Fabrice Pouliquen
Panneaux solairesOscaro Power fait de plus en plus de clients mécontents
Des livraisons sans cesse repoussées et des remboursements qui n’arrivent jamais… Ces derniers mois, Que Choisir a reçu de nombreuses plaintes de clients mécontents d’Oscaro Power, spécialisée dans les kits solaires dédiés à l’autoconsommation. Mieux vaut éviter l’entreprise corse qui continue à prendre de nouvelles commandes.
« Numéro 1 du solaire en France », claironne Oscaro Power sur son site. Armand Salom préfère en rire… jaune. Le 20 mars, ce retraité de 74 ans, habitant près du Puy-en-Velay (Haute-Loire), a passé commande auprès de cette entreprise française, spécialiste des installations photovoltaïques dédiées à l’autoconsommation et à monter soi-même. « Je leur ai acheté un kit de six panneaux que j’ai payé 2 039 € », précise-t-il.
Des panneaux qui n’arrivent pas
Le kit devait arriver seize semaines plus tard, soit début juillet. « J’avais un peu tiqué, je ne pensais pas que ça serait aussi long », se souvient le retraité, pas plus inquiet néanmoins. L’été passe et Armand Salom ne voit rien arriver. À la fin août, il recontacte Oscaro Power. « À l’époque, on parvenait encore à les joindre relativement facilement, raconte-t-il. On m’annonce alors que la livraison ne se fera que le 30 septembre. » Le retraité refuse et demande à ce que sa commande soit annulée et remboursée. « On me dit qu’il suffit d’adresser un courrier recommandé et que, sitôt réceptionné, je serai remboursé dans les quinze jours », reprend Armand Salom. Le retraité s’exécute et reçoit très rapidement accusation de sa lettre. « Mais on m’annonce alors que le remboursement prendra plus de temps que prévu », déplore-t-il. Nous voilà mi-octobre et Armand Salom attend toujours ses 2 039 €.
Des alertes en cascade depuis 1 an
Son cas est loin d’être isolé. Depuis 1 an, l’UFC-Que Choisir a reçu plusieurs plaintes de consommateurs, eux aussi sans nouvelles de leurs kits solaires ou de leurs remboursements. On ne compte plus non plus les commentaires très négatifs qu’accumule Oscaro Power sur le site d’avis clients Trustpilot. Enfin, ces clients mécontents ont aussi créé, il y a 1 an et demi, une page Facebook pour échanger sur leurs mésaventures. Elle comptait en ce début de semaine 1 372 membres.
Parmi eux, Michel Lasserre. Ce Landais n’a jamais vu la couleur des 15 panneaux photovoltaïques commandés le 31 janvier dernier pour 4 174 €. « En mai, après de multiples relances, ils ont fini par m’envoyer une partie, à savoir l’onduleur, le reste devait suivre un mois plus tard, retrace-t-il. Mais à chaque fois, Oscaro Power annonçait de nouveaux reports, en prétextant tantôt une réorganisation informatique, tantôt une réorganisation de l’entrepôt. » Comme tant d’autres, Michel Lasserre finit par perdre patience et demande le remboursement de la partie non livrée de sa commande. « Après une nouvelle bataille, Oscaro cherchant au départ à me facturer du matériel non livré, on a fini par s’accorder sur le montant à rembourser, soit 3 196 €, détaille-t-il. Mais je n’ai toujours rien reçu. »
Il faut dire qu’Oscaro Power est régulièrement mis en avant par les médias. Michel Lasserre et Armand Salom citent le reportage au JT de France 2 du 11 janvier dernier qu’ils avaient tous deux considérés comme gage de sérieux. « Le 22 septembre encore, la directrice générale d’Oscaro Power, Marie Juyaux, était invitée au micro de Sud Radio pour parler en bien de l’entreprise, jamais les commandes non honorées n’ont été évoquées », n’en revient pas Franck Mevellec, qui espère toujours voir arriver un kit solaire qu’il a acheté 3 200 € le 31 mai 2024.
Déjà avec Oscaro.com
Ces litiges en cascade contre Oscaro Power ravivent en tout cas des souvenirs. Entre 2017 et 2018, l’UFC-Que Choisir avait déjà reçu un nombre important d’alertes de la part de consommateurs en colère contre Oscaro.com, site marchand spécialisé dans la vente de pièces détachées pour l’automobile. Les griefs étaient similaires : des articles commandés jamais livrés et, surtout, des demandes de remboursement laissées en attente de longs mois.
Les deux entreprises ont le même fondateur : Pierre-Noël Luiggi. Le Corse – par ailleurs vice-président du club de football SC Bastia – avait d’abord lancé Oscaro.com avant que l’entreprise soit rachetée par Parts Holding Europe en novembre 2018. Cinq mois plus tard, le nouveau PDG assurait à Que Choisir avoir remis le site Internet en ordre de marche et commencé à rembourser les clients lésés. Pierre-Noël Luiggi a continué d’être actionnaire minoritaire d’Oscaro.com avant de vendre ses parts.
C’est en 2021 qu’il se lance dans une nouvelle aventure entrepreneuriale en créant Oscaro Power. Il dit avoir connu un « démarrage canon » – et force est de constater que sur Trustpilot, les premiers avis sont globalement très bons. Mais les avis de clients jamais livrés se manifestent dès septembre 2023. Pierre-Noël Luiggi ne nie pas avoir rencontré des difficultés. « Comme d’autres acteurs du solaire, on a d’abord souffert, à partir de juin 2023, de la réorganisation de la distribution en Europe des panneaux photovoltaïques de nos fabricants chinois, commente-t-il. Il a fallu plusieurs mois pour que cette nouvelle chaîne logistique soit pleinement en place. »
Voilà pour le premier couac, réglé en décembre 2023, mais suivi dans la foulée d’un deuxième, explique Pierre-Noël Luiggi : « Pour accompagner la croissance de notre entreprise, nous avons décidé de changer tout le système logiciel d’Oscaro Power. Ça ne s’est pas du tout passé comme prévu. Il n’a été mis en service qu’en juillet, 6 mois plus tard que prévu, et il n’est véritablement opérationnel que depuis septembre. »
À écouter son fondateur, Oscaro Power verrait enfin le bout du tunnel. Le 9 octobre, il envoyait un courrier aux clients encore en litige avec son entreprise. « Soit environ 300 personnes, assure-t-il, et non 1 300 comme pourrait le laisser croire le collectif Facebook. » Dans ces lettres, il promet le traitement de toutes les demandes de remboursement avant le 25 octobre et la livraison des commandes confirmées avant mi-décembre au plus tard.
La crainte d’une liquidation judiciaire ?
« Des énièmes délais », soupire Armand Salom. Comme d’autres, il craint qu’Oscaro Power cherche à gagner du temps et à cacher l’imminence d’une liquidation judiciaire. « Ce serait une catastrophe pour nous », estime-t-il. À raison. Même si des démarches peuvent être entreprises pour récupérer son argent auprès d’une société en faillite, les espoirs sont bien souvent minces. « Il n’y a aucun danger de liquidation judiciaire », martèle Pierre-Noël Luiggi.
En attendant, ceux ayant perdu toute confiance en Oscaro Power peuvent signaler leur cas auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) via la plateforme SignalConso. En parallèle, ils doivent dans un premier temps adresser une mise en demeure par lettre recommandée à l’entreprise demandant la livraison sans délai du matériel commandé ou son remboursement. Ensuite, il leur faudra saisir le médiateur de la consommation d’Oscaro Power (la Fevad, la Fédération des acteurs de l’e-commerce) ou s’adresser à une des associations locales de l’UFC-Que Choisir.
En cas d’échec de la médiation, il faudra saisir le tribunal civil de Haute-Corse, l’entreprise ayant déménagé lundi son siège social de la Savoie à Bastia. « Une centaine de membres du collectif Facebook sont prêts à aller en justice », assure Julien Landy, créateur de la page. Même certains qui, comme lui, ont fini par recevoir l’intégralité de la commande. « Il y a une systématisation des retards chez Oscaro Power qui n’est pas normale, fustige-t-il. L’entreprise annonce des délais qu’elle sait incapable de tenir. Nous n’aurions très certainement pas passé commande auprès d’Oscaro Power si on avait su la quantité de problèmes que nous aurions à gérer. »
En tout cas, Oscaro Power continue de prendre de nouvelles commandes. Nous l’avons personnellement constaté en tentant de passer commande sur le site. Dans le contexte actuel, au regard des pratiques relevées, on ne peut qu’inviter nos lecteurs à rester vigilants concernant cette entreprise, quitte à ne pas prendre le risque de passer commande.