Erwan Seznec
Loi ScellierRéforme en vue
Alors qu'une étude indépendante dresse un état des lieux invitant les investisseurs potentiels à la plus grande prudence, le gouvernement annonce qu'il envisage de revoir à la baisse les plafonds de loyer de ce dispositif d'investissement immobilier défiscalisé.
Mieux vaut tard que jamais. Le secrétaire d'État au Logement Benoist Apparu a annoncé mercredi 19 mai que le gouvernement allait revoir à la baisse les plafonds de loyer du dispositif d'investissement immobilier défiscalisé Scellier (du nom du député du Val d'Oise François Scellier). Sous des dehors techniques, c'est une annonce importante, car ces plafonds semblent avoir induit en erreur de très nombreux particuliers depuis l'entrée en vigueur de la loi en janvier 2009.
Le Scellier accorde au contribuable une diminution substantielle de son impôt sur le revenu, s'il investit dans un bien immobilier mis en location pendant 9 ans en respectant un plafond de loyer fixé par l'État. Des sociétés de défiscalisation se sont spécialisées dans ce créneau très porteur. En 2009, les deux tiers des 105 000 ventes d'appartements enregistrées par la Fédération des promoteurs constructeurs étaient du Scellier (ce chiffre oublie très certainement des petites opérations menées ici ou là).
À en croire les défiscalisateurs, entre l'économie d'impôt et les loyers encaissés, il est possible de devenir propriétaire d'un T2 avec seulement 150 euros d'épargne par mois. Sauf si le locataire fait défaut (un détail souvent passé sous silence). Sans lui, ni loyer, ni défiscalisation. En l'occurrence, les plafonds officiels censés être plus bas que les prix du marché ont donné un faux sentiment de sécurité aux particuliers. Un appartement neuf et pas cher trouve forcément preneur... Hélas, ces plafonds organisés selon un zonage sommaire, qui divise la France en quatre zones seulement, sont en réalité très souvent supérieurs aux niveaux des loyers locaux ! Une étude du cabinet Immogroup Consulting ne laisse subsister aucun doute à ce sujet (voir carte ci-jointe).
C'était déjà le cas avec le Robien, que le Scellier a remplacé. L'enchaînement des deux lois fait que plus d'une centaine de villes se retrouvent aujourd'hui saturées de logements en défiscalisation trop chers. Derrière chacun d'eux, un particulier voit s'effondrer la simulation de rendement qui l'avait poussé à l'achat.
L'étude Immogroup Consulting semble avoir été le facteur décisif poussant le gouvernement à durcir les plafonds. Entendu par la commission des Finances du Sénat le 19 mai, Benoist Apparu a également confirmé que 170 villes étaient sous surveillance. Il s'agit des communes qui n'auraient jamais dû figurer dans le Scellier, et qui y ont été intégrées sous pression des élus locaux, nous avait expliqué en janvier dernier le secrétaire d'État au Logement. Certaines devraient sortir bientôt du dispositif. Parallèlement, toutefois, un amendement a prévu que de nouvelles communes manquant de logements puissent entrer au cas par cas dans le Scellier. Benoist Apparu s'est engagé à ce que l'examen de leur situation soit très rigoureux.
Ironie du sort, l'étude Immogroup Consulting qui pousse aujourd'hui le gouvernement à réformer le Scellier a été supervisée par Jean-Michel Ciuch. Ancien directeur des études du Crédit foncier, il avait été écarté de ses fonctions par la direction du groupe en juillet 2009, pour des propos à la tonalité trop négative sur le Scellier. L'expert dénonçait des plafonds de loyer trop élevés et un zonage trop schématique...
Etat des lieux général des agglomérations ou communes à risque locatif
Inadaptation totale ou partielle des loyers proposés ou maxima Scellier aux loyers de marché et/ou suroffre (liste non exhaustive)
La zone A du Scellier est la plus chère. Elle correspond schématiquement à la région parisienne, au Genevois français et à la Côte-d'Azur. La zone B1 couvre les grandes villes et la zone B2 les villes moyennes. La zone C est exclue du dispositif.
Selon Immogroup, les écarts entre les loyers plafonds et les loyers réels sont très élevés : jusqu'à 35 % en région parisienne et en Haute-Normandie, jusqu'à 40 % dans le Nord-Pas-de-Calais, le Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et en Aquitaine, et jusqu'à 70 % dans les Alpes !