Florence Humbert
Lait de foinUne nouvelle filière plus vertueuse
L’appellation « lait de foin » devrait faire son apparition d’ici quelques mois sur les étiquettes de certains produits laitiers. Elle garantit un lait à l’ancienne, produit sans ensilage, ni OGM, par des vaches nourries à l’herbe. Décryptage.
Bientôt, certains produits laitiers seront estampillés « lait de foin » STG (spécialité traditionnelle garantie). Cette étrange dénomination garantit un lait produit par des vaches dont l’alimentation, sans OGM ni fourrage d’ensilage, comporte au moins 75 % d’herbe ou de foin. Un label officiel européen qui nous vient tout droit de nos voisins germaniques, chez qui il a acquis ses lettres de noblesse depuis plusieurs années. Ce lait à l’ancienne se présente comme une alternative face aux produits des méga-élevages où les vaches en stabulation, sur leurs tapis de sol, ne mettent jamais un sabot dehors et ignorent le goût de l’herbe fraîche. En Autriche, le lait de foin (heumilch en allemand) a rapidement recueilli les suffrages des consommateurs de plus en plus méfiants à l’égard de l’industrie agroalimentaire. Aujourd’hui, 15 % de la production (450 millions de litres de lait) est commercialisée sous la dénomination « lait de foin ».
Retour à la tradition
Pays d’alpages souvent moqué pour son attachement aux traditions, l’Autriche a su résister à la déferlante de l’agriculture intensive et garder des fermes où les vaches étaient nourries exclusivement avec du foin. Une aubaine qui lui permet aujourd’hui d’être le fer de lance du retour aux produits laitiers authentiques. Il faut dire que les atouts du « lait de foin » sont nombreux : d’abord, pour les producteurs qui valorisent mieux un produit de bonne qualité, plus savoureux et plus riche en omégas 3 (les bons acides gras) que le lait conventionnel. Côté transformateurs, l’interdiction de l’ensilage dans les aliments pour le bétail permet d’éviter la formation de spores de bactéries dans le lait, à l’origine de sérieux déboires dans la fabrication des fromages, notamment ceux à pâte pressée cuite (gonflement tardif, goût et odeur désagréables).
Une garantie de bien-être animal
Les bénéfices de ce mode d’élevage pour les animaux sont aussi une évidence : faut-il rappeler que les vaches sont des herbivores ? Leur fournir une alimentation composée essentiellement d’herbe et de foin respecte simplement leur physiologie. C’est aussi la garantie d’animaux en bonne santé, moins vulnérables, avec pour conséquence la diminution du recours aux traitements vétérinaires. Enfin, la production de « lait de foin » participe à la lutte pour sauvegarder la biodiversité et soutenir le développement durable. La culture de l’herbe permet de préserver les paysages et d’améliorer le bilan carbone de la filière en évitant les aliments exogènes (contrairement aux élevages conventionnels, qui importent par exemple d’énormes quantités de tourteaux de soja OGM en provenance d’Amérique du Sud).
Un succès qui a de quoi faire rêver les producteurs laitiers français, laminés par la crise laitière. Après un voyage d’études dans la région de Salzbourg, un groupe d’éleveurs bretons adhérant à Segrafo (association de promotion du séchage en grange) s’est laissé séduire par le modèle autrichien. Un organisme de défense et de gestion (ODG) du « lait de foin » s’est constitué, avec pour objectif de faire émerger une telle filière dans l’Hexagone. Étape clé pour accéder à la certification STG, le plan de contrôle des procédures assurant le respect du cahier des charges vient d’être validé par l’Inao. D’ici la fin de l’année, une vingtaine de producteurs laitiers du grand Ouest devraient donc pouvoir bénéficier du nouveau label. « Les deux tiers d’entre eux sont en bio, car les deux démarches sont complémentaires », remarque Didier Le Hec, le président de l’ODG, qui a fait depuis longtemps le choix de nourrir ses vaches à l’herbe et au foin (comme Patrick Mercier, un des derniers producteurs de camembert de Normandie fermier au lait cru, qui attend lui aussi de pouvoir apposer ce label sur ses fromages). À plus long terme, 200 éleveurs laitiers seraient intéressés par cette filière. Une petite goutte dans l’océan lacté, mais qui pourrait grossir tant elle répond aux attentes de nombreux consommateurs.
Une STG (spécialité traditionnelle garantie), c’est quoi ?
Ce signe officiel de qualité européen labellise un produit dont les qualités spécifiques sont liées à une composition, des méthodes de fabrication ou de transformation fondées sur une tradition, sans lien toutefois avec son origine géographique. Le « lait de foin » est la deuxième STG reconnue en France, la moule de bouchot étant jusqu’ici le seul produit à bénéficier de cette mention.