Fabrice Pouliquen
LogementOù sont les 140 000 logements qui profitent de la réforme du DPE ?
Depuis le 1er juillet, une modification dans le calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) permet à 140 000 logements de quitter le statut de passoire thermique sans qu’aucune rénovation n’y soit entreprise. Une aubaine pour les propriétaires. Nettement moins pour les locataires.
C’est un tour de passe-passe qui ne fera pas sourire nombre de locataires. Au 1er juillet est entrée en vigueur une énième évolution du diagnostic de performance énergétique (DPE) modifiant la classification de plusieurs dizaines de milliers de logements de moins de 40 m2.
Le gouvernement a annoncé ce changement à venir dès mi-février avant de le concrétiser dans un arrêté publié le 25 mars dernier, entré en vigueur en début de semaine. Pour rappel, le DPE calcule la performance énergétique d’un logement pour classer l’ensemble des résidences françaises sur ce critère, de A pour les plus performantes à G pour les plus énergivores.
Des DPE de plus en plus importants
Longtemps peu considéré, ce diagnostic a désormais une importance croissante. Il doit désormais être obligatoirement fourni lors des ventes et des locations en France métropolitaine. Surtout, le gouvernement s’appuie sur cet outil pour interdire progressivement la location des biens les plus énergivores. Ceux classés G à partir de 2025, les F en 2028 et les E en 2034… Au 1er janvier également (sauf nouveau report), le DPE sera obligatoire pour toucher MaPrimeRenov’, principale aide publique en matière de rénovation énergétique, et les F et G n’auront d’autres choix, pour recevoir cette aide, que de s’orienter vers une rénovation d’ampleur.
Dans ce contexte, mieux vaut s’assurer de la robustesse de la méthode de calcul des DPE. Or, le gouvernement estimait justement les logements de moins de 40 m2 lésés à plus d’un titre. Ils sont effectivement surreprésentés parmi les 5 millions de passoires énergétiques qu’on compte encore en France. Dans le lot, 30 % sont des logements de moins de 30 m2. Pour corriger le tir, la méthode de calcul reste inchangée, mais des coefficients de pondération s’appliquent désormais sur ces logements de petite taille, permettant de rehausser leurs performances énergétiques et donc leur classement final.
Au total, ces corrections font sortir artificiellement 140 000 logements du statut de passoire thermique. Sans qu’aucuns travaux de rénovation énergétique soient entrepris. Leurs propriétaires n’ont même pas besoin de financer un nouveau DPE, du moins pour ceux qui en avaient déjà réalisé un après le 1 er juillet 2021. Avec le numéro de ce document, ils peuvent générer une attestation équivalant à une nouvelle étiquette via le site de l’Observatoire DPE-Audit de l’Ademe .
Une aubaine pour ces propriétaires, qui voient ainsi s’éloigner l’échéance d’interdiction de location. Elle ne s’appliquera qu’au 1er janvier 2034 pour les logements classés E. En revanche, les locataires sont les grands perdants. Non seulement leurs factures d’énergie ne changeront pas, mais leurs loyers pourront être augmentés alors qu’ils sont bloqués depuis le 24 août 2022 pour les F et G. Certes, leur propriétaire ne pourra pas le faire immédiatement, mais au prochain renouvellement de bail ou changement de locataire… ce qui peut arriver vite.
Surtout dans les métropoles, surtout de très petites surfaces
Mieux vaut donc s’y préparer pour les occupants de ces 140 000 logements. Encore faut-il savoir où ils se trouvent. Une base de données de l’Ademe recense tous les DPE réalisés depuis le 1er juillet 2021. Soit tout de même 8 millions de diagnostics à partir desquels on peut dresser le portrait-robot des biens qui profitent de cette réforme. Sans grande surprise, ils se nichent principalement dans les grandes métropoles. Paris compte à elle seule 30 010 logements concernés. Au passage, c’est dans la capitale que le pourcentage de locataires est le plus élevé en France : 60 %, quand la moyenne nationale est à 35 %.
Si on ajoute ceux des départements limitrophes (les 8 000 des Hauts-de-Seine, les 3 960 du Val-de-Marne et les 3 180 de Seine-Saint-Denis), on arrive déjà à 45 150 biens quittant le statut de passoire énergétique grâce à cette réforme. Soit tout de même près d’un tiers du total. En outre, 5 170 logements sont concernés dans le département du Nord, et 4 100 dans le Rhône.
Voilà pour la répartition géographique. Cette base de données de l’Ademe permet d’aller plus loin dans le profil type de ces 140 000 logements qui quittent artificiellement le statut de passoire thermique. Il s’agit surtout de très petites surfaces. Ainsi, plus de 43 % des logements de moins de 15 m2 classés passoire thermique avant cette réforme ne sont plus considérés comme tels depuis le 1er juillet. Autrement dit : si vous habitez un de ces logements, vous avez quasiment 1 chance sur 2 qu’il passe en classe E si votre propriétaire réactualise le DPE. La part est de 24 % pour les logements entre 15 et 29 m2 et de 5 % seulement pour ceux entre 30 et 40 m2.
Autre constat : à 72 %, soit 2 fois plus que la moyenne nationale, ces 140 000 logements sont chauffés à l’électricité, l’une des énergies qui ont le plus flambé depuis le début de la crise énergétique. D’ailleurs, la facture énergétique annuelle moyenne des biens concernés par la réforme est 60 € plus élevée (+ 12 % en moyenne) que l’ensemble des logements de taille similaire dans le parc français. En clair : ils sont globalement plus énergivores et le resteront tant qu’ils ne feront pas l’objet d’une rénovation énergétique. De quoi rendre l’augmentation possible des loyers particulièrement difficile à avaler pour les occupants.