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Loi ScellierDe mal en pis

Le gouvernement a fixé de nouveaux plafonds de loyers quasiment aussi irréalistes que les précédents. Il confirme son intention de faire entrer de nouvelles communes dans ce dispositif de défiscalisation immobilière, qui semble plus périlleux que jamais.

Le Scellier vire à la farce, mais elle ne fait plus rire personne. Le ministre en charge du Logement, Benoist Apparu, a annoncé le 26 août une réforme de ce dispositif de défiscalisation immobilière. Elle portait sur un point crucial : les plafonds de loyer. Dans le cadre du Scellier, un particulier bénéficie d'une réduction d'impôt importante s'il investit dans la construction d'un logement neuf, à condition de le mettre en location pendant une durée de 9 ans. Le propriétaire n'est pas tout à fait libre de fixer son loyer. Il doit respecter un certain plafond, car le Scellier (du nom du député qui a inspiré le texte, entré en vigueur début 2009) a en principe une vocation sociale.

Hélas, il est vite apparu que les plafonds avaient été fixés en dépit du bon sens. Ils divisaient la France en trois zones seulement (A, B1 et B2), ne reflétant guère la diversité des réalités locales. Pis encore, les plafonds étaient très souvent au-dessus des prix du marché, ce qui a permis aux groupes de défiscalisation de berner le plus légalement du monde des milliers d'investisseurs. Ils leur ont vendu des perspectives de rendement mirifiques assises sur un loyer que le gouvernement lui-même présentait comme quasiment garanti !

La déconvenue a été brutale, et elle le sera tout autant pour les particuliers qui se fieront aux nouveaux plafonds entrant en vigueur le 1er janvier 2011. Malgré les multiples mises en garde (de l'UFC-Que Choisir, mais aussi des professionnels de la construction), le gouvernement a encore une fois fixé des limites de loyer très souvent supérieures aux prix du marché. Ils restent à 21,70 euros le mètre carré sur Paris et une trentaine de communes formant la zone « A bis », considérée comme la plus chère de France. La zone A, correspondant à la côte d'Azur, au Genevois français et aux coeurs des grandes agglomérations, descend à 16,10 euros le mètre carré. La zone B1 (les villes moyennes et la périphérie des grandes villes, schématiquement) passe à 13 euros le mètre carré. La zone B2, enfin (celle des petites villes), descend à 10,60 euros le mètre carré.

Problème : selon l'économiste Michel Mouillard, spécialiste du logement et animateur de l'Observatoire Clameur (www.clameur.fr), « le loyer moyen d'un bien neuf en défiscalisation toutes zones confondues en 2010 est de 12,60 euros le mètre carré ». Exit les promesses de rendement en zone A et A bis (1). En zone B1, les prétendus « plafonds » correspondent en fait à la moyenne des prix du marché. Et en zone B2, ils les dépassent allègrement. Selon Clameur, par exemple, les loyers réels à Brest, Belfort ou Gap sont proches de 8,30 euros le mètre carré, soit 20 % en dessous du plafond révisé du Scellier !

Les professionnels ne sont pas dupes. « Ces révisions artificielles procèdent d'une chirurgie faussement réparatrice, partielle et partiale », souligne le cabinet Immogroup Consulting dans une étude au vitriol sur la réforme du Scellier.

Pire, dans les mois qui viennent, le ministre en charge du Logement doit faire entrer dans le dispositif des communes qui en étaient jusqu'à présent exclues car la demande y était considérée comme inexistante... « Ce n'est pas raisonné, estime Jean Perrin, président de l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI). Il n'y a pas d'analyse des besoins, les élus locaux font le siège du ministre pour qu'on construise chez eux, le marché est détraqué. »

Immogroup est plus sévère encore. Pour le cabinet, l'élargissement à des « territoires vierges composés de communes rurales ou semi-rurales » ressemble fort à « une réponse à l'essoufflement programmé du Scellier ». « Les filons actuellement exploités étant en voie d'épuisement », le gouvernement s'apprêterait à offrir « une véritable manne foncière bon marché aux promoteurs-constructeurs ». Précision indispensable : ce n'est pas l'État qui paiera ce cadeau insensé fait au secteur de la construction, mais les particuliers qui auront la faiblesse de croire les promesses des défiscalisateurs.

1. Qui, en dehors du gouvernement, peut sérieusement penser qu'un T2 de 50 m2 se loue 1 085 euros par mois hors charges dans une commune défavorisée comme Aubervilliers, classée en zone A bis ?

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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