Jean-Paul Geai
Honoraires médicauxLes dépassements abusifs épinglés
Après avoir mené une grande étude sur les tarifs des médecins de secteur 2, dit « à honoraires libres », l’assurance maladie reproche à 249 d’entre eux de pratiquer des dépassements trop importants. Des sanctions pourraient être demandées.
Alors que le gouvernement pousse à la création d’un secteur tarifaire dit « optionnel » où les dépassements d’honoraires des médecins seraient plafonnés (lire encadré), l’assurance maladie vient d’épingler 249 praticiens en secteur 2, c’est-à-dire à honoraires libres, pour des pratiques tarifaires abusives. Après avoir examiné pour la première fois le comportement de tous les médecins de secteur 2, elle reproche à 249 d’entre eux de ne pas fixer leurs honoraires « avec tact et mesure » selon le code de déontologie. Plus de la moitié de ces praticiens sont des spécialistes, dont une majorité de gynécologues-obstétriciens, et 79 médecins dits à exercice particulier (acupuncteurs, homéopathes…). La Cnam épingle aussi 28 médecins hospitaliers qui exercent une activité libérale à l’hôpital public. À tous, elle leur a adressé un courrier leur demandant des explications sur leur comportement. Selon leur réponse, elle décidera ou non de signaler leurs pratiques abusives à leur conseil départemental de l’ordre des médecins, seul habilité à les sanctionner. Devant la mansuétude habituelle de l’ordre, l’assurance maladie souhaite pouvoir à l’avenir sanctionner directement de tels abus.
En attendant, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, demande à la Caisse nationale d’assurance maladie et au Conseil de l’ordre des médecins de se réunir en commission départementale pour mettre fin à ces abus, en particulier dans les hôpitaux publics. Une prothèse de hanche, par exemple, peut être facturée dix fois le prix remboursé par la Sécurité sociale. En 2010, le montant total des dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins, en ville et à l’hôpital, avait atteint 2,5 milliards d’euros.
Mauvaise option
En discussion depuis 2004, le secteur optionnel défendu par le ministre de la Santé est à mi-chemin entre le secteur 1 où les médecins appliquent les tarifs de la Sécurité sociale, et le secteur 2, où les honoraires sont libres. Les praticiens qui rejoindront ce nouveau secteur s'engagent à pratiquer au moins 30 % de leurs actes au tarif conventionné et à limiter leurs dépassements d'honoraires à 50 % de ce tarif sur le reste de leur activité. En échange, l’assurance maladie devrait prendre en charge une partie de leurs cotisations et les complémentaires santé s'engager à rembourser ces dépassements à leurs clients. Dans un premier temps, cet accord ne concernera que les chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens.
Il n'est pas sûr que le projet gouvernemental soit le meilleur moyen de juguler l'emballement des tarifs médicaux. D'ores et déjà, la Mutualité française, qui compte quelque 18 millions d'adhérents, s'est dite opposée à un tel accord qui, selon son président Etienne Caniard, « n'apporte en rien une amélioration durable à l'accès aux soins ». C’est aussi l’avis de l’UFC-Que Choisir. À l'inverse du but recherché, ce nouveau secteur ne risque-t-il pas d'institutionnaliser purement et simplement les dépassements d'honoraires ? Ne risque-t-il pas en effet de créer un effet d'aubaine, encourageant les médecins jusqu'ici en secteur 1 à rejoindre le secteur optionnel pour améliorer leurs revenus, sans que ceux déjà en honoraires libres reviennent à des dépassements plus raisonnables ? Au final, pour l'usager, ce serait un nouveau renchérissement du coût de la santé. La mise en œuvre du secteur optionnel se traduirait automatiquement par une nouvelle augmentation des cotisations aux complémentaires santé.