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Moteur diesel 1.5 BlueHDi de StellantisLa grogne monte

Nouveau coup dur pour Stellantis ! Après les problèmes du moteur 1.2 PureTech et ceux des airbags, c’est au tour du diesel 1.5 BlueHDi de défrayer la chronique. En cause, une fragilité de sa chaîne de distribution. De quoi agacer propriétaires et garagistes.

La fausse vache qui a fait une entrée remarquée sur le stand de Stellantis lors du Mondial de l’auto 2024, à Paris, ne s’était pas trompée de salon. C’était une vache en colère – une « vache à lait », ainsi que se qualifie Franck Leblanc, caché sous ce déguisement loufoque pour être entendu. « Vous croyez que ça me plaît, à moi, de faire le couillon, habillé en vache ? », s’égosille le directeur général du Garage de la double commande, à Aubervilliers (93), spécialisé dans la location de véhicules-écoles. Il compte des dizaines de voitures en panne. Et ce sont surtout des Citroën et des Peugeot équipées du moteur 1.2 PureTech – aux problèmes déjà bien connus – ou du bloc diesel 1.5 BlueHDi, qui se révèle, lui aussi, manquer de fiabilité. Hélas, Franck est loin de constituer un cas isolé.

Moteur 1.5 BlueHDi (DV5R) implanté dans un Peugeot 5008.

Des milliers d’automobilistes impactés

Des groupes Facebook se sont même créés. Citons « Stellantis PSA moteur 1.5 BLUEHDI rupture chaîne arbres à cames moteur HS » (plus de 8 000 abonnés) et « moteur 1L5 blue HDi psa » (1 700 membres). Smaël Sebille, administrateur et cofondateur du premier, a dû débourser 4 000 € pour la réparation de son Peugeot 5008 de décembre 2018. Le 1er décembre dernier, il a mis en ligne un formulaire d’inscription afin de réunir des dossiers, en vue d’une action en justice. Il en a recueilli 67 en un seul jour. À mi-décembre, 200 étaient en attente. Smaël souhaite atteindre les 2 000 dossiers avant d’assigner Stellantis, ce qui pourrait arriver assez rapidement. Il faut dire que 36 modèles de voitures (lire l’encadré) vendus par 6 marques et produits entre octobre 2017 et janvier 2023 pourraient être concernés. Ils sont équipés du moteur 1.5 BlueHDi (DV5RD ou DV5RC, selon la puissance) de 75, 100, 110, 120 ou 130 chevaux.

Chaîne de distribution reliant les arbres à cames cassée.

Une chaîne sous-dimensionnée

La fragilité du moteur DV5 est due à un sous-dimensionnement de la chaîne reliant les deux arbres à cames qui commandent l’ouverture des soupapes. D’une largeur de 7 mm, cette chaîne pouvait s’user prématurément, prendre du jeu et finir par casser – alors que, en théorie, aucune intervention n’est à prévoir sur un tel élément. Stellantis nous confirme que « des dysfonctionnements ou des avertissements, tels que des bruits mécaniques, peuvent se produire, indiquant une défaillance potentielle du système de chaîne de distribution, ce qui peut augmenter le risque de casse du moteur ». Soupapes tordues ou cassées, culasse endommagée… Tout cela a un coût, qui représente des milliers d’euros. Depuis le 1er février 2023, le constructeur équipe donc ses moteurs d’une chaîne plus large, désormais de 8 mm.

En parallèle, pour les véhicules encore en circulation munis de la petite chaîne, Stellantis a modifié le type d’huile moteur préconisé. Alors qu’il recommandait auparavant deux références homologuées, la SAE 0W-20 ou la SAE 0W-30, seule la première a été autorisée. Tous les moteurs devaient être vidangés pour recevoir l’unique huile compatible. Le 8 janvier 2024, le constructeur a modifié une nouvelle fois son plan d’entretien, en imposant un type d’huile particulier en fonction de la date de commercialisation des véhicules. Ceux fabriqués jusqu’au 31 janvier 2023 et portant le code OPR (pour « organisation des pièces de rechange ») interne 16885 doivent utiliser de l’huile répondant à l’homologation Stellantis FPW9.55535/03 SAE 5W-30. Pour les modèles fabriqués à compter du 1er février 2023 (OPR 16886), il faut impérativement employer l’huile B71 2010 SAE 0W-20. Il reste que la gestion des problèmes pose… problème.

Une campagne de « mise à jour », mais… pas pour tout le monde

Depuis fin septembre 2024, une campagne de rappel est organisée. Enfin, pas exactement ! Il ne s’agit pas d’un rappel au sens propre du terme, mais d’une opération de « mise à jour préventive » portant les noms de code NJ4 (chez Citroën) et MTT (chez Peugeot). Près de 760 000 propriétaires au total ont été contactés. L’objectif n’est pourtant pas de remplacer systématiquement la chaîne incriminée. Il est avant tout de « réaliser une étude de comportement à l’usage d’un composant du moteur DV5 ». Pour les véhicules qui affichent plus de 120 000 km, on change la chaîne de distribution et son galet tendeur, le carter palier d’arbres à cames et les deux arbres à cames, qui sont ensuite envoyés aux services techniques pour analyses. L’intervention dure cinq heures. Mais, sur les autres voitures, aucune réparation n’est au programme. Les techniciens procèdent à un simple enregistrement des bruits émis par la distribution du moteur au moyen d’un smartphone muni d’une application dédiée. Les modèles concernés sont les Citroën C3, C3 Aircross, C4 Cactus, C4 Picasso, C5 Aircross et Berlingo, ainsi que les Peugeot 208 I et II, 2008 I et II, 308 I, 3008, 508 II, 5008 et Rifter. Et pour les autres véhicules susceptibles d’être affectés ? Rien n’est prévu…

Aujourd’hui, Franck Leblanc passe plus de la moitié de son temps à gérer les soucis mécaniques plutôt qu’à s’occuper de son garage. Cela représente un manque à gagner énorme pour cet entrepreneur, qui en a même annulé des vacances. Hélas, il n’est pas un cas isolé parmi les professionnels qui travaillent avec ou pour les marques du groupe Stellantis. Un concessionnaire de l’est de la France se plaint également de cette situation. « À cause des PureTech, du BlueHDi, mais aussi des airbags, je passe plus de temps à gérer les conflits avec les clients mécontents qu’à m’occuper de mon atelier », a confié un gérant d’une enseigne Citroën à un client venu se plaindre.

C’en est arrivé à un point tel que les contentieux s’accumulent et que, le plus souvent, le constructeur ne donne aucune réponse ni à ses clients ni même à ses concessionnaires, qui se retrouvent livrés à eux-mêmes. Et, en cas de désaccord, lorsque la marque se voit convoquée à une expertise contradictoire (une contre-expertise, réalisée par un nouvel expert choisi par la victime, donne lieu à une réunion entre les deux parties), rares sont les fois où elle y envoie un représentant.

Ce rapport d'expert montre que Peugeot se déplace rarement.

Toujours pas de voiture, mais… 30 000 € de facture

Les particuliers ne sont pas non plus satisfaits de l’attitude de Stellantis. Et certaines situations deviennent ubuesques, comme celle d’Arnaud Lions, qui avait acheté un Peugeot 2008 GT Line BlueHDi 130 neuf dans la concession de Rambouillet (78). En novembre 2023, après seulement

56 000 km, son véhicule est tombé en panne, avec une chaîne de distribution cassée. Le SUV a été remorqué jusqu’à Trappes (78), puis un devis de 10 000 € a été présenté à son propriétaire. Une somme trop élevée, a estimé Arnaud, qui a demandé une prise en charge à Stellantis. Le constructeur a refusé, au motif que l’un des entretiens – qui ont pourtant toujours été effectués

dans le réseau du constructeur – avait été réalisé avec six mois de retard. Arnaud a engagé une procédure, mais il ne parvient pas à récupérer son véhicule. Double peine : le garage lui inflige des « frais de gardiennage » de 50 € par jour. Soit, après une année, une facture de plus de 15 000 € ! Si l’on ajoute à cela les frais engagés, Arnaud devrait finalement débourser pas moins de 30 000 €.

Pourtant, en 2023, Stellantis a mis en place une grille de prise en charge. Laquelle doit être de 100 % pour les véhicules âgés de moins de 5 ans ou affichant moins de 150 000 km au compteur (au premier des deux termes échus). Pour les autres voitures, qui n’entrent pas dans le cadre de ces critères, c’est un peu la loterie. Car il revient au concessionnaire « d’affiner à l’aide d’un outil de simulation la prise en charge effective, qui évoluera en fonction de l’âge et du kilométrage, mais aussi du suivi de l’entretien et de la fidélité au réseau ».

Dans la réalité, le constructeur cherche régulièrement à botter en touche afin de ne pas prendre en charge tout ou partie des réparations. Tel est le cas, par exemple, pour Chris48, un internaute mécontent de la réponse fournie par Peugeot, qui lui oppose un refus de prise en charge. Motif : « Vos réparations sont effectuées hors du réseau de nos réparateurs agréés par Peugeot. Nous ne pouvons pas répondre favorablement à votre demande de participation. » Un argument fallacieux. Et, pour Franck Leblanc, en pourparlers avec Stellantis depuis plus d’un an, la situation n’a toujours pas bougé.

Stellantis n’est jamais à court d’arguments pour ne pas participer aux réparations.

Prévenir la panne - Soyez à l’écoute du moteur

Le problème se situe au niveau de la chaîne de distribution reliant les deux arbres à cames commandant l’ouverture des soupapes : elle se détend et finit par casser. Avant d’en arriver là, des signes indiquent l’usure prononcée de l’élément. Les principaux sont : une consommation d’huile anormale, un manque de puissance (sans doute dû à une mauvaise ouverture des soupapes quand la chaîne se détend) plus ou moins prononcé ; des vibrations du moteur et/ou un « bruit de ferraille », de « cigale », voire de « claquement » (d’où les interventions « d’écoute » des moteurs organisées par Citroën et Peugeot depuis septembre 2024).

Ces signaux sont à surveiller de près. Car, si la chaîne casse, les dégâts sont plus ou moins importants selon le moment où l’incident survient. Au mieux, le moteur ne démarre plus. Au pire, les soupapes, la culasse ou encore les arbres à cames sont à remplacer. Si les chambres de combustion à l’intérieur de la culasse sont endommagées, il arrive également que tout le moteur soit à changer. Même dans ce cas, la réparation peut se compliquer, les concessionnaires recevant parfois des moteurs neufs qui n’ont pas été modernisés, faute de disponibilité de certaines pièces. Ils doivent alors procéder à la remise à niveau du nouveau moteur avant de l’installer dans la voiture.

Les 6 marques et 36 modèles concernés

Toutes marques confondues, de nombreux modèles de Stellantis sortis d’usine entre octobre 2017 et janvier 2023 sont potentiellement concernés par le problème de chaîne de distribution. De même que des véhicules de constructeurs n’appartenant pas au groupe, mais ayant des liens commerciaux avec lui, tel Toyota, qui utilise certains moteurs de Stellantis.

Citroën C3, C3 Aircross, C4, C4 Cactus, C4 Picasso, C5 Aircross, Berlingo, SpaceTourer et Jumpy.

Fiat Ulysse et Scudo.

DS DS 3 Crossback, DS 4, DS 7 et DS 7 Crossback.

Opel Corsa, Astra, Mokka, Crossland, Crossland X, Grandland, Grandland X, Combo, Zafira et Vivaro.

Peugeot 208, 2008, 308, 3008, 508, 5008, Expert, Rifter et Partner.

Toyota Proace et Proace City.

Yves Martin

Yves Martin

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