activité dans les paradis fiscaux » a désormais officiellement toutes les informations en mains.

Paradis fiscal et paradis fiscal

Les organisations de la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires considèrent comme un paradis fiscal une juridiction ou un territoire qui a intentionnellement adopté des régimes fiscaux et légaux permettant aux personnes physiques et morales non résidentes de minimiser les impôts dont elles devraient s’acquitter là où elles ont leur résidence fiscale. C’est pourquoi on y trouve notamment des États comme l’Irlande, le Luxembourg ou la Belgique. Une liste bien différente de celle de l’OCDE qui en 2016 ne compte plus aucun « État ou territoire non coopératif » ou de celle de la France qui n’en intègre plus que 6… Enfin, très prochainement 7, selon les déclarations de Michel Sapin, le ministre des Finances, de réintégrer le Panama dans la liste noire !

Élisa Oudin

Élisa Oudin

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