Perrine Vennetier
Grippe, covid ou bronchioliteFaut-il se tester ?
Un triple autotest est désormais commercialisé en pharmacie pour dépister simultanément la présence des virus grippaux, du SARS-Cov2 ou du VRS (responsable de bronchiolites). Mais à quoi cela sert-il exactement ? Probablement pas à grand-chose tant sur le plan de sa performance que de sa pertinence. Explications.
Lors de l’épidémie de covid, nous nous sommes habitués à ce curieux rituel consistant à nous introduire des sortes de cotons-tiges dans le nez, d’extraire ensuite ce prélèvement visqueux dans des réactifs et d’en déposer une goutte sur une bandelette qui, une dizaine de minutes plus tard, rendait son verdict sous forme d’un trait coloré : positif ou non. À l’époque, ces tests antigéniques avaient un intérêt sanitaire et administratif, puisqu’ils permettaient de s’isoler et d’avertir ses contacts pour éviter la propagation de l’épidémie ou de bénéficier d’un suivi médical renforcé pour les personnes à risque. Depuis lors, la pratique est devenue certes moins systématique mais elle n’a pas cessé et d’autres types de Trod (test rapide d’orientation diagnostique) à faire soi-même sont venus compléter la gamme des tests d’infections respiratoires avec ceux de la grippe et du VRS, le virus responsable d’une grande partie des bronchiolites.
En novembre 2024, un test antigénique combiné a été commercialisé en pharmacie. Sa vocation : tester en même temps la présence du virus de la grippe, du covid et de la bronchiolite, pour un prix conseillé aux alentours de 10 €. Même si la bronchiolite peut donner des symptômes caractéristiques (comme une respiration sifflante), les symptômes de ces trois infections respiratoires virales sont en partie similaires : fièvre, mal de tête, toux, fatigue… Pouvoir les discriminer facilement semble donc en apparence intéressant. Mais ces tests sont-ils fiables ? Et à quoi servent-ils concrètement ?
Poudre aux yeux
Dans un rapport rendu en juin 2024 sur l’intérêt de ces tests, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un avis très négatif. Tout d’abord, en termes de performances, ces tests ne semblent pas suffisamment fiables. Sur la grippe, la sensibilité est médiocre avec 55 % en moyenne de détection. C’est-à-dire que sur 100 personnes grippées réalisant un test, 45 auront un résultat négatif les laissant penser, à tort, qu’elles n’ont pas la grippe. Pour le virus VRS, c’est encore pire. Chez les adultes, la sensibilité est si basse (jusqu’à 20 % dans certaines évaluations) qu’une personne atteinte de bronchiolite a plus de probabilité d’avoir un résultat faux que juste. Dans leur notice, et leur communication, les fabricants de ces tests affichent des taux très différents et très supérieurs (plus de 80 % voire 90 %). Devant ce grand écart, la HAS a décortiqué la façon dont ont été obtenues ces performances flatteuses. Là encore, sa conclusion, même formulée en termes administrativement polis, est cinglante : « L’analyse des modalités d’obtention […] conduit la HAS à émettre des réserves importantes quant à leur fiabilité et/ou applicabilité et transposabilité en vie réelle. » Bref, c’est de la poudre aux yeux.
Achat direct en pharmacie
Et quand bien même ces tests seraient performants, leur utilité serait minime. Il faut savoir que tout test n’est pas bon en soit. Un test n’est intéressant à pratiquer que si cela permet de poser un diagnostic (incertain sans le test) ou de modifier la prise en charge. Un bon exemple est celui du test d’angine : il permet de savoir si l’angine est bactérienne ou non, afin de prescrire ou non des antibiotiques. A contrario pour la grippe, le test ne change rien : de toute façon, le diagnostic du médecin se fait à partir des symptômes (le diagnostic est dit clinique) et du contexte épidémique. Et les traitements ne sont pas spécifiques : il donnera des médicaments pour soulager les symptômes (contre la fièvre et les douleurs comme le paracétamol notamment) mais il n’existe pas de médicaments particuliers pour la grippe. Il en va de même pour la bronchiolite ou le covid – quoiqu’il existe pour ce cas particulier un traitement spécial (Paxlovid) destiné aux personnes très à risque de complications.
Sur la base de ces données de performances insuffisantes et d’utilité quasi inexistante, la HAS a tranché : « Ces Trod ne présentent pas à ce jour d’intérêt médical en vue d’un diagnostic à l’échelle individuelle. » Cette conclusion s’inscrit dans la perspective d’une utilisation par les médecins généralistes. Mais les arguments semblent tout aussi valables pour les consommateurs tentés par un achat direct en pharmacie.