Elsa Abdoun
Kéfirs et kombuchasDe l’alcool non déclaré sur les étiquettes !
Avec leurs « milliards de ferments actifs », leur recette naturelle et leurs taux de sucres souvent faibles, les boissons fermentées de type kéfirs de fruits et kombuchas sont parés de nombreuses vertus. Mais elles contiennent aussi de l’alcool, sans forcément l’indiquer sur la bouteille.
Les aliments fermentés, riches en « bonnes » bactéries, ont la cote depuis quelques années. Parmi eux, le kéfir et le kombucha connaissent un engouement particulier. Ces boissons pétillantes aux noms exotiques sont obtenues grâce à l’action d’un mélange de bactéries et levures ayant fermenté, soit une eau sucrée infusée avec des fruits (pour le kéfir), soit du thé sucré (pour le kombucha). Et leurs étiquettes sont porteuses de nombreuses et alléchantes promesses, telles que « milliards de ferments actifs », « sans additif » ou encore « faible en calories ». Mais une information essentielle manque souvent à l’appel : la présence d’alcool.
Quand on y réfléchit bien, cette dernière n’a rien d’étonnant : comme c’est le cas dans la production de bière ou de vin, la fermentation du sucre par des levures entraîne systématiquement la production d’éthanol. « C’est inévitable, si l’on suit la vraie recette », assure Nicolas Pradignac, fondateur de la start-up Symbiose, qui produit des kéfirs de fruits. Sauf que, contrairement à l’amateur de vin ou de bière, le consommateur de kéfirs et kombuchas, lui, n’est pas forcément au courant…
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« Pour petits et grands »
Et pour cause : la réglementation européenne, si elle impose de déclarer chaque gramme de sucre, de sel ou encore d’acide gras sur les emballages des produits alimentaires, n’oblige pas à indiquer la présence d’alcool en cas de taux inférieur à 1,2° (le seuil est fixé à 0,5° aux États-Unis). Or, « la plupart des produits actuellement sur le marché se limitent à un demi-degré », affirme Christophe Lavelle, chercheur spécialisé dans l’alimentation au Muséum national d’histoire naturelle, qui travaille actuellement sur ces boissons.
Les fabricants n’ont évidemment pas intérêt à mettre en avant la présence de ce toxique, alors qu’une grande partie de leur marketing repose sur l’idée que ces produits sont bons pour la santé… La moitié des références que nous avons trouvées en magasin n’indiquaient donc rien concernant l’alcool, et l’autre moitié ne mentionnait ce dernier qu’en tout petits caractères. Seule la marque de kombuchas Germline a pris l’initiative, louable, de faire figurer un pictogramme d’alerte à destination des femmes enceintes sur sa bouteille. L’entreprise Labo Dumoulin, à l’inverse, tait non seulement la présence d’alcool, mais affirme même en gros caractères, sur ses étiquettes, que ses kéfirs sont « des alliés du quotidien pour tous, petits et grands ».
Un risque pour les populations sensibles
Un avis que ne partagent pas les experts que nous avons interrogés. « Il y a des risques pour la santé, en cas de consommation par des femmes enceintes, enfants, ou par toute autre personne présentant des contre-indications », juge Mickaël Naassila, directeur du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances, à l’Inserm, qui témoigne : « Récemment, une personne anciennement alcoolodépendante m’a raconté avoir ressenti les symptômes associés à la consommation d’alcool, après avoir bu du kombucha. En l’absence d’information, il y a donc un risque de réveiller l’envie de boire chez ces personnes. »
Au-delà de la question des populations sensibles, Mélanie Deschasaux, chercheuse en épidémiologie nutritionnelle à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), invite les adultes en bonne santé à ne pas consommer de boissons fermentées « au-delà d’un ou deux verres par jour ». Un conseil également valable en cas de production à la maison, car le taux d’alcool peut alors monter bien au-delà d’un demi-degré.