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MercosurUn traité qui divise

Le traité de libre-échange Mercosur entre l’Amérique latine et l’Union européenne est en négociation depuis plus de 20 ans. Alors qu’il est prêt à être ratifié, il est désormais sous le feu de nombreuses critiques. Décryptage.

Avant d’être un accord commercial, le Mercosur est une zone de libre-échange d’Amérique latine, créée en 1991, qui regroupe l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay (1), ainsi que des pays « associés » ‒ le Chili, la Colombie, le Pérou et l’Équateur. Le terme est la contraction de Mercado Común del Sur (marché commun du sud, en espagnol). Un « accord d’association » avec l’Union européenne (UE) est en négociation intermittente depuis 1999.

Que propose l’accord UE-Mercosur ?

Il comporte deux parties : un volet de coopération et dialogue politique ; et un volet commercial qui vise à créer une zone de libre-échange UE-Mercosur. Si le premier ne suscite pas d’inquiétudes, le second focalise les oppositions. Il prévoit d’abaisser voire de supprimer les droits de douane sur les échanges de biens – ce qui implique des gagnants et des perdants. Les secteurs les plus florissants de chaque continent bénéficieraient d’un nouveau débouché. Pour l’UE, ce sont l’automobile, la chimie, la cosmétique, les services, et des industries de pointe telles que les transports (train, avion), les machines-outils ou le nucléaire qui en profiteraient. Ainsi que, côté alimentaire, les fromages, les alcools, l’huile d’olive... Ce qui explique que la plupart des filières industrielles européennes y soient favorables. Les pays du Mercosur, eux, misent sur leurs produits agricoles (viande bovine, volaille et porc, sucre et bioéthanol, soja, etc.) et minerais stratégiques (lithium, etc.).

Quelles sont les critiques ?

Mais plusieurs filières agricoles s’inquiètent des conséquences de produits provenant d’Amérique latine qui entreraient sur le marché européen à droits de douane réduits, alors que les coûts de production y sont plus faibles. En France, le syndicat Confédération paysanne et les filières d’élevage viande de tous bords se battent depuis des années contre cet accord, invoquant une concurrence déloyale et une aberration environnementale. Dans un contexte de crise du monde agricole, les autres syndicats, dont la puissante FNSEA, les ont finalement rejoints dans leur opposition.

L’UFC-Que Choisir, de même que le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), dont elle est membre fondatrice, critiquent également le traité depuis des années, rappelant « les risques majeurs de ce texte pour les agriculteurs et citoyens européens ». L’association regrette que le traité ne se concentre pas davantage sur le commerce de produits durables, pointant au passage la contradiction entre la posture de la Commission, « qui se targuait d’avancer vers une transition verte », et la réalité de l’accord final.

Par ailleurs, certains points ne sont pas réglés : droits d’auteur, propriété intellectuelle, principe de précaution (non reconnu dans le Mercosur), normes sociales sanitaires et environnementales (des pesticides sont autorisés dans le Mercosur mais interdits dans l’UE ; la déforestation de l’Amazonie ne respecte par l’Accord de Paris sur le climat). Enfin, cet accord fait partie des traités commerciaux dits « de nouvelle génération », qui instaurent des mécanismes de règlement des différends potentiellement défavorables à la souveraineté des États et à leur capacité à légiférer.

Où en est-on aujourd’hui ?

La Commission européenne soutient cet accord, et mène les négociations, avec un manque de transparence regrettable. Sa présidente, Ursula von der Leyen, a annoncé avoir bouclé l’accord le 9 décembre dernier, lors d’un déplacement en Uruguay. Mais elle fait face à une opposition montante de la part de plusieurs pays – dont l'Autriche, la Belgique, la France, l'Irlande, la Pologne, l’Italie – qui s’inquiètent pour leurs filières agricoles.

L’accord doit désormais être voté par le Conseil de l’Europe (les États membres) à la majorité qualifiée (au moins 15 États pesant 65 % de la population de l’UE) puis par le Parlement européen, à la majorité simple. Mais la ratification pourrait s’avérer plus complexe car certaines dispositions du traité empiètent sur les prérogatives nationales. Ce qui impliquerait alors les ratifications des Parlements nationaux et un accord du Conseil à l’unanimité ‒ auquel cas certains pays pourraient être tentés de mettre leur veto. En France, l’Assemblée nationale puis le Sénat ont voté en novembre 2024 contre une ratification en l’état.


(1) L’adhésion du Venezuela est suspendue depuis 2017.

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