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Perrine Vennetier
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens comme le Nurofen ou l’Advil sont souvent utilisés en cas d’affections courantes comme une grippe, une toux ou un mal de gorge. Pourtant, ces médicaments à base d’ibuprofène ne sont pas recommandés, ni en automédication ni sur prescription, en raison d’un risque accru d’infection bactérienne grave. Les centres de pharmacovigilance donnent l’alerte.
L’ibuprofène est un médicament contre la douleur et la fièvre, disponible sans prescription. Sous divers noms commerciaux (Nurofen, Advil, marques génériques, etc.), il s’en vend 40 millions de boîtes par an en France. En apparence anodin, ce médicament de la famille des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est très utilisé pour soulager les symptômes d’affections courantes comme la rhinopharyngite, la grippe, le covid ou le mal de gorge. Mais depuis quelques années, les spécialistes de la pharmacovigilance observent un phénomène inquiétant : l’augmentation des cas d’infections bactériennes liées à la prise d’ibuprofène. Entre janvier 2019 et juin 2023, elles représentaient 21 % des effets indésirables graves déclarés pour cet AINS. Ces infections (septicémies, pneumopathies, méningites, etc.) ont entraîné 9 décès, selon un rapport rendu public en 2024.
Il semble donc que l’ibuprofène fasse « flamber » certaines infections bactériennes. Sa prise aggrave soit une infection existante (par exemple une angine à streptocoque A) soit une surinfection bactérienne en cas de maladie virale (par exemple une pneumonie à pneumocoque en complication d’une grippe). Une des explications couramment avancées est que l’ibuprofène « cache » les signes de l’infection bactérienne tels que la fièvre et la douleur. Ce masquage retarderait le diagnostic de l’infection et donc sa prise en charge par des antibiotiques. C’est d’ailleurs ce que vous pouvez lire dans la notice des spécialités contenant de l’ibuprofène.
Mais « une deuxième hypothèse existe en faveur d’un effet direct de l’ibuprofène qui amplifierait la diffusion de bactéries comme les streptocoques », explique Annie Jonville-Bera, responsable du centre de pharmacovigilance Centre-Val de Loire. Des expériences menées sur des animaux montrent que l’administration conjointe d’une bactérie (Streptococcus pyogenes) et d’ibuprofène est associée à une mortalité plus précoce et plus forte qu’en cas d’inoculation de la seule bactérie. Et lorsqu’un antibiotique est donné (pour combattre la bactérie), l’ibuprofène en diminue l’efficacité.
Cette responsabilité de l’ibuprofène dans l’aggravation d’infections est discutée par certains. Dans un article de la revue médicale Thérapie de novembre 2024, divers spécialistes expliquaient que ce « potentiel rôle aggravant […] fait encore débat » et que les profils de sécurité des AINS « sont rassurants ». Mais il s’avère que la majorité des auteurs de l’article de Thérapie font partie d’un groupe appelé Board SER’AINS. Cet acronyme signifie « suivi d’expert sur la réassurance des AINS », ce qui éclaire sur la vocation de ce groupe financé par le laboratoire Reckitt Benckiser, titulaire de l’autorisation de mise sur le marché de l’une des principales marques d’ibuprofène, le Nurofen. On ne peut donc pas exclure que l’avis de ces experts soit entaché d’intérêts commerciaux.
Pour l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), en revanche, le signal est assez préoccupant pour justifier une alerte à propos de l’ibuprofène et du kétoprofène. Ce dernier est un autre AINS, utilisé à faible dose pour la fièvre et les douleurs non rhumatologiques sous le nom de Toprec (en vente libre). Au vu des complications infectieuses graves rapportées avec l’ibuprofène et le kétoprofène dans un contexte de recrudescence des infections à streptocoques, l’ANSM conseille donc de recourir au paracétamol (Doliprane, Efferalgan ou autres) : « Privilégiez l’utilisation du paracétamol en cas de douleur et/ou de fièvre, notamment dans un contexte d’infection courante comme une angine, une rhinopharyngite, une otite, une toux, une infection pulmonaire, une infection dentaire, une lésion cutanée ou la varicelle », détaille-t-elle dans une note d’information1 à destination des patients mais aussi des professionnels de santé. Car ceux-ci ne sont pas toujours vigilants vis-à-vis de ce potentiel effet indésirable. Un travail de thèse récent a montré que sur la totalité des prescriptions d’antibiotiques dans le Bas-Rhin en 2019, 20 % associaient un antibiotique et un AINS, par exemple amoxicilline et ibuprofène. Or, en raison précisément du risque d’aggravation des infections, ce genre d’association est contraire aux bonnes pratiques.
On trouve de l’ibuprofène dans de très nombreuses spécialités par voie orale, pour les adultes et pour les enfants. Voici les principales :
• ADVIL
• ADVILCAPS
• ADVILMED
• ADVILMED ENFANTS ET NOURRISSONS
• ANTARÈNE
• ANTARÈNE20 mg/ml NOURRISSONS ET ENFANTS
• ANTARÈNECODÉINE
• CETAFEN
• IBUPRADOLL
• IBUPROFÈNE de marques génériques (Almus, Arrow, Biogaran, Sandoz, Teva, Zentiva, etc.)
• IPRAFÉINE
• NUREFLEX
• NUROFEN
• NUROFEN RHUME
• NUROFENCAPS
• NUROFENFLASH
• NUROFENTABS
• RHINADVIL
• RHINADVILCAPS
• RHINUREFLEX
• SPEDIFEN
• SPIFEN
Publicité pour les médicaments - Interdite pour l’ibuprofène 400 mg
Ibuprofène et codéine - Un mélange potentiellement risqué
Médicaments contre le rhume - Officiellement déconseillés mais vendus sans précaution
(1) Les personnes qui prennent des AINS au long cours pour des douleurs rhumatismales, par exemple, ne doivent pas arrêter le traitement mais demander conseil à leur médecin en cas d’infection ou de fièvre.
Perrine Vennetier
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