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Loi Agriculture et alimentationBeaucoup trop peu de changements au final

La loi Agriculture et alimentation vient d’être votée, mercredi 30 mai, par l’Assemblée nationale. Que Choisir fait le point sur les avancées, mais surtout sur les nombreux renoncements d’une loi qui se voulait déterminante pour l’avenir de l’alimentation française et qui ne reflète guère les engagements pris durant les ateliers des États généraux de l’alimentation. Tout ça pour ça !

La promesse de profonds changements pour l’avenir de l’alimentation française n’aura finalement pas été exaucée par le gouvernement. Les États généraux de l’alimentation qui se sont déroulés à l’automne dernier sonnaient pourtant comme l’aube d’une possible transition écologique, d’une alimentation de meilleure qualité nutritionnelle, de la prise en compte du bien-être animal tant souhaitée par la société civile ou encore de l’avènement d’une information plus transparente du consommateur. Mais, au gré de son parcours législatif, la future loi Alimentation a perdu de sa substance et malgré les quelque 1 927 amendements (relatifs aux 15 articles de la loi) déposés par les députés, la montagne a accouché d’une souris. Malgré quelques avancées notables, le projet de loi sur l’alimentation manque cruellement d’ambition. Que Choisir fait le point.

Mesures économiques

Il s’agit de l’unique secteur où la loi, qui doit encore passer devant le Sénat, amorce des changements de taille. Des mesures poussées par les industriels (seuil de revente à perte) et les agriculteurs (rééquilibrage des négociations commerciales).

Au titre des avancées, on notera le rééquilibrage des négociations commerciales en faveur des agriculteurs. Cette mesure devrait contribuer à une meilleure rémunération des producteurs grâce notamment à l’inscription dans les contrats entre producteurs et distributeurs du prix de revient agricole pour empêcher de négocier plus bas. Reste à savoir comment cette mesure sera contrôlée par l’État alors que ses services sont déjà en surcharge de travail.

Un cadeau à la grande distribution, le seuil de revente à perte. Présenté par le gouvernement comme une mesure visant à stopper la guerre des prix, le rehaussement de 10 % du seuil en dessous duquel un distributeur ne peut revendre un produit a peu de chance d’atteindre ces objectifs et pourrait coûter cher aux consommateurs, selon l’UFC-Que Choisir.

Mesures environnementales

La transition écologique est l’une des grandes oubliées de la loi Alimentation. Principale déception des associations : la non-inscription dans la loi de l’interdiction du glyphosate. Et cela en dépit de la promesse d’Emmanuel Macron d’interdire en France les produits contenant l’herbicide « au plus tard dans 3 ans ». Pour rappel, l’autorisation de ce pesticide jugé cancérogène probable par le CIRC (agence de recherche sur le cancer de l’OMS) a été reconduite par l’Europe pour 5 ans à l’automne dernier.

Quelques avancées sont tout de même à noter, notamment du côté de la restauration collective.

Les avancées

  • Élargissement de l’interdiction des néonicotinoïdes (des insecticides dont l’action neurotoxique est connue pour décimer les populations d’abeilles) à toutes les substances « ayant des modes d’action identiques ».
  • Séparation de la vente et du conseil aux agriculteurs pour les produits phytosanitaires.
  • Objectif global de 50 % de produits locaux labellisés, bio ou locaux dans la restauration collective d’ici 2022.
  • Interdiction des bouteilles en plastique dans les cantines.
  • Interdiction de l’usage du dioxyde de titane, perturbateur endocrinien, dans les aliments d’ici fin 2018.

Ce qui n’a pas été retenu

  • La sortie du glyphosate ne sera pas inscrite dans la loi.
  • Pas de déblocage d’un fonds pour évaluer les substances actives préoccupantes. Leur étude repose jusqu’à présent essentiellement sur l’analyse de données existantes, notamment fournies par les fabricants.
  • Pas de création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires.
  • Retrait de la proposition de création de zones de protection autour des résidences. Celle-ci visait à encadrer l’usage de produits phytosanitaires près des zones sensibles où vivent des personnes vulnérables. « Un cadrage national pour aider les préfets dans leur prise de décision devrait être mis en place », a toutefois précisé Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.
  • Pas d’interdiction des produits importés contenant des pesticides proscrits dans l’Union européenne.
  • Pas de réorientation des aides financières européennes (PAC) en faveur du bio.

Information du consommateur

L’étiquetage des aliments évolue pour plus de transparence malgré un grand absent : l’étiquetage nutritionnel simplifié ou Nutri-Score.

Les avancées

  • Meilleur étiquetage de l’origine du vin. À compter du 1er janvier 2019, la mention du pays d’origine du vin devra être indiquée « de manière à être visible immédiatement par le consommateur ».
  • Affichage de la mention « nourri aux OGM » sur les produits animaux et d’origine animale (produits laitiers) à partir de 2023.
  • Affichage du mode de production sur les produits animaux et d’origine animale à partir de 2023.
  • Affichage des origines géographiques des produits animaux et d’origine animale à partir de 2023.
  • Affichage du nombre de traitements phytosanitaires sur les fruits et légumes frais à partir de 2023. Cette mention ne donnera pas d’indication sur le niveau de dangerosité des traitements. La liste des traitements phytosanitaires visés reste également à définir dans les futurs décrets de la loi.

Ce qui n’a pas été retenu

  • L’affichage du Nutri-Score ne sera pas inscrit dans la loi.
  • Les amendements visant la moralisation du marketing alimentaire à destination des enfants (par exemple, les opérations de séduction des producteurs de pâtes à tartiner ou de céréales du petit déjeuner vis-à-vis des plus jeunes grâce à des jouets ou des mascottes publicitaires…) ont tous été rejetés. Des décisions d’autant plus irresponsables que le gouvernement a également rejeté l’une des propositions majeures des États généraux de l’alimentation qui consistait à contraindre l’industrie alimentaire à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments les plus riches.

Bien-être animal

Autre grand oublié de la loi Alimentation, le bien-être animal. Malgré une prise de conscience de la société civile vis-à-vis de conditions d’élevage parfois édifiantes, la loi ne suit pas.

Les avancées

  • Interdiction de construire de nouveaux bâtiments d’élevage de poules en batterie.

Ce qui n’a pas été retenu

  • Pas d’interdiction du broyage des poussins mâles.
  • L’interdiction d’ici 2022 de la vente des « œufs en batterie au consommateur » un temps évoquée par le président de la République ne sera pas inscrite dans la loi (seule la construction de « nouveaux bâtiments » est interdite).
  • La castration à vif des porcelets demeure autorisée.
  • La vidéosurveillance ne sera pas autorisée dans les abattoirs (sauf à titre d’expérience volontaire).
Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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