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Interdiction des chaudières à gazLe gouvernement pourrait pénaliser 40 % des ménages !

Le 22 mai dernier, malgré des démentis récents, la Première ministre a affirmé que le gouvernement allait interdire l'installation des chaudières à gaz dans l’existant. Une catastrophe pour le pouvoir d’achat de 4 foyers sur 10, sans même que la réduction des émissions de CO2 ne soit au rendez-vous.

C’est à n’y rien comprendre. À la mi-avril, le ministre du Logement affirmait que le gouvernement n’avait pas pour objectif immédiat d’interdire l'installation de chaudières à gaz dans le parc immobilier existant. Or le 22 mai, sa Première ministre a évoqué une interdiction dès 2026 devant le Conseil national de la transition écologique.

Actuellement, 12 millions de foyers se chauffent au gaz, dont 5 millions en maisons individuelles, 3,5 millions en logements collectifs avec chauffage individuel et 3,5 millions en chauffage collectif. Soit au total, 40 % des ménages. C’est dire l’impact de ce projet sur la population.

Une catastrophe pour le pouvoir d’achat

Le gouvernement a beau vanter les aides au changement de chauffage, avec MaPrimeRénov’ et les certificats d’économie d’énergie, on a vu ce que donnaient les offres à 1 €, notamment pour remplacer les chaudières au fioul par des pompes à chaleur air-eau : une explosion des arnaques, des installations bâclées, et pire encore pour la grande majorité des ménages qui n’y avaient pas droit, une explosion du prix des équipements de chauffage.

À l’automne 2021, Que Choisir a publié une vaste enquête sur les coûts du chauffage central, intitulée « Des arnaques et des prix fous », tant les aides avaient fait augmenter le prix des matériels subventionnés. Elle démontre que si les chaudières à gaz sont vendues à des tarifs assez disparates d’un installateur à l’autre, elles coûtent en moyenne trois fois moins cher que les pompes à chaleur air-eau. De plus, ce secteur est à l’abri du démarchage, il est entre les mains d’installateurs qualifiés qui n’arnaquent pas leurs clients, même si certains forcent un peu sur les prix. À l’inverse, des montants spectaculaires accompagnent la montée en puissance des pompes à chaleur : des devis frôlaient ou dépassaient 20 000 €. Sans compter que la satisfaction était plus grande chez les propriétaires de chaudières que chez les possesseurs de pompes à chaleur. En moyenne, une pompe à chaleur coûte 10 000 € de plus qu’une chaudière à gaz performante.

Et puis il y a l'entretien. Le Synasav, Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique, vient de lancer une alerte sur la situation des ménages modestes. Ses adhérents constatent « une recrudescence du nombre de bénéficiaires des aides confrontés à des difficultés financières pour prendre en charge les réparations de leur installation, souvent des pompes à chaleur qui n’ont pas été mises en service par un professionnel ». Le Synasav ajoute que « de plus en plus de foyers précaires ont du mal à honorer ces paiements ». Sachant que ces pompes à chaleur ont été massivement installées en remplacement des chaudières fioul depuis 2020, en partie par des écodélinquants, il y a de quoi s’inquiéter...

Alors, le remplacement de 12 millions de chaudières par des pompes à chaleur au fil des années risque fort d’engendrer une déferlante de démarchages agressifs et d’arnaques à grande échelle, de coûter une fortune aux ménages et en prime, de les contraindre à changer de matériel plus souvent, les pompes à chaleur étant moins endurantes.

Une absence de réduction des émissions

Le gouvernement justifie l’interdiction de vendre des chaudières à gaz par la nécessité de sortir des énergies fossiles afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050, c’est louable. Sauf que remplacer ces 12 millions de chaudières à gaz par des pompes à chaleur ne va faire qu’augmenter nos émissions de gaz à effet de serre pendant des années. En tenant compte du nombre d’équipements arrivant en fin de vie, GRDF a calculé que cela augmentera fortement la pointe électrique en hiver et nécessitera 10 gigawatts de plus en 2035, soit l’équivalent de 10 réacteurs nucléaires supplémentaires. Or le premier EPR n’est toujours pas en service et aucun autre ne pourra l’être avant 2035, voire 2040. Quant aux énergies renouvelables, elles sont tellement mal-aimées en France qu’elles s’y développent trop lentement pour combler les nouveaux besoins. Pour couronner le tout, notre parc nucléaire a connu de grosses déconvenues l’hiver dernier et il vieillit.

Remplacer les 12 millions de chaudières par des pompes à chaleur va donc augmenter les importations d’électricité en hiver. Les centrales au charbon et les centrales thermiques au gaz d’Allemagne et d’ailleurs sauront y répondre... mais avec des émissions de gaz à effet de serre très élevées. Remplacer les chaudières gaz vieillissantes, 50 % du parc, par des modèles à très haute performance énergétique aurait en revanche le mérite de réduire de 30 % leurs émissions.

Bilan carbone plus lourd des pompes à chaleur

Autre souci en matière de neutralité carbone, les composants des pompes à chaleur viennent surtout d’Asie. Leur bilan carbone est ainsi plus lourd que celui des chaudières fabriquées en France ou en Allemagne. On pourrait aussi ajouter que les chaudières sont compatibles avec le gaz renouvelable, dont la production augmente sur le territoire, et qu'elles ne provoquent pas de conflits de voisinage, contrairement aux pompes à chaleur qui les multiplient.

Même l’association Negawatt, pourtant très attachée à la décarbonation du secteur du bâtiment, s’oppose au projet d’interdiction des chaudières à gaz proposé par le gouvernement. « Nous sommes en phase avec la nécessité de réduire la part du gaz dans le bâtiment, confirme Stéphane Chatelin, son directeur. Mais la priorité entre toutes, c’est la rénovation performante du parc bâti pour faire baisser les consommations de chauffage. Sans rénovation massive des logements, la généralisation des pompes à chaleur aura des effets délétères. Tout électrifier est une approche séduisante sur le papier, mais inadaptée à la réalité. » De plus, il n’existe aucune solution alternative pour les logements collectifs, les pompes à chaleur n’y étant à ce jour pas adaptées. Une concertation doit s’ouvrir, espérons qu'elle ne se limitera pas à un simulacre.

Élisabeth Chesnais

Élisabeth Chesnais

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