Anne-Sophie Stamane
Liens d’intérêtsDeux leaders d’opinion sanctionnés
L’Ordre des médecins a, cet été, mis un avertissement, la plus petite sanction possible, à deux médecins médiatiques, pour n’avoir pas mentionné leurs liens financiers avec des laboratoires pharmaceutiques.
L’Ordre des médecins a pris le temps, pour peser le pour et le contre : il n’a rendu que le 18 juillet dernier sa décision concernant deux médecins médiatiques, le Pr Bruno Lina, virologue, et le Dr Robert Cohen, pédiatre, soit presque 5 ans après la plainte de l’association E3M contre eux. Chacun a reçu un avertissement, la plus légère des sanctions, pour avoir omis, lors d’interventions télévisées ou radiophoniques, de signaler leurs liens financiers avec des laboratoires pharmaceutiques. Or la loi les oblige à le faire systématiquement, quand ils s’expriment sur les produits des fabricants qui les financent.
En l’occurrence, c’était le cas. Le Pr Lina, lors de l’émission C dans l’air, donnait son avis sur les vaccins contre le papillomavirus, recommandés chez les jeunes garçons et filles en prévention du cancer du col de l’utérus. Parmi les deux produits disponibles dans notre pays, Gardasil et Cervarix, le deuxième est produit par GlaxoSmithKline, un laboratoire avec lequel le Pr Lina a des liens financiers, comme c’est mentionné dans sa déclaration publique d’intérêts (DPI) sur le site santepubliquefrance.fr. Il aurait donc dû le signaler lors de son passage sur France 5.
Le Dr Cohen, lui, a été interrogé en février 2017 sur France Info et RTL, sur un sujet sensible : la sécurité des vaccins, en lien avec l’aluminium qu’ils contiennent. Or, note l’Ordre des médecins, deux laboratoires commercialisant plusieurs des vaccins utilisés en France, Sanofi et GlaxoSmithKline, ont déclaré avoir versé des avantages au Dr Cohen. Un fait qui aurait dû être mentionné à l’antenne.
Loi quasiment jamais respectée
Les liens des professionnels de santé avec l’industrie pharmaceutique ont un impact sur leur indépendance, la pertinence des traitements prescrits et, au final, sur la qualité de la médecine. Plusieurs études en ont apporté la preuve. L’UFC-Que Choisir milite de longue date pour la transparence dans ce domaine. L’avertissement donné par l’Ordre des médecins va dans le bon sens, mais il ne doit pas cacher que la loi obligeant à déclarer les liens d’intérêts n’est quasiment jamais respectée, et les manquements rarement sanctionnés. Notons que les propos du Pr Lina affirmant que les vaccins contre le papillomavirus sont sans danger ont été jugés conformes aux données médicales actuelles et n’ont donné lieu à aucune sanction, contrairement à ce que demandait l’association E3M, opposée aux vaccins contenant de l’aluminium.