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Litiges financiersLes victimes prises en compte

L’indemnisation des préjudices subis par les épargnants est encore loin d’être satisfaisante en cas de manquements de la part des établissements financiers. L’Autorité des marchés financiers (AMF) propose des pistes afin de palier à l’insuffisance des voies de réparation actuelles.

Affaire Doublo, Bénéfic, actions Natixis, etc. : les plaintes des petits épargnants contre les établissements financiers qui leur ont faussement garanti la « sécurité » de placements à risques se multiplient. Au point que la vénérable Autorité des marchés financiers (AMF) s’en est émue. Elle a commandé à Jacques Delmas-Marsalet (auteur d’un rapport très remarqué sur la commercialisation des produits financiers qui a notamment inspiré la directive européenne MIF) et à Martine Ract-Madoux, juge à la Cour de cassation, de présider un groupe de travail afin d’établir un rapport pour améliorer l’indemnisation des victimes. Trois pistes reprises dans ce texte sont particulièrement défendues par les deux présidents. Si elles aboutissaient, elles représenteraient une avancée certaine pour les épargnants.

Bientôt, une méthode de calcul de l’indemnisation ?

Pour un même préjudice, les réparations financières accordées aux épargnants lésés continuent de varier considérablement selon le tribunal saisi… et la plus ou moins grande compétence du juge en matière financière. Une injustice difficile à expliquer, notamment lorsqu’il s’agit de produits diffusés et vendus dans la France entière, par un même réseau bancaire. En attendant la création, très hypothétique pour le moment, d’une juridiction civile spécialisée pour traiter des litiges financiers, une méthode de calcul objective de la réparation pourrait au moins être dégagée. C’est ce que propose le groupe de travail présidé par Jacques Delmas-Marsalet et Martine Ract-Madoux. « Il ne s’agit pas pour l’AMF de fixer le montant du préjudice mais d’identifier les éléments à prendre en compte pour permettre de l’évaluer selon les différentes situations. Par exemple, si un épargnant demande un placement sécurisé et qu’on lui propose un produit dont le capital n’est en réalité pas garanti, l’indemnisation pourrait correspondre à la perte en capital éventuellement subie, majorée de la rémunération d’un placement sans risque tel qu’un livret d’épargne, explique M. Delmas-Marsalet. C’est un chantier lourd et ardu, mais qui pourrait bénéficier de l’expertise de l’AMF. »

Faciliter l’accès aux preuves

Permettre aux juges d’accéder aux éléments d’enquête recueillis par l’AMF, lorsque celle-ci a contrôlé la société mise en cause : l’idée semble aller de soi. Pourtant, seul le juge pénal possède aujourd’hui ce droit. Une interdiction qui contribue à handicaper sérieusement les parties civiles. Pourtant, en matière de droit de la consommation, la possibilité existe déjà (les tribunaux civils peuvent consulter les éléments réunis par la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Cette proposition a été saluée avec espoir par plusieurs avocats spécialisés dans la défense des épargnants. Le Medef, en revanche, ne s’est guère montré enthousiaste. Dans tous les cas, la proposition devra faire l’objet d’un texte de loi.

Une action en représentation conjointe « aménagée »

Les deux présidents du groupe de travail ne veulent pas entendre parler d’une action de groupe, seulement d’une action en représentation conjointe renforcée. « Trouver un règlement amiable des litiges est toujours la meilleure solution pour les deux parties. Cela permet d’éviter notamment une procédure pénale. Mais il est clair que les chances de succès d’un règlement amiable sont d’autant plus fortes qu’existe, en cas d’échec, la perspective crédible d’un recours à l’autorité judiciaire accessible pour tous, indique Martine Ract-Madoux. Dans l’hypothèse où il serait décidé d’introduire en droit français une action collective dans le domaine financier ou boursier, le groupe de travail s’est accordé pour dire qu’il faut garder  les principes de responsabilité du droit français : une faute,  un préjudice et un lien de causalité entre les deux. »

« Mais, selon Mme Ract-Madoux, il est essentiel de faciliter le regroupement des victimes et de réduire ainsi le coût des procédures. Il s’agit de permettre une indemnisation rapide des victimes et non pas de traîner les sociétés dans l’opprobre. Cette action devrait être très encadrée mais apparaît inéluctable. » En fait, la procédure en représentation conjointe existe déjà, mais reste très complexe et coûteuse à mettre en pratique. Conséquence : elle n’a pour ainsi dire jamais été utilisée. Pour la rendre plus aisée, mais la « contenir », le rapport présente trois pistes : réserver l’action à un organisme de défense des épargnants soumis à un agrément préalable, imposer la constitution du groupe avant toute décision sur la responsabilité du professionnel et permettre aux victimes de fournir un mandat à l’initiateur de l’action qui dépose l’ensemble des constitutions au greffe de la juridiction compétente.

Élisa Oudin

Élisa Oudin

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