Anne-Sophie Stamane
Opérations médicales déprogrammées (infographie)Les retards se sont accumulés
Face à l’épidémie de Covid, les hôpitaux n’ont pas pu assurer leurs missions habituelles. Après avoir mesuré l’ampleur des déprogrammations entre mars et mai 2020, nous avons réédité notre enquête, pour la période mars 2020-avril 2021. Plus de 800 personnes ont répondu à notre questionnaire en ligne, diffusé via notre newsletter hebdomadaire, nos associations locales et les réseaux sociaux.
Mars 2020-mars 2021
Plus d’un quart des opérations déprogrammées toujours pas reprogrammées
Souvenez-vous, c’était en mars 2020 : l’afflux de malades du Covid obligeait les gestionnaires et personnels des hôpitaux à réorganiser les services en urgence. Ils l’ont fait, vite et bien. Mais en contrepartie, il a fallu annuler en masse des interventions non urgentes. Non seulement lors de la première vague de l’épidémie, mais aussi lors de la seconde, à l’automne, ainsi que nous l’avons mesuré grâce à notre nouvelle étude. Un an après le début du mouvement de déprogrammation, le constat est inquiétant : plus d’un quart des interventions reportées n’ont toujours pas été reprogrammées. Le retard pris est important, et sera difficile à résorber. Au total, en comptant les opérations reprogrammées, 39 % n’ont pas été réalisées. A contrario, 61 % des interventions ont bien eu lieu, soit à la date initialement prévue (23 %), soit après un ou plusieurs reports (38 %). L’essentiel des opérations prévues pour nos répondants relevaient de la chirurgie orthopédique ou traumatologique (hanche, genou, etc.), ou de la chirurgie digestive ou viscérale. La moitié devaient être réalisées en ambulatoire, c’est-à-dire sans coucher à l’hôpital.
Les professionnels de santé ont suivi les pouvoirs publics
La déprogrammation a le plus souvent été le fait des établissements de soins, incités par le gouvernement à reporter les soins hors Covid. Dans 90 % des cas, le chirurgien est à l’origine de l’annulation. Avec le rebond de l’épidémie à l’automne, il n’est pas rare d’avoir dû subir un second report : c’est le cas pour une personne sur quatre parmi celles interrogées.
Les malades se sont aussi parfois désistés avant d’être sollicités par le secrétariat de l’hôpital. Dans notre panel, une personne sur dix a signalé avoir pris les devants et contacté l’établissement où devait se tenir l’opération pour la déprogrammer. Soit par civisme, pour ne pas surcharger les hôpitaux en cette période difficile, soit par peur d’attraper le virus, pour se préserver de la maladie. Il est en effet établi que les hôpitaux ont fortement participé à la propagation du Covid. Dans certains cas, rares, l’état des patients s’est, pendant la période, amélioré au point que l’intervention n’était même plus nécessaire.
Pourquoi les opérations ont-elles été déprogrammées ?
Sans surprise, le principal motif invoqué pour l’annulation de l’intervention était les consignes officielles. Le gouvernement avait fait passer le mot d’ordre : priorité absolue aux malades graves du Covid. Les hôpitaux ont appliqué la feuille de route. Les deux autres raisons avancées avaient aussi trait à l’épidémie : soit les soins prévus étaient jugés non prioritaires et pouvaient attendre une accalmie, soit le médecin était mobilisé dans la lutte contre l’épidémie et ne pouvait se consacrer aux soins courants.
Plusieurs mois d’attente avant la reprogrammation
Quand l’intervention était reprogrammée, ce n’était pas immédiat, loin de là. Pour celles qui avaient été réalisées au moment de notre enquête, le délai moyen constaté au sein de nos répondants s’établissait à 3 mois, avec un délai maximum de 11 mois. Pour celles reprogrammées mais pas encore effectuées, il fallait compter en moyenne 7 mois, le report le plus long atteignant 15 mois pour une intervention initialement programmée en mars 2020, effectuée en juin 2021.
Des conséquences logiques
Pour 19 %, il n’y a aucune répercussion. Pour les autres, les répercussions, logiquement, ont été essentiellement d’ordre psychologique, puisque les interventions étaient non urgentes. Stress et inquiétudes ont concerné plus d’un tiers des répondants. Mais l’impact sur l’état de santé est important aussi : la gêne ou l’inconfort reviennent le plus souvent, mais l’aggravation du problème à l’origine de l’opération, ou de douleurs existantes, voire l’apparition de nouvelles douleurs, sont tout de même évoquées par 64 % des personnes interrogées (plusieurs réponses étaient possibles, le stress n’excluait pas l’aggravation d’une douleur, par exemple). 7 % parlent d’un retard dans la guérison, 5 % d’un retard dans le diagnostic d’une maladie.
À partir d’avril 2021
Plus de la moitié des interventions annulées
Avec la nouvelle vague épidémique du printemps 2021, une réorganisation des priorités s’est imposée. Cette fois, parmi nos répondants, 52 % des opérations programmées ont été reportées. Pour 56 % des patients concernés, aucune date n’avait été arrêtée pour la reprogrammation de l’intervention. Quand elle était reprogrammée, le délai moyen observé était d’un mois et demi. Une fois encore, ce sont avant tout les établissements qui ont initié la déprogrammation, en prévision du surplus d’activité lié au Covid.
Isabelle Bourcier
Observatoire de la consommation