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Investissement/placementL’étrange affaire Gowex

La société espagnole Gowex, spécialisée dans les réseaux Wi-Fi, a publié des faux bilans pendant quatre ans, avant de faire faillite cet été, entraînant des milliers de petits investisseurs dans la tourmente. Une plainte au pénal a été déposée en France. 

Ils seraient plusieurs milliers en Espagne, quelques centaines en France. Ils ont investi des milliers d’euros, parfois des millions, dans des actions de la société Gowex (ou Let’s Gowex) qui ne valent plus rien.

Le conte de fée de la start-up espagnole s’est arrêté brutalement en juillet 2014. Créée en 1999, l’entreprise installait et gérait des réseaux Wi-Fi. Depuis le milieu des années 2000, son chiffre d’affaires progressait à toute vitesse, en Espagne comme à l’international, France compris (Gowex a installé le Wi-Fi dans le métro de Paris en 2012). Elle s’était lancée en bourse en 2010, sur le marché européen Alternext ainsi qu’aux États-Unis. Son PDG, Jenaro Garcia, avait été élu par le grand cabinet d’audit Ernst & Young « entrepreneur de l’année 2012 », dans la catégorie Innovation.  

En réalité, c’est surtout en comptabilité que Jenaro Garcia innovait. Pendant quatre ans, il a lourdement truqué les comptes de son entreprise pour faire croire à une croissance continue. Gowex était loin d’avoir en exploitation autant de bornes Wi-Fi que prétendu. Plus de 90 % de son chiffre d’affaires apparent provenait de transactions imaginaires réalisées par des sociétés écrans ! Le scandale a éclaté début juillet, suite à une note d’information très critique émise par un cabinet américain, Gotham City Research. L’effet a été instantané. Le 1er juillet, l’action chutait de 50 % à la bourse de Paris, plus de 1,3 million de titres étaient vendus dans la précipitation. Le 2 juillet, la cotation était suspendue. Cinq jours plus tard, Jenaro Garcia avouait la fraude.

Étrange silence en France

En dehors d’un article du site spécialisé Deontofi.com, très peu de journaux français se sont penchés sur ce dossier. Il suscite pourtant bien des interrogations, à commencer par une question élémentaire : comment une fraude aussi massive a-t-elle pu passer inaperçue ?

« Le parcours météorique de Gowex se poursuit », écrit Le Figaro en décembre 2013. « Nous avons conseillé Gowex à l’achat dès août 2011. L’action a été multipliée par seize depuis. Conservez », recommande Le Revenu en janvier 2014.

Trois mois plus tard, le 20 mars 2014, le courtier Aurel BGC conseille de conserver les titres. Il était, il est vrai, dans une situation singulière, puisque Aurel BGC gérait par ailleurs la circulation des actions Gowex en France ! Cité par le magazine Mieux Vivre-Votre argent, le courtier évoque « le modèle vertueux du groupe mêlant récurrence des revenus, capacité à croître dans les villes historiques et signature de nouvelles villes »…  

À noter que le groupe Caisse d’épargne était actionnaire (très minoritaire) de Gowex par l’intermédiaire de sa filiale d’investissement Midi Capital. Elle avait souscrit trois fois au capital, en 2011 et 2012. Apparemment, ses analystes n’avaient rien relevé d’anormal.

Curieusement, des boursicoteurs individuels se montrent plus circonspects. « La valeur est selon moi manipulée à la hausse avec de tout petits ordres (quand il le faut !) et je n'ai aucune confiance en la direction », écrit par exemple le 21 février 2012 l’internaute « Fabrice FL1317 » sur le forum de securibourse.com. « Depuis le début, j'ai comme un doute sur Gowex », renchérit Pasca711 sur le même forum. Évoquant « une comptabilité douteuse » et une « croissance stupéfiante », il conclut : « tous les ingrédients semblent là pour une nouvelle superbe arnaque ». Bien vu.

Dès juillet, l’avocat Frédérik-Karel Canoy a porté plainte contre X auprès du procureur de la République, au nom d’actionnaires français. L’enquête a été confiée au service dit de la « délinquance astucieuse » de la brigade financière de Paris. Si jamais une procédure pénale était lancée, d’autres actionnaires pourront les rejoindre en se portant partie civile. Le conte de fée est terminé, l’heure des comptes tout court a sonné.

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