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Octobre roseDes slogans pro-dépistage à nuancer

Comme chaque automne, l’opération Octobre rose revient avec son cortège d’événements mis sur pied pour inciter les femmes à participer au dépistage organisé du cancer du sein. L’association Le cancer du sein, parlons-en, à l’origine de cette déferlante, passe sous silence l’importante controverse qui agite le milieu médical sur le rapport bénéfices/risques du dépistage. Nous avons regardé de plus près les slogans effrayants sur lesquels elle prospère.

L’association à l’origine d’Octobre rose fête ses 25 ans. Un quart de siècle qu’elle milite en faveur du dépistage organisé du cancer du sein avec des moyens toujours plus spectaculaires. Ainsi, le lancement de la campagne 2017 s’est matérialisé par une illumination en rose de la Tour Eiffel. Mais ce qui pouvait paraître il y a 25 ans comme un progrès évident – dépister les tumeurs à un stade précoce pour éviter des traitements lourds et sauver des vies – est de plus en plus remis en question. Car le dépistage présente aussi des inconvénients majeurs comme le surdiagnostic et le surtraitement, ou encore les cancers radio-induits.

L’an dernier, une vaste concertation sur le sujet a été lancée pour permettre un débat approfondi entre experts, professionnels de santé et citoyennes. En septembre 2016, le rapport du comité d’orientation chargé d’en faire la synthèse et d’émettre des propositions soulignait « l’absence de consensus scientifique en ce qui concerne l’évaluation du rapport bénéfices/risques associé au dépistage organisé du cancer du sein ». En pratique, il concluait : « L’état des connaissances sur les bénéfices et les risques associés au processus de dépistage du cancer du sein doit faire l’objet d’une information claire, précise, complète, afin de permettre aux femmes d’adhérer ou non à cette démarche. Ceci est un point essentiel. Cette information nuancée nécessite d’en revoir les modalités. » Pour les nuances, on repassera ! Sur son site, l’association à l’origine d’Octobre rose introduit la présentation de sa campagne d’un péremptoire « 1 femme sur 8 risque de développer un cancer du sein. Chaque année, le dépistage précoce permet de sauver des milliers de vie ». Quant à l’Institut national du cancer, dans son livret envoyé aux femmes concernées, il n’évoque le surdiagnostic que discrètement et élude le surtraitement.

Ce discours ambiant extrêmement anxiogène pour les femmes induit l’idée que refuser de se soumettre au dépistage organisé est une attitude irresponsable. Voici quelques chiffres, issus de notre dossier publié en début d’année, qui apportent un éclairage plus nuancé.

Le slogan : « Une femme sur huit risque de développer un cancer du sein. »

La réalité. Selon Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif (94), il s’agit d’une surestimation basée sur un calcul portant sur une population fictive suivie de la naissance à cent ans et plus. « Ce qui est pertinent, c’est le calcul pour une femme d’un âge donné suivie sur une durée donnée. Ainsi, le risque de diagnostiquer un cancer du sein dans les dix années suivantes est de 1,9 % pour une femme de 40 ans, de 2,1 % pour une femme de 50 ans, de 3,2 % pour une femme de 60 ans. »

Le slogan : « Le cancer du sein est le cancer le plus meurtrier chez la femme. »

La réalité. Si ce cancer tue plus que les autres, c’est parce qu’il est le plus fréquent. Mais cela ne veut pas dire que si l’on en est atteint, on a un risque important d’en mourir. La médecine ayant fait des progrès considérables, la survie à cinq ans des femmes diagnostiquées entre 2005 et 2010 était de 88 %, et même de 92 à 93 % pour les 45-75 ans. La survie à dix ans pour les femmes de cette tranche d’âge diagnostiquées entre 1999 et 2004 était de 82 à 86 % et la situation s’est, à coup sûr, améliorée depuis.

Le slogan : « Cette femme a montré ses seins, elle a sauvé sa vie. » (1)

La réalité. Le cas est rare, car le cancer du sein n’est pas une cause fréquente de décès. En 2013, 4,2 % des femmes en sont mortes ; à titre de comparaison, 27 % ont succombé à une maladie cardio-vasculaire. Si on estime que le dépistage organisé permet une baisse de 20 % de la mortalité par cancer du sein, c’est à peine une femme sur cent qu’il pourrait sauver (20 % de 4,2 %).

(1) Il s’agit d’un ancien slogan de l’association qui a marqué les esprits.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

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