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Loi consommationProtection renforcée

La loi conso, appelée aussi loi Hamon, a été définitivement adopté par le Parlement. Malgré quelques réelles carences, de nombreuses dispositions représentent une avancée pour les consommateurs, en particulier en ce qui concerne l’action de groupe, l’assurance emprunteur, la résiliation des contrats d’assurance ou les prix de l’optique. 

Mise en chantier il y a près de deux ans, la grande loi sur la consommation (plus de 100 articles) défendue par Benoît Hamon, secrétaire d’État en charge de ce secteur, a été définitivement adoptée par le Parlement. Elle touche à plusieurs pans de notre vie quotidienne et impacte de nombreux acteurs de l’économie, ce qui explique pourquoi les « tractations » ont été particulièrement vives en coulisses. Professionnels, institutionnels, associations de consommateurs… chacun a essayé de promouvoir la cause qu’il défend auprès du gouvernement, des députés et des sénateurs. Au final, cette loi, pour l’UFC-Que Choisir, « améliore l’effectivité du droit de la consommation, même s’il y a quelques déceptions ». L’introduction de l’action de groupe dans le droit français, réclamée depuis longtemps par l’UFC-Que Choisir, constitue la mesure la plus emblématique du texte (voir encadré ci-dessous). Toutefois, toutes les dispositions qu’il contient n’entrent pas immédiatement en vigueur. Certaines doivent être complétées par des décrets d’application, d’autres sont soumises à des délais… Tour d’horizon des principales mesures.

Assurance emprunteur : la concurrence peut enfin jouer

Voilà un sujet qui a fait l’objet de fortes tensions. Depuis la loi Lagarde de 2010, tout souscripteur d’un prêt immobilier est censé pouvoir choisir librement son assurance décès-invalidité afin d’en abaisser le montant, qui représente en moyenne 25 % du coût du crédit. Sauf que les banques ont trouvé la parade pour contrer la concurrence et que les tarifs n’ont guère diminué. Avec la loi Hamon, les emprunteurs immobiliers bénéficieront désormais d’un délai d’un an à compter de la signature du prêt pour résilier l’assurance décès-invalidité qu’ils ont souscrite auprès de la banque en même temps que leur prêt. Un laps de temps salutaire pour trouver moins cher ailleurs, à condition que les garanties soient identiques à celles du contrat initial souscrit auprès de la banque. Sinon, cette dernière pourra toujours mettre son veto.

Crédit à la consommation : tous fichés !

Mauvaise nouvelle en revanche pour les crédits  conso : la loi prévoit la création d’un registre national des crédits à la consommation, lequel est une véritable usine à gaz. Géré par la Banque de France, ce fichier positif des crédits en cours exclut les prêts immobiliers, ainsi que les crédits renouvelables ou revolving (réserve d’argent disponible) non utilisés. Tous les organismes de crédit auront obligation de consulter ce registre avant d’accorder tout nouveau prêt à la consommation. L’UFC-Que Choisir avait tenté de s’opposer à cette mesure coûteuse, inefficace, et qui laisse craindre que les établissements de crédit l’utilisent à des fins commerciales. En Belgique, malgré la mise en place d’un fichier positif en 2003, le montant moyen de crédits par emprunteur a augmenté et le nombre de dossiers de surendettement a explosé.

Contrat d’assurance : on résilie quand on veut

Après une année d’engagement, les assurés pourront résilier leur contrat d’assurance à tout moment, sans attendre sa date anniversaire, et profiter ainsi de primes moins élevées. Mais attention, tous les contrats ne sont pas concernés. Un décret en déterminera le périmètre. Au vu des discussions parlementaires, la mesure ne devrait toucher que les contrats auto, multirisque habitation et les assurances perte ou vol de biens (téléphone mobile, clés, papiers d’identité…) mais pas de services (fuites d’eau…) sauf les contrats d’assistance voyage, type Europ assistance

Clauses abusives :une suppression optimisée

Dès lors qu’un juge, saisi, notamment par une association de consommateurs, aura déclaré « abusives » les clauses d’un contrat, la décision s’appliquera ensuite automatiquement à toutes les personnes ayant souscrit un contrat identique et non plus aux seuls contrats soumis au juge.

Démarchage à domicile et vente à distance : 14 jours pour se rétracter

En matière de démarchage à domicile et de vente à distance, le délai de rétractation passe de sept à quatorze jours. Cette mesure, qui découle d’une directive européenne, est applicable dès publication de la loi. En pratique, de nombreux sites Internet et sociétés de VPC (vente par correspondance) laissaient déjà quatorze jours au client pour renvoyer sans frais un article ne lui convenant pas. En revanche, il n’existe toujours pas de délai de rétractation dans les foires et salons. Cette mesure, ardemment réclamée par l’UFC-Que Choisir, n’a cependant pas été retenue. Les foires et salons devront juste indiquer que les achats payés comptant sont fermes et définitifs.

Optique : les prix devraient baisser

Selon une récente enquête de l’UFC-Que Choisir, la marge dégagée par un opticien sur chaque paire de lunettes vendue serait en moyenne de 275 €. Pour réduire le coût des lunettes, le marché se libéralise en favorisant notamment la vente sur Internet. Lors des débats, les opticiens et ophtalmologistes sont montés au créneau pour s’opposer à une disposition qui, à leurs yeux, n’a rien à faire dans un texte sur la consommation puisqu’il s’agit d’une question de santé publique. En vain. Selon Le Monde (28/1/14), Benoît Hamon estime qu’une telle mesure « permettra de rendre plus d’un milliard d’euros de pouvoir d’achat au consommateur ». L’objectif affiché étant de faire baisser les prix de 25 %. L’ordonnance pour se faire délivrer des lentilles ou lunettes reste obligatoire. Mais sa durée de validité passe de trois à cinq ans.

Garantie des produits : inutile de prendre une extension

Jusqu’à présent, en cas de défaillance d’un produit survenu dans les six mois suivant l’achat, le défaut était présumé exister. Ce délai a été allongé et passe à deux ans. La présomption du défaut vaut maintenant pendant toute la durée de la garantie légale qui, elle, reste fixée à deux ans. Cela étant, en pratique, les distributeurs évoquent peu l’existence de cette garantie légale souvent ignorée des consommateurs, préférant mettre en avant leurs garanties commerciales… et les extensions qui vont avec ! Signalons que cette mesure ne sera applicable que deux ans après la promulgation de la loi. Autre apport du texte, la mesure d’allongement est complétée par l’obligation de communiquer au public, sur le lieu de vente, la durée pendant laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation d’un appareil seront disponibles. Avec cette disposition, on s’arrête au milieu du gué : aucun délai minimal n’est imposé !

Propane : des mesures qui vont dans le bon sens

Les consommateurs chauffés au gaz en citerne vont, désormais, pouvoir mieux faire jouer la concurrence avec des contrats dont la durée maximale est raccourcie à cinq ans, et une meilleure information sur leurs droits et devoirs. Des avancées salutaires qui restent néanmoins à compléter en vue d’obtenir un réel découplage entre le contrat d’approvisionnement et la mise à disposition de la citerne, ou encore l’obligation d’enlèvement et de neutralisation de celle-ci à la charge du professionnel.

Restauration, plats cuisinés : le « fait maison » encouragé

Un logo « fait maison » sera bientôt présent sur les cartes des restaurants. Il est censé permettre aux clients d’identifier les plats entièrement cuisinés sur place, à partir de produits bruts, et de faire ainsi la différence avec un plat industriel, simplement transformé ou réchauffé. Séduisant dans le principe, ses modalités d’application restent assez floues. Quant à l’étiquetage obligatoire sur l’origine des viandes entrant dans les plats cuisinés, il est conditionné à un feu vert européen. Si la France s’y déclare favorable, elle laisse cette décision à l’appréciation de Bruxelles.

Parkings : bientôt une facturation au quart d’heure

Soutenus par l’UFC-Que Choisir, de nombreux automobilistes réclamaient la mise en place d’une tarification à la minute. À l’arrivée, la loi prévoit une tarification au quart d’heure qui sera effective au 1er juillet 2015. Selon les pouvoirs publics, cela doit laisser le temps aux gestionnaires de s’adapter. Concrètement, l’usager ne paiera que pour le temps où il a laissé sa voiture au parking. Si c’est une heure quinze, il ne paiera plus pour deux heures, comme actuellement ! Mais les professionnels du secteur se préparent au changement. De rapides constats effectués par Que Choisir montrent que les tarifs ont parfois fait de sacrés bonds au cours de ces derniers mois. Particulièrement pour les parkings des aéroports parisiens.

Sanctions et contrôles : la répression des fraudes renforcée

Pour plus d’efficacité, la loi Hamon prévoit de sanctionner un certain nombre de comportements par des amendes administratives, ce qui évite une procédure en justice souvent longue et incertaine. Sont par exemple visés les relations producteurs-distributeurs, les délits de tromperie… Par ailleurs, les pouvoirs des agents de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) sont renforcés. Ils pourront notamment « jouer les clients mystère » pour mieux débusquer les pratiques illicites des professionnels, saisir le juge judiciaire en référé si besoin et appliquer des sanctions administratives. Les agents restent toutefois sceptiques. « Nos effectifs sont en diminution et nos missions en augmentation, note l’un d’eux. Dès lors, on est obligé de faire de nombreuses impasses. Dans mon département, on agit de moins en moins sur initiative. On attend une dénonciation ou une plainte pour éventuellement bouger. »

L'UMP a saisi le Conseil constitutionnel sur le texte de la loi conso, qui dispose d'un mois pour se prononcer.

Action de groupe : un pas dans la bonne direction

Depuis 2005, année au cours de laquelle Jacques Chirac, alors président de la République, avait remis l’idée sur le tapis, la mise en place d’une action de groupe a donné lieu à de nombreux débats et initiatives législatives qui, toujours, ont fini en eau de boudin. La loi consommation de Benoît Hamon ouvre une nouvelle ère. Comme d’autres pays avant elle (États-Unis, Italie, Portugal, province du Québec…), la France a désormais « son » action de groupe pour les litiges liés à la consommation ou aux pratiques anticoncurrentielles (QC n° 515). Produit défectueux, frais bancaires indus, prestations vendues « de force », entente sur les prix, retards récurrents des trains… les consommateurs pourront bientôt se regrouper (il faut attendre les décrets d’application) pour attaquer collectivement en justice le professionnel qui a failli. L’objectif étant d’être indemnisé individuellement du préjudice subi. Mais sous le poids des lobbys, le texte a multiplié les « garde-fous » ou, plutôt, les limites à son efficacité…

Une procédure longue et ardue

La loi exclut ainsi de son champ tout ce qui relève du préjudice moral ou corporel (les « scandales » sanitaires ne sont donc pas concernés), de même que les atteintes à l’environnement et les actions devant le juge pénal. De plus, seules les associations de consommateurs agréées pourront initier une action de groupe. Les avocats ne décolèrent pas contre ce monopole. Ne pouvant pas être à l’origine d’une action de groupe, ils voient s’échapper une belle source de revenus ! Dans un premier temps, le juge saisi devra statuer sur la responsabilité de l’entreprise. Il examinera les conditions ­d’appartenance au groupe (quels consommateurs peuvent l’intégrer ?), évaluera le montant prévisible du préjudice. Mais, bémol important, une fois la responsabilité du professionnel établie par une première décision, il faudra attendre que toutes les voies de recours soient épuisées (appel, cassation) avant d’en faire la publicité. De fait, la procédure risque d’être bien longue et de nombreux particuliers auront du mal à présenter des preuves (par exemple, facture) en appui de leur demande ­d’indemnisation. De même, s’agissant de l’indemnisation effective des victimes, le choix du juge est enfermé : ou il condamne l’entreprise à indemniser directement les membres du groupe, ou il confie cette tâche à l’association qui a enclenché l’action. Une charge très lourde (et dissuasive) pour cette dernière ! Pendant les débats, les parlementaires ont précisé qu’avec l’autorisation du juge l’association pourra se faire assister d’une profession judiciaire réglementée mais ce n’est qu’un pis-aller. La responsabilité continuera de peser sur les associations… Bref, l’action de groupe issue de la loi Hamon constitue une réelle avancée mais elle n’atteint pas son objectif premier : l’indemnisation simple de toutes les victimes qui en ferait une redoutable arme de dissuasion. En tout état de cause, l’UFC-Que Choisir se tient prête à agir.

Arnaud de Blauwe

Arnaud de Blauwe

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