Élisabeth Chesnais
Neutralité carboneLa publicité toute puissante
Loin d’améliorer la loi Climat, le décret si attendu pour encadrer les arguments publicitaires de neutralité carbone est une porte ouverte au greenwashing sans aucune retenue pour les entreprises.
L’article 12 de la loi Climat qui porte sur les allégations climatiques de la publicité, via les mentions telles que « neutre en carbone », « zéro carbone » ou « climatiquement neutre », a enfin son décret d’application. Dans notre récente enquête sur le greenwashing des grandes entreprises qui compensent leurs émissions de gaz à effet de serre sans jamais les réduire, nous parlions à ce sujet du « loupé » de la loi, avec l’espoir que son décret d’application serait moins laxiste.
Son article 12 légalise en effet la publicité pour les produits qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Il suffit qu’ils compensent leurs émissions pour s’afficher « neutres en carbone » ! Dans la première version du texte parlementaire issu de la Convention citoyenne sur le climat, cette allégation sans fondement scientifique était prohibée, mais les lobbies de l’industrie ont eu gain de cause. La loi Climat empire même la situation actuelle en empêchant tout recours en justice pour pratiques commerciales trompeuses à propos du réchauffement climatique.
Conditions faciles à remplir
Le seul espoir de voir cette mesure climaticide amendée était son décret. Il est paru et il n’arrange rien. Aux antipodes de la Convention citoyenne sur le climat qui voulait « interdire sur tous les supports publicitaires les produits ayant un fort impact sur l’environnement », il autorise la mention « neutre en carbone » sur les publicités. Certes sous conditions, mais elles sont faciles à remplir. Il suffit de mesurer les émissions du produit ou du service, de s’engager à les réduire a minima et de les compenser en achetant des crédits carbone bon marché.
Entre la publication de la loi et celle du décret, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a pourtant publié un avis cinglant sur la question, qualifiant de trompeurs les arguments commerciaux ou publicitaires de « neutralité carbone » et de « neutre en carbone ». Alors qu’elle est le bras armé du gouvernement en matière de transition écologique, il est regrettable qu’un tel avis soit passé à la trappe.