Anne-Sophie Stamane
Médicaments génériquesLourde condamnation pour Servier
En 2003, le brevet du Coversyl (périndopril) tombait, laissant le champ libre aux versions génériques. Ce n’est pourtant qu’en 2007 que le premier a été commercialisé. En cause, les pratiques du laboratoire Servier, qui a payé les fabricants de génériques pour qu’ils renoncent à le concurrencer.
Plus d’un milliard de dollars, c’est ce qu’a rapporté en 2006 et 2007 le Coversyl (périndopril) – un antihypertenseur utilisé dans les maladies cardiovasculaires – à Servier, son fabricant. À ces dates pourtant, le brevet de la molécule était déjà tombé et les génériqueurs avaient le champ libre pour lancer sur le marché des produits moins chers. Mais ils se sont heurtés à la volonté tenace de Servier, le laboratoire à l’origine du Mediator, de protéger sa principale source de revenus de toute concurrence. La Commission européenne, après enquête, a mis en évidence les pratiques peu recommandables du laboratoire, et vient de le condamner à une amende de plus de 330 millions d’euros : « Servier a eu recours à une stratégie qui consistait à racheter systématiquement toute menace concurrentielle, afin de s’assurer qu’elle resterait à l’écart du marché », a déclaré Joaquin Almunia, vice-président de la commission chargée de la concurrence. Servier conteste cette analyse et va déposer un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Pour l’essentiel, Servier a gagné du temps en poussant les génériqueurs à contester en justice des brevets secondaires. Et chaque fois qu’une issue défavorable se profilait pour lui, des discussions s’ouvraient avec le concurrent et Servier achetait son renoncement au marché. « Les fabricants de génériques acceptaient de s’abstenir de jouer le jeu de la concurrence en échange d’une partie de la rente dont bénéficiait Servier », explique la Commission européenne dans un communiqué. Par exemple, Servier a offert à un génériqueur une licence pour vendre la molécule dans sept pays en échange de la promesse d’abandonner tous les autres marchés de l’Union. Pour avoir cédé aux propositions de Servier, cinq fabricants de génériques auront à payer entre 14 et 40 millions d’euros d’amende.
Ces arrangements entre laboratoires ont empêché des produits moins chers d’arriver sur le marché, maintenant à un niveau anormalement élevé le prix du périndopril. D’où un préjudice financier important pour les systèmes d’assurance maladie. En 2007, rappelle la Commission européenne, quand le seul concurrent ayant mené à terme sa bataille judiciaire a obtenu l’annulation du brevet le plus important et a pu vendre son générique en Grande-Bretagne, le prix du périndopril a chuté de 90 %.