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Elsa Casalegno
Le texte initial proposait une interdiction progressive des nitrites dans les charcuteries à partir de 2023. Les modifications introduites par l’Assemblée nationale, sous la houlette du ministre de l’Agriculture, évoquent une plus modeste « trajectoire de baisse ».
Ceux qui attendaient l’interdiction des additifs nitrés dans les charcuteries seront déçus. La proposition de loi « relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie », portée par les députés Modem Richard Ramos, Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet (1), a été profondément remaniée en commission avant d’être votée le 3 février à l’Assemblée nationale, à la quasi-unanimité (93 pour, 1 contre et 1 abstention).
Sous la pression du ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, il n’est plus question d’interdire les sels nitrités, mais d’affirmer le principe d’une « trajectoire de baisse » des doses maximales d’incorporation dans les produits de charcuterie et salaisons. Ce qui ne changera rien, ou pas grand-chose, puisque les professionnels s’inscrivent déjà dans cette « trajectoire », avec des plafonds d’ajouts d’additifs nitrés d’ores et déjà en recul dans le Code des usages de la charcuterie.
Le texte amendé prévoit une série de mesures pour encadrer cette baisse et éventuellement fixer une liste d’interdictions, qui devront s’appuyer sur un rapport de L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) prévu mi-2022 après plusieurs reports :
Le texte initial prévoyait, lui, d’interdire les additifs nitrés pour les salaisons dès le 1er janvier 2023, et à partir du 1er janvier 2025 pour les charcuteries traitées thermiquement (andouilles, andouillettes, boudins blancs et noirs, charcuteries pâtissières, jambons, lardons, pâtés, terrines, rillettes, saucisses, saucissons, tripes, etc.).
La Fédération des industriels de la charcuterie (Fict) ne semble pas redouter les conclusions de l’Anses. Elle se félicite dans un communiqué que « l’Assemblée nationale confirme que les décisions de santé publique doivent s’appuyer sur les avis scientifiques officiels ». Elle estime que « les risques supposés brandis par quelques lanceurs d’alerte […] ne sont pas partagés par l’immense majorité́́ de la communauté́́ scientifique compétente aux niveaux mondial, européen et français qui […] continue de considérer que les charcuteries contenant des nitrites utilisés aux quantités autorisées sont sûres pour la santé ».
Elle ajoute néanmoins que les entreprises françaises de la charcuterie ont « volontairement réduit les quantités maximales de nitrites utilisés de 40 % par rapport à celles imposées par la réglementation européenne ». Probablement pour satisfaire le consommateur. À moins qu’il y ait tout de même un léger doute sur l’innocuité de ces additifs…
Le député Richard Ramos s’est quant à lui félicité du vote « historique » d’un texte qu’il considère comme « une véritable opportunité pour l’ensemble de la filière [pour] lui permettre d’accélérer sa transformation vers des produits plus vertueux ». Le député Insoumis Loïc Prud’homme, qui a voté contre le texte, a été moins diplomate, lançant : « Qu’est-ce que c’est, quelques cancers, quand on peut se faire quelques millions d’euros ? »
De leur côté, l’appli Yuka, l’association Foodwatch et La Ligue contre le cancer se disent satisfaites que « l’interdiction de ces additifs [soit désormais inscrite] à l’agenda politique ». Les trois organisations, fer de lance du combat contre les additifs nitrés, « regrettent cependant que les choses n’aillent pas aussi vite qu’elles l’auraient souhaité et que les décisions aient été reportées de plusieurs mois et conditionnées au rapport de l’Anses ».
Ce travail de l’Agence, initialement prévu courant 2021, a été reporté à deux reprises et a déjà vu l’un des experts claquer la porte. Ce dernier, soumis à un devoir de réserve, ne peut s’exprimer sur les raisons de son départ, mais il avait souligné à plusieurs reprises les risques liés à la consommation de charcuteries nitritées.
Le texte doit désormais être examiné par le Sénat, mais c’est sans doute partie remise à la prochaine mandature. En effet, il n’est pas inscrit à l’ordre du jour avant la fin de cette session parlementaire, fin février.
(1) Proposition de loi déposée le 21 décembre 2021 (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4830_proposition-loi)
Elsa Casalegno
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