Fabrice Pouliquen
MaPrimeRénov’Monogeste, rénovation d’ampleur, DPE… À quels changements s’attendre encore ?
Trop ambitieuse, la refonte de MaPrimeRénov’ entrée en vigueur au 1er janvier ? Le nombre de demandes de dossier pour toucher la principale aide publique en matière de rénovation énergétique a chuté depuis le début de l’année. Au point de pousser le gouvernement à annoncer un énième réajustement.
En matière de rénovation énergétique, mieux vaut un monogeste plutôt que pas d’amélioration du tout ? Via des arrêtés qui doivent être mis en consultation cette semaine, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, et Guillaume Kasbarian, son homologue au Logement, s’apprêtent à réajuster MaPrimeRénov’.
Au 1er janvier dernier, pourtant, le principal dispositif d’aides publiques à la rénovation énergétique des logements avait déjà connu un profond lifting. Le gouvernement a restreint la possibilité de recevoir MaPrimeRénov’ pour un monogeste de travaux et avait même prévu de l’exclure, à compter du 1er juillet, pour les 6,2 millions de passoires énergétiques en France (classées F ou G au diagnostic de performance énergétique). À l’inverse, le nouveau dispositif favorisait grandement la rénovation d’ampleur. Créé au 1er janvier, le parcours MaPrimeRénov’ « accompagné » permet ainsi une prise en charge pouvant atteindre 90 % des dépenses pour les revenus très modestes, jusqu’à 70 000 € de travaux. En contrepartie, ce parcours impose un minimum de deux gestes d’isolation, l’obligation d’être accompagné tout au long du projet par un tiers de confiance indépendant et agréé par l’État (un accompagnateur Rénov’) ou encore de réaliser une amélioration d’au moins deux classes énergétiques au diagnostic de performance énergétique (DPE).
Des dossiers MaPrimeRénov’ en forte baisse
La réforme allait dans le bon sens pour le Cler, le Réseau pour la transition énergétique. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 13 mars, l’association appelle l’État à changer de paradigme en passant du monogeste (essentiellement, d’ailleurs, l’installation de pompes à chaleur) à la rénovation globale et performante. « C’est ainsi qu’on répond à tous les enjeux de la rénovation, explique Danyel Dubreuil, coordinateur de la campagne Rénovons au sein du Cler. Pas seulement la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi la baisse des factures pour les foyers, l’amélioration du confort et de l’hygiène du logement (renouvellement de l’air intérieur notamment), etc. »
Mais ces rénovations d’ampleur sont aussi plus complexes à réaliser. Trop même ? Les demandes MaPrimeRénov’ ont chuté de 40 % en janvier et février par rapport à la même période l’année dernière, indiquait le journal Les Échos le 7 mars dernier. Un gros couac pour l’exécutif qui visait initialement 200 000 rénovations d’ampleur pour 2024, contre 71 000 un an plus tôt et avait porté à 4 milliards d’euros (contre 2,3 en 2023) le budget MaPrimeRénov’ pour y parvenir. Mi-février, il avait déjà raboté d’un milliard le budget alloué à MaPrimeRénov’ et revu ses ambitions en conséquence. En parallèle, tout de même, Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian ont lancé des concertations avec les organisations professionnelles du bâtiment en vue de simplifier MaPrimeRénov’ et relancer la dynamique des rénovations.
Rien ne bouge sur MaPrimeRénov’ accompagné
Le dispositif MaPrimeRénov’ accompagné, qui se concentre sur les rénovations d’ampleur, reste inchangé, y compris dans le montant des aides allouées. L’obligation de passer par un accompagnateur Rénov’ est aussi maintenue, le gouvernement annonçant même l’accélération de leur déploiement. La rare bonne nouvelle pour Danyel Dubreuil : « On a craint que ces accompagnateurs passent à la trappe, alors qu’ils sont essentiels. Pas seulement pour se prémunir des fraudes mais aussi aider à prendre les décisions sur des rénovations d’ampleur qui restent des dossiers complexes pour les particuliers. »
En revanche, les lignes bougent sur le deuxième parcours, intitulé simplement MaPrimeRénov’, qui subventionne les monogestes. L’impossibilité d’y avoir accès pour les passoires thermiques, qui devait être effective au 1er juillet, est reportée à 2025. Par ailleurs, ce parcours redeviendra plus accessible. Depuis le 1er janvier, la seule possibilité était de changer son système de chauffage ou d’eau chaude sanitaire par des solutions décarbonées. Seulement ensuite, d’autres gestes pouvaient être ajoutés en complément. Cette restriction tombera, le cabinet de Christophe Béchu annonçant la réintégration de monogestes « isolation » et « ventilation double flux » comme porte d’entrée dans ce parcours.
Retour à 2023 sur les monogestes
Un retour à la situation de 2023 ? « Il faut attendre de voir l’arrêté avec la liste précise des travaux éligibles, mais ça y ressemble beaucoup », observe Audrey Zermati, directrice stratégique d’Effy, entreprise spécialisée dans les travaux de rénovation énergétique pour les particuliers. « C’est encore flou, mais notre crainte est qu’on autorise même, de nouveau, des passoires énergétiques à pouvoir seulement changer leur système de chauffage sans avoir fait les travaux d’isolation nécessaires au préalable, pointe Danyel Dubreuil. Une aberration. »
Audrey Zermati retient tout de même du bon dans ces évolutions. « À Effy, on a constaté une hausse notable de 30 % des intentions de rénovation d’ampleur, la preuve que de plus en plus de Français s’y intéressent, commente-t-elle. En cela, la réforme de MaPrimeRénov’ est positive. En revanche, beaucoup encore restent dans l’optique de ne faire qu’un seul geste de rénovation pour des raisons qui peuvent se comprendre. Un reste à charge trop important, des travaux trop longs… C’est ce public qu’on a massivement perdu depuis le 1er janvier et qu’il fallait retrouver. »
Audrey Zermati voit aussi d’un bon œil que le DPE ne soit plus obligatoire pour prétendre à MaPrimeRénov’. « Autant il est pertinent sur les rénovations d’ampleur, autant il n’apporte pas toujours grand-chose lorsqu’on est sur des monogestes, estime-t-elle. Or c’est une étape supplémentaire pour les particuliers qui doivent démarcher une entreprise pour faire ce DPE, payer en moyenne 150 €, attendre sa réalisation pour déposer leur dossier MaPrimeRénov’… Cela a pu décourager certains de se lancer. »
Cette simplification de MaPrimeRénov’ va « décoincer 90 % des chantiers », se félicite Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment. « Il faudra sans doute attendre mai-juin, au plus tôt, pour que ces arrêtés soient adoptés puis publiés, rappelle Audrey Zermati. Ensuite, il faudra de nouveau expliquer ces changements de règles. Pas simple alors qu’elles changent très régulièrement. »
Du neuf aussi sur le RGE ?
À ce jour, pour demander l’aide MaPrimeRénov’, en parcours accompagné ou en monogeste, il est obligatoire de faire appel à des entreprises du bâtiment labellisées Reconnu garant de l’environnement (RGE). Cette condition vise à diminuer les fraudes, très nombreuses dans la rénovation énergétique, en s’assurant au maximum du sérieux des entreprises réalisant les travaux. Non seulement ce label n’est pas infaillible, mais il peut être un frein à la rénovation énergétique. Jean-Christophe Repon, président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) souligne ainsi « le trop peu d’entreprises RGE aujourd’hui en France (61 000) mais surtout leur évolution à la baisse ces dernières années, un nombre croissant d’entreprises artisanales se désintéressant de ce label trop complexe et coûteux ».
Pour contrer cette tendance, la simplification de MaPrimeRénov’ prévoit l’instauration d’un « dispositif de validation des acquis par l’expérience pour accéder à RGE ». « Plutôt qu’avoir à remplir un dossier administratif, les entreprises du bâtiment pourraient obtenir cette compétence RGE lors d’un contrôle qualité de leur chantier », traduit Jean-Christophe Repon. Reste à savoir au bout de combien de chantiers contrôlés ces entreprises pourraient obtenir le label. « C’est un point qu’il reste à éclaircir avant la publication des arrêtés », indique le président de la Capeb.