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Elsa Abdoun
À l’occasion du 30e anniversaire de la marque, Danone sort un nouvel Actimel triple action, avec encore plus de promesses de bénéfices pour la santé que les anciennes versions. Mais que vaut-il vraiment ?
Enrichi en vitamine D qui « soutient ton système immunitaire », en vitamine C aux « propriétés antioxydantes » et en magnésium qui « contribue à réduire la fatigue », mais aussi doté de « 20 milliards de bactéries L. casei » contre 10 milliards auparavant… avec son Actimel triple action, qui arrive en magasin cet automne, Danone sort le grand jeu marketing. Mais ce produit est-il vraiment bon pour la santé ?
Commençons par les ferments L. casei. L’ingestion quotidienne de ces bactéries « pourrait diminuer le risque de maladies infectieuses communes », nous écrit Danone qui dit s’appuyer, pour l’affirmer, sur « 145 études scientifiques ». Mais un grand nombre de ces dernières sont financées par l’entreprise elle-même, ce qui pose la question de la crédibilité de leurs conclusions. De plus, il s’agit principalement d’expériences menées sur des animaux ou dans des tubes à essai. Seules 9 études sur des personnes humaines (dont 6 au moins sponsorisées par Danone) ont été recensées, en 2020, par une revue de la littérature scientifique. Cette dernière jugeait qu’il s’agissait d’un « nombre limité » et que la majorité d’entre elles était de « faible qualité ». « L’intérêt pour la santé humaine de la consommation de yaourts au L. casei n’est pas aujourd’hui clairement démontré », reconnaît Philippe Langella, microbiologiste à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et fondateur d’une start-up travaillant notamment avec Danone.
Et ce n’est pas tout : si jamais un bénéfice existe, il n’est même pas certain qu’il soit dû au L. casei. En effet, dans ces expériences, l’Actimel n’était jamais comparé à un yaourt à boire classique, mais seulement à un lait non fermenté. Les effets sur la santé, s’ils existent, pourraient donc être produits non par la souche de L. casei brevetée par Danone, mais simplement par les bactéries L. bulgaricus et S. thermophilus, présentes dans n’importe quel yaourt.
Concernant les teneurs conséquentes en magnésium et vitamines C et D, la situation s’avère différente. Car contrairement au L. casei, l’importance de ces micronutriments pour la santé est indéniable. Cependant, « un régime équilibré et varié permet de couvrir ses besoins, le plus souvent sans qu’il soit nécessaire de recourir à des aliments enrichis », pointe Aymeric Dopter, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), qui ajoute que, « en cas de doutes concernant sa capacité à couvrir ses besoins nutritionnels, mieux vaut consulter un professionnel de santé que de se complémenter sans être sûr d’en avoir besoin ».
Cette dernière recommandation semble d’autant plus pertinente dans le cas d’Actimel triple action que ce produit s’avère excessivement sucré, et presque deux fois plus calorique que le Coca-Cola, ce qui lui vaut un Nutri-Score D* (il échappe au E grâce à la présence de protéines), et présente une liste d’ingrédients bien peu recommandables (oligofructose, dextrose, amidon modifié, acide citrique, citrate de sodium...). Ajoutons à cela qu’il coûte très cher (environ 5,80 €/kg) et s’avère tout sauf respectueux de la planète, puisqu’il est produit à partir de lait non bio et emballé dans de minuscules bouteilles en plastique.
Avec au moins 6 millions de bouteilles d’Actimel produites par jour, Danone peut se réjouir… et remercier les pouvoirs publics d’avoir contribué à son succès, volontairement ou non. Le ministère de la Santé, tout d’abord, qui a mis en place en 2016 un Nutri-Score à l'algorithme mal calibré, produisant des notes excessivement favorables pour les boissons laitières. Cette erreur aura permis à Actimel d’afficher pendant des années une très flatteuse lettre B sur fond vert (elle sera heureusement bientôt corrigée). La Commission européenne, ensuite. Car en 2006 a été adopté un règlement européen stipulant que les produits alimentaires doivent respecter certaines exigences d’équilibre nutritionnel pour porter des promesses de santé telles que « défenses immunitaires ». Exigences que Bruxelles devait définir avant la fin 2009... mais qui ne l’ont jamais été, sous la pression du lobby agroalimentaire. Dix-huit ans après son adoption par le Parlement, ce règlement reste donc inappliqué, et Danone peut promettre de nombreux bénéfices sanitaires sur les emballages d’Actimel, malgré des teneurs en sucres souvent très élevées.
Pour vous assurer de bons apports en vitamines D et C et magnésium, mieux vaut donc, pour votre santé, l’environnement et votre porte-monnaie, chercher ces micronutriments ailleurs :
Et si vous souhaitez faire le plein de « bonnes bactéries », vous en trouverez des milliards dans les yaourts et laits fermentés nature (tels que le lait ribot), les fromages frais et à pâte molle, le kimchi (chou pimenté et fermenté coréen), le miso (pâte de soja fermenté japonaise), le kombucha (thé fermenté) ou encore le kéfir de fruits (une boisson).
Danone décide de retirer le Nutri-Score
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* Score calculé avec le nouvel algorithme du Nutri-Score, qui devrait bientôt s’imposer en France, et déjà présent sur l’application mobile gratuite QuelProduit.
Elsa Abdoun
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