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Obésité

Le Wegovy commercialisé mais pas remboursé

Le sémaglutide, commercialisé sous le nom d’Ozempic pour les diabétiques, est disponible depuis le 8 octobre comme traitement de l’obésité sous le nom de Wegovy. En France, les conditions de prescription seront très strictes. De plus, le dossier de remboursement est toujours en cours d’instruction et les patients devront donc payer ce médicament.

Qui aurait pensé il y a quelques années encore qu’un médicament deviendrait la star des réseaux sociaux au point de provoquer des tensions d’approvisionnement, voire des pénuries ? C’est pourtant bien ce qu’il s’est passé avec le sémaglutide, commercialisé sous le nom d’Ozempic par le laboratoire Novo Nordisk. Cet anti-diabétique injectable est un analogue du GLP-1 (glucagon-like peptide 1), nouvelle classe de médicaments destinés à traiter les patients atteints d’un diabète de type 2. Mais il doit sa célébrité à d’autres propriétés : le sémaglutide s’est révélé très efficace pour perdre du poids, ce dont se sont emparés les influenceurs qui en ont vanté les mérites à des visées esthétiques et non médicales, provoquant ainsi de nombreux mésusages. En effet, le GLP-1 est une hormone qui favorise la sensation de satiété et réduit l’appétence pour les produits gras et sucrés. En mimant ces effets, le sémaglutide provoque donc des pertes de poids.

Après son usage détourné, c’est aujourd’hui en tant que médicament contre l’obésité que la molécule est autorisée sur les marchés américain et européen, sous le nom de Wegovy, à un dosage plus élevé que l’Ozempic. Selon les données disponibles, il permettrait une perte de poids moyenne d’un peu plus de 12 % après 68 semaines de traitement. Des résultats qui n’étaient alors atteignables qu’avec la chirurgie bariatrique, une opération qui consiste à court-circuiter une partie du système digestif. D’ailleurs, « les médicaments comme le sémaglutide reproduisent une partie des effets de la chirurgie bariatrique dont on a montré qu’elle augmentait la production du GLP-1 », rappelle le Pr François Pattou, chirurgien viscéral, coordinateur du Centre intégré de l’obésité du CHU de Lille.

Pas de remboursement

Le Wegovy est disponible depuis le 8 octobre dernier en France. Une annonce très attendue par les patients souffrant d’obésité, dont certains ont déjà pu tester les bénéfices de la molécule grâce à un accès précoce mis en place en 2022 pour le Wegovy. Un rapport rendu en mars 2024 par Epi-Phare (groupement de scientifiques rendant une expertise publique indépendante en épidémiologie des produits de santé) estime qu’en 1 an, un peu plus de 8 000 patients ont démarré un traitement avec le Wegovy.

Mais beaucoup vont être déçus : le dossier de remboursement du médicament est toujours en cours et le Wegovy est donc disponible sur prescription mais sans remboursement. Selon Novo Nordisk, le coût de traitement journalier pourrait être de l’ordre de 9 € à 12 €, « comparable aux autres pays du continent européen où le médicament est disponible », précise le laboratoire. Mais, comme pour tout médicament non remboursé, son prix est librement fixé par le laboratoire et, sur cette base, les pharmaciens décident eux aussi librement du prix de vente final au consommateur.

« On peut s’étonner que le laboratoire n’ait pas attendu que la négociation soit finalisée, cette situation risque de créer beaucoup de confusion sur le terrain, pour les patients comme pour les professionnels de santé », estime le Pr François Pattou, qui n’exclut pas que certains praticiens acceptent de prescrire de l’Ozempic, remboursé, à des patients incapables de supporter une telle charge financière.

Assurer la présence du Wegovy avant les produits concurrents ?

S’il est rare en France que des laboratoires lancent un produit de santé avant d’avoir négocié son prix et son remboursement, Mahmoud Zureik, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’AP-HP, directeur d’Epi-Phare et co-auteur du rapport sur le Wegovy, avance des pistes d’explication : « Le laboratoire peut penser qu’il n’arrivera pas à négocier un prix suffisamment élevé, mais il est possible que ce soit un choix stratégique afin d’être présent sur le marché avant les produits des concurrents. » De fait, le tirzépatide, développé par le laboratoire Eli Lilly sous le nom Mounjaro, devrait obtenir son autorisation de mise sur le marché d’ici quelques mois. Or les données disponibles suggèrent que cette association d’un agoniste de GLP-1 et d’une autre hormone (GIP) aurait un effet sur la perte de poids encore plus important que le sémaglutide.

« La France était un des rares pays européens qui n’avaient pas accès au Wegovy, nous voulions que les patients français aient, eux aussi, accès dès que possible à cette innovation », explique Isabelle Lonjon-Domanec, directrice médicale de Novo Nordisk France, contactée par Que Choisir Santé. Le laboratoire a fourni aux autorités de santé françaises, en mai dernier, les résultats de l’essai clinique Select qui a évalué les bénéfices du Wegovy sur les risques cardiovasculaires chez les personnes souffrant d’obésité et d’une maladie cardiovasculaire préexistante, comme un antécédent d’AVC ou d’infarctus du myocarde. Les résultats sur la diminution de survenue des infarctus, des accidents vasculaires cérébraux et de la mortalité cardiovasculaire pourraient permettre l’obtention d’un remboursement dans les prochains mois, espère Novo Nordisk.

Des conditions de prescriptions très strictes

« C’est fort probable, estime le Pr Zureik. Mais on peut s’attendre à ce que le remboursement soit réservé aux patients fortement obèses ou aux patients obèses avec des comorbidités et des facteurs de risques cardiovasculaires, ce qui limiterait l’accès au médicament aux personnes qui en ont le plus besoin. » L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a d’ores et déjà instauré des critères de prescription stricts pour « sécuriser » l’utilisation des agonistes du GLP-1, a-t-elle justifié dans un communiqué de presse. L’initiation de ces traitements ne peut être faite que par certains spécialistes et les prescriptions pourront être renouvelées par les médecins généralistes. Seuls les patients âgés de moins de 65 ans avec un indice de masse corporel (IMC) initial supérieur ou égal à 35 kg/m2 pourront se voir prescrire un agoniste du GLP-1 « en cas d’échec de la prise en charge nutritionnelle et en association à un régime hypocalorique et à une activité physique », précise l’ANSM. D’autres essais cliniques sont en cours pour évaluer les bénéfices du sémaglutide dans diverses complications de l’obésité telle que l’insuffisance rénale et l’inflammation hépatique. De quoi élargir les indications de prescription à terme si les résultats sont probants.

Stéphany Gardier

Stéphany Gardier

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