Erwan Seznec
Entre avancées consuméristes et incertitude
La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a été adoptée par le Parlement. L’UFC-Que Choisir a œuvré durant les débats pour faire avancer les droits des consommateurs, même si le triple recours au vote bloqué (article 49-3) a limité la capacité d’enrichir le texte. Première analyse.
La loi Macron entérine plusieurs réformes qui vont toucher directement les consommateurs. Nous résumons ci-dessous les plus importantes. Ce texte long et dense (5 sections, 96 articles) comporte aussi de nombreuses dispositions difficiles à interpréter qui pourraient avoir des conséquences plus ou moins positives sur notre quotidien, en fonction des décrets qui viendront les préciser.
Les avancées
Ouverture dominicale
Les commerces pourront ouvrir le dimanche toute l’année dans les zones touristiques (définies par décret) et jusqu’à 12 dimanches par an (contre 5 actuellement) ailleurs avec l’autorisation du maire de la commune. L’UFC-Que Choisir est réservée sur l’extension des ouvertures dominicales aux zones non touristiques dès lors que les compensations salariales peuvent aboutir à une augmentation des prix en magasin.
Professions juridiques réglementées
Il s’agit des notaires, commissaires-priseurs, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers et administrateurs et mandataires judiciaires. Leurs conditions d’installation vont être assouplies et leurs tarifs seront régulièrement examinés par l’Autorité de la concurrence, avec l’idée de les faire évoluer plus rapidement à l’avenir. Les avocats, de leur côté, devront généraliser la convention d’honoraire, ce qui est un progrès en termes de clarté pour les consommateurs.
Autocars
Le transport interurbain de voyageurs est libéralisé intégralement au-delà de 100 km. En-deçà, les autorités organisatrices des transports, régions et départements, pourront s’opposer à l’ouverture de nouvelles lignes pour ne pas déséquilibrer l’existant, mais la décision finale reviendra à une nouvelle Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer).
Accès aux données publiques
Les autorités organisatrices de transport devront diffuser librement et gratuitement les données relatives au transport (arrêts, tarifs, horaires, régularité, etc.) dans un format facilement réutilisable.
Permis de conduire
Là où les délais pour le passer dépassent 45 jours, des agents publics ou contractuels pourront être appelés en renfort. De même, la répartition des places d’examen devra désormais se faire en fonction du nombre d’enseignants dont les enseignes disposent.
Construction
L’UFC-Que Choisir a obtenu que le justificatif d’assurance décennale obligatoire pour l’entrepreneur soit désormais joint au contrat remis au maître d’ouvrage, que celui-ci soit une société immobilière ou un consommateur.
Plateforme de réservation hôtelière
Les hôteliers ne seront plus prisonniers de Booking.com : ils pourront proposer des tarifs différents en fonction des modes de réservation et consentir des rabais au client s’ils le souhaitent, sans que la plateforme de réservation puisse s’y opposer.
Transfert de compte bancaire
Un service de transfert vers le nouveau compte sera proposé par l’établissement d’arrivée, qui se chargera gratuitement des formalités de changement. Le client sera informé et recevra, en particulier, la liste des chèques non débités des 13 derniers mois au moment de son changement de banque, afin d’éviter les chèques rejetés. Cette avancée a été obtenue suite au combat de l’UFC-Que Choisir pour l’instauration d’une portabilité du compte bancaire. Si la portabilité n’est pas retenue, le service de transfert simplifie le changement de banque.
Clauses abusives
La loi autorise les juges à sanctionner des clauses abusives même si elles ne sont plus proposées aux consommateurs. Cette avancée doit permettre de contrer les professionnels qui modifient les clauses litigieuses en cours d’instance afin de couper court aux poursuites.
Les articles à surveiller
Chose étonnante, les discussions de la loi Macron ont parfois tendu à revenir sur des acquis consuméristes parfois adoptés très récemment. L’action menée par l’UFC-Que Choisir est parvenue à maintenir certains de ces acquis, notamment en matière de logement où les dispositions concernant l’interdiction de donner congé à un locataire qui a à sa charge une personne âgée disposant d’un faible revenu et la protection des locataires faisant l’objet de vente à la découpe ont finalement été maintenues dans le texte.
En revanche, sur la question de la rétractation en matière de contrat à distance, les députés ont adopté une rédaction peu favorable aux consommateurs. La loi de simplification de la vie des entreprises adoptée en décembre 2014 avait fait progresser les droits des consommateurs en rendant possible la rétractation dès la conclusion du contrat (et non plus seulement dès la réception du bien) pour la vente à distance et la vente hors établissement. Les députés ont limité cette possibilité de rétractation aux seuls contrats conclus hors établissement. Cela réduit grandement la portée de cet article, puisque les consommateurs ayant acheté un bien à distance devront attendre la réception de ce bien pour pouvoir exercer leur droit à rétractation.
Exemple d’article qui laisse songeur, le L.111-5-1-1. Il dit que « les maisons individuelles neuves » sont pourvues « des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique nécessaires à la desserte du logement […] par un réseau de communications électroniques à très haut débit ». Mais où commence la « desserte » ? À la fin du réseau existant, au début du terrain, au pied de la maison ? La réponse vaut quelques centaines d’euros s’il faut poser un câble aérien supplémentaire, mais plusieurs milliers s’il faut l’enterrer sur 200 m. La dépense sera-t-elle supportée par les particuliers ? Doit-on prévoir la desserte même s’il n’y a ni réseau de fibre optique, ni perspective d’en avoir à moyenne ou longue échéance ? Il faudra attendre les décrets d’application pour le savoir.
Autre exemple, le transport par autocar pour les « services réguliers interurbains » est libéralisé au-delà de 100 km, sauf pour la région Île-de-France, où la loi s’appliquera à partir d’une « distance supérieure à un seuil fixé par décret ». Si le décret fixe un seuil de 100 km, la loi Macron n’aura aucune portée. Si c’est 25 km, voire 10 km, l’offre de transport par autocar interurbain peut au contraire se développer très rapidement là où les RER et Transilien saturent.
Ce ne sont que quelques cas. Il y en a probablement davantage, en particulier avec les articles de la loi Macron qui prévoient la possibilité de revoir le code de l’environnement par ordonnance. Que ce soit à l’avantage des consommateurs ou à leur détriment, la véritable portée du texte n’apparaîtra que dans quelques semaines.