Erwan Seznec
Immobilier défiscaliséLe Pinel dérape à son tour
Deux études pointent une surévaluation du prix des biens vendus sous le régime de défiscalisation Pinel, ainsi que la faiblesse de la demande locative dans de nombreuses villes. Ce qui n'empêche pas le gouvernement d'élargir le périmètre éligible.
2017 sera-t-elle l'année de trop pour le Pinel ? Ce dispositif de défiscalisation, incitant les particuliers à investir dans l'immobilier en échange d'une diminution de leur impôt sur le revenu, a été lancé en septembre 2014. Tirant les leçons des dérapages constatés en Robien et en Scellier, l'arrêté ministériel fondateur du Pinel avait borné le périmètre des communes éligibles aux zones en tension locative, dite A, A1 et B1. Elles couvrent, pour l'essentiel, Paris et ses environs, les agglomérations de plus de 250 000 habitants, une zone frontalière de la Suisse et la Côte d'Azur.
Peut-être inconsidérément, tout au long de l'année 2016, les préfets ont accordé des dérogations à des communes situées en zone B2, où les tensions locatives ne sont pas avérées. Conséquence probable, les investisseurs qui se laisseraient convaincre ne trouveront pas de locataires au prix espéré. Le Laboratoire de l'immobilier, un cabinet d’études, a listé dès la fin de l'année dernière des villes où on peut construire en loi Pinel, mais où il ne faut pas investir, car elles sont en situation de suroffre (1).
Cet avertissement n'a pas du tout été entendu par les pouvoirs publics. Au contraire, un amendement de dernière minute à la loi de Finances 2017 a ouvert la possibilité aux communes de la zone C de demander leur classement en loi Pinel ! En 2012, déjà, le gouvernement avait élargi le Scellier à des communes où il n'y avait aucune tension, à l'image du Puy-en-Velay (43). L'office public HLM local achetait des pages de publicité dans le quotidien La Montagne pour trouver des locataires, au moment où le gouvernement parlait de tensions locatives...
Des prix supérieurs à ceux du marché
À son tour, le cabinet Immo-Group a tiré la sonnette d'alarme, dans une étude parue le 15 février. Selon les auteurs, de nombreux programmes Pinel proposaient déjà « des logements à des prix de vente nettement supérieurs aux valeurs locales de marché ». « Pour nombre de particuliers investisseurs, note Immo-Group, l’avantage fiscal dont ils bénéficiaient a été pour partie au moins détourné au profit de certains vendeurs », promoteurs ou intermédiaires. L'extension à la zone B2 avait déjà « offert une véritable manne foncière bon marché aux promoteurs-constructeurs dans des secteurs par définition secondaires ». L'élargissement éventuel à des communes de zone C « ne peut qu'inquiéter ». L'étude comprend deux tableaux éloquents. Le premier montre que dans de nombreuses villes, les prétendus plafonds du Pinel (entre 12,50 € et 8,75 €/m2 mensuels) sont supérieurs aux prix moyens du marché locatif. Le second montre l'écart entre le prix de vente des biens en Pinel et les prix de vente normalement constatés, ville par ville. À La Ciotat (13), Villeurbanne (69) ou Trappes (78), acheter en Pinel, c'est payer 20 % de plus, avec des pointes à 26 % et 27 % à Toulouse (31) et Rouen (76). En d'autres termes, les investisseurs risquent de payer leur bien trop cher et de rester sans locataire.