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Légumes bioLa culture de tomates bio sous serre échauffe les producteurs

La température monte entre les syndicats agricoles bio et conventionnels au sujet des tomates bio cultivées sous serres chauffées. Alors que le Comité national de l'agriculture biologique (Cnab) devrait se prononcer début juillet sur l'interdiction de la production des fruits et légumes bio à contre-saison, la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) s’insurge contre cette pratique non écologique qu’elle juge incompatible avec la certification bio. De son côté, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) la soutient au nom de la lutte contre les importations de tomates du sud de l’Europe.

Mise à jour du 16 juillet 2019

Le chauffage des serres autorisé mais encadré

Après plusieurs semaines de polémiques et un vote repoussé par deux fois, le Comité national de l’agriculture biologique (Cnab) de l’Inao s’est prononcé le 11 juillet 2019 : le chauffage des serres sera bel et bien autorisé, mais encadré. Le compromis adopté, proposé par le ministre de l’Agriculture en personne, est finalement très éloigné de la proposition défendue par la FNSEA et sa branche spécialisée Légumes de France, Coop de France et sa branche spécialisée Felcoop, et l’Assemblée des chambres d’agriculture. Le texte répond partiellement aux inquiétudes des autres acteurs du bio, parmi lesquels la Fnab, le Synabio, Biocoop, Carrefour... La Fnab estime d’ailleurs qu’il s’agit d’une « victoire politique ».

Ce compromis stipule :

  • pas de commercialisation par les producteurs français de légumes d’été bio (tomates, concombres, courgettes, aubergines, poivrons) entre le 21 décembre et le 30 avril inclus. Un progrès par rapport à la proposition initiale portant sur le 21 mars, qui recule d’autant la date d’entrée en production et le décalage par rapport aux cycles naturels. Pour certains légumes comme le concombre, les serres chauffées n’ont alors plus d’intérêt. Et pour les tomates, au 1er mai, la production du sud de la France (de serres non chauffées) est sur le point d’être récoltée, faisant perdre l’intérêt des serres chauffées dans les autres régions ;
  • obligation d’utiliser uniquement des énergies renouvelables pour chauffer les serres, pour les nouveaux projets à compter de janvier 2020. Pour les installations déjà converties avant cette date, cette obligation entrera en vigueur en janvier 2025.

Le principe de l’agriculture biologique repose avant tout sur l’interdiction totale des pesticides et engrais chimiques de synthèse. Ce qui est déjà considérable. Mais est-ce suffisant et surtout compatible avec des pratiques peu respectueuses de l’environnement ? Peut-on s’asseoir sur le bilan carbone de certaines exploitations agricoles pour offrir du bio français, à prix compétitif, aux consommateurs de plus en plus nombreux à vouloir manger bio ? C’est la question qui sous-tend l’actuel débat opposant les grands syndicats agricoles autour de la question des fruits et légumes bio chauffés sous serres.

Plus d’un consommateur sera étonné d’apprendre que les légumes et fruits bio peuvent être cultivés dans des serres chauffées au fioul, pratique certes sans incidence sur les résidus de pesticides de nos aliments, mais loin d’être neutre pour la planète avec un bilan carbone conséquent. C’est pourtant possible puisqu’un article du cahier des charges de l’agriculture biologique établi en 2007 par l’Europe l’autorise (avec pour objectif premier d’éviter le gel de la serre). Cette pratique est encore marginale en France, où une cinquantaine d’hectares de serres chauffées – essentiellement de tomates – sont pour l’heure certifiés bio, soit 0,2 % des surfaces cultivées en bio, selon le journal Libération. Mais elle inquiète une partie des acteurs du bio en France, en premier lieu la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) et le Syndicat des transformateurs et distributeurs bio (Synabio) qui, épaulés par trois associations environnementales, ont lancé une pétition contre les serres chauffées le 29 mai (1) avec 60 cuisiniers comme premiers signataires. Ils redoutent en effet que cette pratique ne se généralise face à la demande croissante des consommateurs pour le bio et l’appétit des gros producteurs de tomates (Savéol, Cerafel) et des géants de la distribution pour la manne financière que représente le bio. Selon la Fnab, le chauffage est contraire à deux principes généraux de l’agriculture biologique : le respect de la saisonnalité et la préservation des ressources naturelles. Généraux mais pas nécessairement inscrits dans son cahier des charges ! Selon les chiffres de l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), le bilan carbone d'une tomate bio cultivée dans une serre chauffée au fioul en Bretagne est 4 fois supérieur à celui d'une tomate importée par camion d'Espagne. 

En revanche, du côté de Légumes de France, fédération de producteurs affiliée à la FNSEA,  on défend le principe de la serre chauffée comme un rempart aux importations du bio étranger, arguant de l’incohérence à importer des fruits et légumes bio plutôt que de les produire en France. Des producteurs affiliés au syndicat ont ainsi manifesté le 28 mai à Wissous (91), sur la plateforme logistique de Sedifrais, un importateur de fruits et légumes qui distribue notamment Leader Price, afin de dénoncer les importations de tomates qui, selon le syndicat, représentent à la période actuelle jusqu’à 80 % des tomates présentes sur les étals de certains magasins. Selon le syndicat, le secteur de la tomate française, non concurrentiel face aux pays importateurs, traverse une crise très profonde avec « des cours catastrophiques depuis un mois », conclut Légumes de France.

Le Cnab, comité technique de la filière bio, est donc pris entre deux feux. Mais ayant déjà reporté par deux fois son vote, il ne peut plus reculer face à cette question sensible et devra rendre un avis le 11 juillet.

La tomate et le concombre en quelques chiffres

  • La tomate est le premier légume cultivé dans le monde et en Europe.
  • La France en produit environ 573 000 tonnes par an ce qui en fait le 5e pays producteur d’Europe, loin derrière l’Espagne, les Pays-Bas et l’Italie (source : Interfel). La part du bio représente à peine 5 % de cette production.
  • Environ 30 347 tonnes de tomates bio ont été commercialisées en France en 2018 (source : Agence Bio).
  • Le taux d’import de tomates bio en circuit long (qui représente une minorité du marché par rapport au circuit court) était de 78 % en 2017 et 61 % en 2018 (chiffre non définitif), selon l’Agence bio.
  • Les principales zones de production française sont la région Bretagne (35 %), la région Sud (21 %) et les Pays de la Loire (16 %) (source : Interfel).
  • La grande majorité des tomates et concombres cultivés en France le sont en conventionnel, sous serre et hors-sol, c’est-à-dire hors la terre sur des supports composés de roches ou des fibres organiques. La culture hors-sol ne permet en effet pas la certification en bio (hors dérogations qui ne concernent que les pays du Nord de l’Europe).
  • L’AOPN (Association d’organisations de producteurs nationale) « tomates et concombres de France », qui regroupe les principaux producteurs français, produit 1 000 hectares de tomates et concombres chaque année… Dont 90 % sous serre !

(1) Pétition Pas de tomate bio en hiver : non aux serres chauffées !

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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