Arnaud de Blauwe
JusticeToujours plus de conciliation
La loi dite « justice du 21e siècle » renforce le rôle de la conciliation dans le règlement des litiges. Tout en restreignant l’accès direct au juge pour les petits litiges.
Justice débordée, justice trop lente, justice qui manque de moyens… les maux sont connus. Mais plutôt que de lui administrer un traitement de choc afin de la rendre plus efficace, les gouvernements successifs la soignent à coup de médicaments dont l’efficacité est loin d’être prouvée.
La dernière « prescription » date du 18 novembre 2016 avec la promulgation de « la loi de modernisation de la justice du 21e siècle ». Son article 4 restreint un peu plus encore l’accès direct au juge pour le règlement des petits litiges.
Il autorise en effet le juge à conditionner la saisine par déclaration au greffe du tribunal d’instance, la juridiction civile compétente pour les affaires de moins de 10 000 € (1), à une conciliation préalable, « à peine d’irrecevabilité ». En d’autres termes, si les parties n’ont pas tenté de régler leur conflit à l’amiable en passant par un conciliateur de justice (il est rattaché au tribunal d’instance, ndlr) le juge pourra ne pas donner suite à leur action.
Cet article 4 de la loi prévoit toutefois quelques exceptions. La saisine directe du juge d’instance pourra être possible lorsque l’une des deux parties sollicite auprès de lui « l’homologation d’un accord ». Elle est également envisageable « si l’une des parties justifie d’autres diligences (autre que le passage devant un conciliateur, ndlr) en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ». Enfin, « l’absence de recours à la conciliation » peut être justifiée par « un motif légitime ».
La règle renforce encore le rôle de la médiation et de la conciliation dans notre paysage judiciaire. Une évolution somme toute prévisible. L’article 56 du code de procédure civile, réécrit par un décret du 11 mars 2015, avait posé les premiers jalons en imposant aux parties d’indiquer dans leur assignation à peine de nullité « les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige », sauf justification d’un « motif légitime ». Le texte ne précise cependant pas la forme que doivent prendre lesdites « diligences ».
L’objectif de ces mesures est clairement de désengorger les tribunaux, en privilégiant le règlement extra-contentieux de divers litiges, en particulier ceux de la vie courante. Elles viennent se greffer à d’autres qui vont dans le même sens.
Ainsi, en application d’une directive européenne du 21 mai 2013, les consommateurs confrontés à un problème lié à un produit ou un service peuvent recourir à la médiation afin de chercher une solution amiable avec le professionnel. Ce dernier étant tenu d’indiquer à leurs clients le nom du médiateur qu’il a désigné pour cette mission. Cette médiation consommateurs/entreprises est censée fonctionner depuis le 1er janvier 2016. En pratique, le système peine à trouver son public.
Plus récemment, ce sont les huissiers qui ont vu leurs prérogatives élargies. La loi du 6 août 2015 complétée par un décret du 9 mars 2016 institue une « procédure simplifiée de recouvrement des petites créances ». Depuis le 1er juin 2016, un huissier peut récupérer à la demande d’un créancier (ce dernier en assume les frais) une somme inférieure à 4 000 € en dehors de toute procédure ou décision judiciaire à la condition que le débiteur ait donné son accord.
Si sur le papier, toutes ces dispositions ambitionnent d’éloigner encore un peu plus le justiciable du juge, leur pertinence reste néanmoins à démontrer.
Les juridictions de proximité qui traitent des litiges jusqu’à 4 000 € auront vécues seulement quelques années. Leur suppression est programmée au 01/07/2017. Ce sont alors les tribunaux d’instance qui récupéreront les affaires qui relèvent de leur champ d’action.