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Maladie d’AlzheimerUn nouveau traitement, vraiment ?

Un temps abandonné, l’aducanumab revit. Le laboratoire Biogen veut faire autoriser ce médicament contre la maladie d’Alzheimer aux États-Unis. La manœuvre a surpris : il avait échoué en phase expérimentale. Cette résurrection est en fait le fruit d’une manipulation statistique.

Enfin un médicament serait actif, et efficace, contre la maladie d’Alzheimer. L’espoir renaît chez les patients et les associations qui les représentent depuis l’annonce du laboratoire américain Biogen, ce 22 octobre. Le fabricant tente une pirouette inédite : sortir de la tombe l’aducanumab, enterré en phase d’essais cliniques. Selon un communiqué, de nouvelles analyses ont permis d’obtenir un résultat plus concluant. Suffisant, semble-t-il, pour déposer un dossier auprès des autorités américaines (FDA), en vue d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Faut-il vraiment s’enthousiasmer ? Mieux vaut envisager cette annonce, avant tout commerciale, avec la plus grande des prudences.

De quoi s’agit-il ?

L’aducanumab est un anticorps monoclonal qui cible l’un des marqueurs de la maladie d’Alzheimer : les amas de protéine bêta-amyloïde. On ne connaît pas encore le rôle exact que jouent ces protéines dans l’apparition des symptômes. L’aducanumab a été développé dans l’espoir de ralentir l’évolution de la maladie. Mais au cours d’essais cliniques, une évaluation a livré des conclusions peu amènes à son encontre : l’anticorps avait peu de chances de remplir ses objectifs, selon un comité indépendant. L’étude a donc été interrompue en mars dernier. Le laboratoire Biogen a tout de même continué d’exploiter les résultats.

Il vient de présenter les données complètes de ses deux essais (EMERGE et ENGAGE). Elles portent sur 3 285 personnes souffrant de formes très précoces de la maladie. Parmi elles, 2 066 ont complété les 18 mois de traitement. Soit 300 de plus que celles suivies par le comité indépendant. Le laboratoire souligne surtout qu’au cours de l’essai, il a modifié sa méthode pour permettre à certains volontaires de recevoir des doses plus élevées que prévu… ce qui aurait permis de changer la donne.

Une annonce surtout commerciale

Il y a tout lieu de relativiser l’intérêt des résultats annoncés par le laboratoire Biogen… à destination surtout des investisseurs. Il s’agit d’une manipulation à la fois statistique et boursière, nous confirme le Formindep (Association pour une formation et une information médicale indépendante). Tout d’abord, 18 mois de suivi, c’est un peu court pour se vanter d’un effet pharmacologique sur une forme très précoce d’Alzheimer, quand il s’agit d’une maladie chronique.

Par ailleurs, selon cette nouvelle analyse, seul un essai sur les deux atteint son objectif principal. L’aducanumab réduit de 23 % le déclin cognitif par rapport au placebo. Difficile de savoir comment cela se traduit en termes de symptômes : ce critère a été évalué à l’aide d’un score sur 5 points, peu utilisé par les spécialistes, qui détermine la sévérité de la démence. Dans l’autre essai, l’anticorps fait pire que le placebo. Les données rendues publiques témoignent d’une grande hétérogénéité des résultats sur les trois autres scores utilisés pour déterminer d’autres critères.

Certes, Biogen se rattrape aux branches en s’intéressant à un sous-groupe de sa seconde étude, qui cette fois livre des bons résultats. Réanalyser les données scientifiques à la lumière d’un échec est courant, surtout au vu des enjeux financiers. En réalité, sélectionner soigneusement le groupe le plus séduisant est une manipulation statistique décriée. Et pour cause : elle ne change rien au résultat négatif réel, qui lui se répercutera sur les patients.

Enfin, ce sont des données partielles qui sont communiquées directement par le laboratoire, à l’occasion d’une conférence de presse. Elles n’ont donc pas été revues par des experts avant publication dans la littérature scientifique. Une conclusion s’impose : mieux vaudrait lancer un troisième essai, dans de meilleures conditions et peaufiné à la lumière de ces résultats, afin d’obtenir une réponse plus probante.

Une longue série d’échecs

Avant l’aducanumab, un autre anticorps a échoué à prouver son efficacité chez l’humain : le solanezumab. Depuis une dizaine d’années, les échecs s’accumulent dans la recherche de traitements contre la maladie d’Alzheimer. Il faut dire qu’à ce jour, pas un seul médicament n’a permis de modifier son évolution, ni même d’en contrôler les symptômes. Quelques médicaments (donépézil, rivastigmine, galantamine et mémantine) étaient bien autorisés – et remboursés – en France. Mais ces molécules ont été déremboursées en août 2018 en raison de leur inefficacité.
Audrey Vaugrente

Audrey Vaugrente

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