Cyril Brosset
Des interprétations erronées
Des consommateurs dont la connexion Internet avait été coupée ont vu leur demande de réparation rejetée par des juges de proximité. Certains de ces magistrats non professionnels ne reconnaissent pas l'obligation de résultat qui incombe aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI). La jurisprudence est pourtant claire.
En matière de responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet (FAI), les jugements se suivent et ne se ressemblent pas. Le site Internet Legalis.net vient de recenser plusieurs affaires pour lesquelles des juges de proximité ont rendu des décisions parfois contradictoires.
Certains magistrats appliquent la responsabilité de plein droit qui pèse sur les fournisseurs d'accès à Internet. Ils confirment, en effet, que le FAI est entièrement responsable du non-fonctionnement de la connexion Internet chez l'abonné, que le problème lui soit imputable directement ou qu'il ait pour origine l'erreur d'un sous-traitant. C'est le cas notamment lorsque le problème est imputable à France Télécom, qui gère la partie terminale de la ligne téléphonique (la boucle locale) ainsi que la procédure de dégroupage.
Étrangement, d'autres jugements, rendus dans des juridictions différentes, ne suivent pas cette logique. Le tribunal de Bordeaux (Gironde), notamment, a considéré dans une affaire similaire que, si l'opérateur Free était tenu à une obligation de résultat en ce qui concerne la partie dont il a la maîtrise, il n'aurait qu'une obligation de moyens lorsqu'il demande à France Télécom d'effectuer des démarches pour son compte.
Responsabilité de plein droit des FAI
Une interprétation audacieuse, si ce n'est erronée, de la législation. L'UFC-Que Choisir a obtenu plusieurs décisions qui confirment la responsabilité de plein droit du FAI. Seuls les cas de force majeure, le fait d'un tiers « imprévisible et insurmontable » ou une faute de la victime peuvent exonérer l'opérateur de sa responsabilité. Une décision du tribunal de grande instance de Paris du 26 juin 2007 à l'encontre de Free justement, dont l'UFC-Que Choisir est à l'initiative, est particulièrement claire sur le sujet. Dans son délibéré, le magistrat précise que « en facturant l'intégralité des prestations sans émettre préalablement de réserves, il [le FAI] souscrit à une obligation de résultat ». Le juge précise par ailleurs que les problèmes techniques imputés par Free à France Télécom n'étant ni « imprévisibles » ni « insurmontables », Free ne peut s'exonérer de sa responsabilité. La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 novembre 2007 (procédure engagée par l'UFC-Que Choisir à l'encontre du fournisseur d'accès AOL) a également confirmé cette obligation de résultat incombant aux FAI.
La fin du juge de proximité ?
Les juges de proximité, chargés de régler les litiges de moins de 4 000 euros, sont des magistrats non professionnels qui, face à l'argumentation des professionnels, oublient parfois les règles de droit. Mieux vaut donc ne pas se laisser impressionner, d'autant que leur décision n'est pas susceptible d'appel (il est toutefois possible de se pourvoir en cassation). D'ailleurs, ces magistrats pourraient disparaître. Le ministère de la Justice envisagerait de suivre les préconisations du rapport Guinchard qui propose de supprimer la juridiction de proximité et de confier ces litiges à de vrais magistrats issus des tribunaux d'instance.