Camille Gruhier
Catalogue limité pour les liseuses d’Amazon
Amazon vient de lancer Kindle Unlimited, un service qui permet de profiter d’ebooks en illimité pour 9,99 €/mois. Le libraire en ligne annonce un catalogue de 20 000 ebooks en français (sur 180 000 disponibles au total), et de 700 000 livres en langues étrangères. Ce chiffre évoluera au gré des accords avec les éditeurs, encore frileux pour certains à ouvrir leur catalogue au « tout illimité ».
Après la musique et la vidéo, le livre numérique est à son tour jeté dans l’arène du tout illimité. Amazon vient en effet de lancer Kindle Unlimited, un service qui permet d’accéder à un catalogue de plus de 700 000 ebooks, dont 20 000 en français, pour 9,99 €/mois (une offre de lancement courant jusqu’au 10 janvier 2015 permet de payer 0,99 € le premier mois d’abonnement). Ces livres peuvent être consultés depuis sa liseuse Kindle, ou depuis les applications de lecture Kindle installées sur smartphone ou tablette (Android ou iOS).
Amazon vante un catalogue vaste et très varié, composé de romans, de nouvelles, de livres de jeunesse ou encore de guides pratiques. Nous avons donc été un peu déçus en cherchant les uns après les autres, en vain, les dix premiers livres du palmarès des meilleures ventes (1). Blake et Mortimer - Tome 23 : Le bâton de Plutarque ? Absent. Charlotte, de David Foenkinos ? Absent. Pas pleurer, le Prix Goncourt 2014, de Lydie Salvayre ? Absent ! Les nouveautés sont manifestement encore réservées à l’achat à l’acte (format numérique ou papier, d’ailleurs). Prenons des ouvrages moins récents, ceux d’Amélie Nothomb, par exemple. Ou de Franz-Olivier Giesbert. Ou de Simone de Beauvoir. De Stephen King. Absent, absent, absent. « Tous les éditeurs n’ont pas souhaité intégrer leur catalogue au programme. Certains préfèrent observer avant de se lancer », explique Marie-Pierre Sangouard, directrice des contenus Kindle. Ainsi ni Gallimard, ni Hachette, ni Actes Sud ne participent au programme. En réalité, le catalogue est assez maigre, et fait d’ouvrages un peu datés, tombés dans le domaine public ou auto-édités. Il représente finalement une faible proportion du catalogue total d’ebooks d’Amazon, qui compte 3 millions de titres, dont 180 000 en français.
10 livres simultanément
Dans le cadre du service Kindle Unlimited, les clients peuvent télécharger autant de livres qu’ils le souhaitent au cours du mois. Mais ils ne peuvent en détenir que 10 simultanément. Au 11e, il faut en supprimer un. Cette restriction permet, selon la responsable, de limiter les abus. À l’usage, cette dizaine de livres suffit pour en avoir toujours un à se mettre sous la dent. D’autant que les livres choisis sont disponibles immédiatement sur tous ses appareils, via l’application de lecture Kindle. Lire une bande dessinée ou un guide de voyage est plus agréable sur l’écran couleur d’une tablette ou d’un smartphone que sur une liseuse (dont l’écran est bien adapté à la lecture de romans, plus largement de texte). Il faut toutefois être connecté à Internet pour télécharger l’ouvrage. Attention, les livres sont téléchargés sur la liseuse (ou autre appareil), mais il s’agit bien d’emprunts. « Les éditeurs sont libres de faire évoluer leur catalogue comme bon leur semble, mais ils s’engagent quand même à laisser un titre plusieurs mois », explique Marie-Pierre Sangouard. Si vous vous désabonnez du service (proposé sans engagement), les livres disparaîtront automatiquement de votre bibliothèque.
Les livres dévalués ?
Cette offre d’abondance soulève les mêmes questions que celles en place pour la musique ou la vidéo : éditeurs, auteurs, libraires, tout le monde y trouve-t-il son compte ? Cette « banalisation » du livre ne risque-t-elle pas de lui faire perdre de la valeur aux yeux des consommateurs ? Difficile de savoir précisément comment sont rémunérés les auteurs et les éditeurs, chaque éditeur ayant négocié son contrat avec Amazon. Mais le calcul repose nécessairement sur un principe de proportionnalité en rapport avec le nombre de téléchargements des livres, comme dans le streaming musical ou la vidéo à la demande. Quant à la dévalorisation des livres, Amazon n’y croit pas. « Au contraire, on replace le livre au centre des loisirs numériques. Le service peut attirer de nouveaux lecteurs, comme les étudiants, ou les jeunes », indique Marie-Pierre Sangouard. Le temps dira s’ils sont au rendez-vous et si Kindle Unlimited les a détournés, un temps au moins, de leurs autres écrans.
(1) Edistat, semaine du 8 au 14 décembre 2014.