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Nouveaux OGMDeux maïs nouvelle génération autorisés en Europe

Ces plantes sont issues de techniques de génie génétique classiques, mais aussi de nouvelles techniques génomiques (NTG). L’une des deux variétés de maïs est modifiée pour produire un « pesticide génétique » qui empêche l’expression du gène vital d’un insecte ravageur. L’autorisation accordée par la Commission européenne est sujette à caution, après le rapport d’une ONG sur les conflits d’intérêts susceptibles d’avoir entaché la procédure.

En début d’été, la Commission européenne a donné son feu vert à la commercialisation de deux maïs OGM destinés à l’alimentation animale et humaine ‒ deux demandes déposées par la multinationale semencière Corteva. Rien de bien nouveau a priori. Sauf que… le diable se cache dans les détails très techniques. Pour créer le maïs prénommé DP915635, un outil génomique a été utilisé en plus des techniques de transgénèse classiques de première génération : CrisprCas9, qui relève des nouvelles techniques génomiques (NTG).

L’autorisation de Bruxelles entérine donc l’arrivée des végétaux NTG dans l’Union européenne (UE), alors même qu’une nouvelle réglementation sur le sujet est encore en négociation ‒ tant qu’aucune nouvelle législation n’est validée, Corteva sera donc tenue de respecter la réglementation en cours, en particulier l’étiquetage de la présence d’OGM.

Pesticide « extincteur de gène »

Quant à l’autre demande d’autorisation, elle est plus inquiétante. En effet, la variété de maïs DP23211, elle aussi issue d’une combinaison de transgénèse et de NTG, est porteuse d’une nouvelle arme contre la chrysomèle, un redoutable ravageur du maïs : un « pesticide génétique », comme le désigne l’association de protection des insectes Pollinis, qui avait lancé l’alerte l’an dernier. Il consiste en un gène qui code pour une protéine particulière, un ARN db (acide ribonucléique double base), que va donc synthétiser la plante. Cet ARN db, une fois ingéré par la chrysomèle, se divise en petits ARN interférents (ARNi) qui bloquent l’expression d’un gène vital pour ses larves, conduisant à leur mort. Ce que redoute Pollinis ? Que ces fragments d’ARNi touchent également des insectes génétiquement proches de la chrysomèle, conduisant potentiellement à un nouvel effondrement des populations de pollinisateurs.

À ce jour, il n’existe aucune évaluation fiable sur les risques spécifiques à ce nouveau type de pesticide (qu’il soit directement sécrété par la plante ou aspergé sur les cultures), pas plus en Europe qu’aux États-Unis, où des autorisations ont déjà été accordées pour la culture. « S'il est possible d'assurer que ces molécules d'ARNi sont efficaces sur le ravageur ciblé, il est en revanche impossible de garantir qu'elles sont sans effet sur l'ensemble des organismes de la biosphère environnante », reconnait un chercheur de l’Inrae. Cependant, « pour que les ARNi aient un effet, il faut premièrement que ces autres organismes vivent au contact de la plante OGM, deuxièmement qu'ils ingèrent les ARN produits par la plante au même titre que le ravageur ciblé, et troisièmement qu'ils présentent une forte homologie de séquence avec les ARN produits par la plante », tempère-t-il. Ce qui est loin d’être impossible.

Pour l’instant, l’autorisation ne portant que sur l’importation et la vente de maïs, ces risques potentiels ne concernent pas l’UE, mais uniquement les pays producteurs. Les Européens sont surtout concernés par ces questions : les ARN db produits par la plante sont-ils présents dans les produits qui arriveront sur le continent (en l’occurrence des grains de maïs, entiers ou broyés), et peuvent-ils avoir un impact sur les animaux ou les humains qui les ingèrent ? L’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) « n’identifie pas de problèmes de sécurité concernant la toxicité et l’allergénicité de l’ARN db et des ARNi », ni « de problèmes de sécurité en cas de dissémination accidentelle de grains de maïs génétiquement modifiés viables dans l’environnement », et juge donc qu’une surveillance spécifique n’est pas nécessaire. Malheureusement, sa crédibilité est sérieusement entamée par les accusations de conflits d’intérêts de son panel d’experts, lancées par Testbiotech, un institut allemand d’évaluation des biotechnologies.

La moitié des experts de l’Efsa en conflit d’intérêts

Dans une étude publiée le 5 septembre, Testbiotech estime ainsi que la moitié des scientifiques membres du panel d’experts OGM de l’Efsa sont en situation de conflit d’intérêts. Et d’énumérer : 7 des 16 experts sont « activement impliqués » dans le développement des OGM, qu’il s’agisse de travaux de recherche en partenariat avec l’industrie semencière, de dépôt de brevets en lien avec le génie génétique, voire carrément d’activités de lobbying pro-OGM… On peut trouver experts plus neutres ! Ce constat de Testbiotech nuit à la crédibilité de l’agence, alors qu’elle avait déjà été critiquée ces dernières années pour les mêmes raisons.

Les critiques de l’institut concernant les avis de l’Efsa sur les deux maïs validés, dans des rapports publiés en janvier, s’éclairent d’un nouveau jour. Par exemple, l’institut y pointait l’insuffisance des données fournies par Corteva, entre autres concernant l’évaluation de la toxicité des molécules insecticides qu’elle sécrète, pour les humains, les animaux et l’environnement, sans que l’Efsa considère cela problématique. Des questions en ce sens soulevées par des experts de plusieurs États membres étaient également restées sans réponse.

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