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Grippe aviaireL’épidémie s’étend au Grand Ouest

Alors qu’une 4e épidémie de grippe aviaire est en passe d’être jugulée dans le Sud-Ouest, des élevages ont été contaminés en Vendée et en Loire-Atlantique, entraînant l’élimination de plus de 4 millions de volailles dans les prochains jours. En cause : les mauvaises pratiques du secteur.

La France n’en a pas fini avec les abattages massifs de volailles… Pour la 4e année depuis 2015, l’Hexagone est confronté à la redoutée grippe aviaire. Cette épidémie animale décime les élevages de volailles, directement via le virus, redoutable pour les gallinacées (à ce jour inoffensif pour l’humain), mais surtout indirectement du fait des mesures d’éradication.

Tout a débuté fin novembre 2021 par un cas sporadique dans un élevage de poules pondeuses du département du Nord. Les éleveurs ont retenu leur souffle pendant deux semaines. Et mi-décembre, un autre cas a été détecté dans un élevage de canards prêts à gaver du Gers – le premier d’une longue série dans le Sud-Ouest. Les mesures de confinement des volailles n’ont pas suffi, et le virus s’est rapidement propagé dans cette zone de forte densité de canards à foie gras.

Le virus saute du Sud-Ouest à la Vendée

Le ministère de l’Agriculture a donc décidé de dégainer son arme de dernier recours, l’abattage préventif. Du 20 janvier jusqu’à fin février, ce sont 1,25 million d’animaux, dont 900 000 volailles et 350 000 canards, qui ont été éliminés. Ces abattages sont désormais achevés dans le Sud-Ouest, et il est temps de repeupler avec des poussins et des canetons… Sauf qu’une partie d’entre eux proviennent de couvoirs installés dans les Pays de la Loire, où s’est précisément déclarée une résurgence de la maladie fin février !

Plusieurs cas ont été signalés en Vendée puis en Loire-Atlantique, qui « connaissent actuellement une diffusion rapide du virus de l’IAHP [Influenza aviaire hautement pathogène ou grippe aviaire, ndlr] ». Selon le ministère de l’Agriculture le 11 mars, près de 1,2 million d’animaux ont d’ores et déjà été abattus, et 3 autres millions restent à abattre dans les prochains jours. « L’objectif est un assainissement de la zone fin avril », précise le ministère. Cette région est cruciale pour l’aviculture car elle compte « de nombreux élevages d’animaux reproducteurs et de nombreux couvoirs de toutes les filières avicoles ». Pour autant, le ministère de l’Agriculture se veut rassurant : « à date, il n’y a pas de risque de rupture d’approvisionnement » en volailles sur le marché français.

Les mauvaises pratiques perdurent

Comment cette épidémie a-t-elle pu essaimer, malgré toutes les mesures sanitaires prises par les pouvoirs publics ? « Les causes d’une diffusion rapide sont en cours d’évaluation auprès de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) » d’ici la semaine prochaine, indique sobrement le ministère. Parmi les hypothèses évoquées, des « coups de vent, des défauts de biosécurité, une diffusion de proche en proche »… Certains aimeraient croire à la responsabilité de la faune sauvage. Ainsi, l’interprofession du foie gras, le Cifog, mentionne « les migrations ascendantes d’oiseaux sauvages ». Un professionnel émet même l’hypothèse d’une fiente d’oiseau sauvage contaminée malencontreusement tombée dans une entrée d’air de ventilation du bâtiment d’élevage en Vendée. Il faut viser juste…

Une autre piste est un transport du virus via le matériel, sous les semelles du personnel, ou sous les roues des camions qui transportent les volailles à abattre ou les poussins d’un bout à l’autre du pays. Mais elle incrimine les pratiques du secteur. Un compte rendu de réunion avec professionnels met d’ailleurs en avant une série de dysfonctionnements qui perdurent malgré les crises : une mauvaise application du protocole sanitaire, une densité d’élevages toujours trop forte, des transports de volailles sur de longues distances, susceptibles de propager la maladie d’un département à l’autre (1)… Aucune inflexion du modèle d’élevage n’a été appliquée après de précédentes épidémies malgré leur coût financier (plus de 150 millions d’euros). Qu’en sera-t-il cette fois ? Le ministère répond que « toutes les solutions de prévention devront être abordées [avec la profession] à l’issue de la crise ».

Pour la Confédération paysanne, la solution passe par une moindre densité d’élevages. Le syndicat agricole promeut le modèle de petits élevages familiaux de plein air, encore nombreux mais fragilisés par les mesures de confinement et d’abattage qui se succèdent.

Les zones réglementées liées aux foyers et cas sauvages IAHP détectés en France au 08/03/2022 (source ministère de l’Agriculture)

Mise à jour du 18 mars 2022

Selon le dernier bilan du ministère de l’Agriculture, la France compte désormais 860 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en élevage, 36 cas en faune sauvage et 17 cas en basses-cours. Dans les Pays de la Loire, la situation semble encore hors de contrôle, et plus de 6 millions de volailles ont d’ores et déjà été touchées par le virus grippal. En ajoutant les animaux éliminés pour créer de vastes zones de vide sanitaire et freiner la propagation de l’épidémie, les abattages dépasseront les 10 millions d’animaux. Les élevages, de plus grosse taille que dans le Sud-Ouest, dépassent souvent les 10 000 têtes, aboutissant à ces chiffres vertigineux.

Pour le moment, les foyers se cantonnent à trois départements : Vendée, Loire-Atlantique et Maine-et-Loire, auxquels s’ajoute un unique cas dans le Morbihan. Mais « il y aura inévitablement des difficultés d’approvisionnement pour certaines espèces [comme la dinde] et certains produits, même si la filière essaiera de compenser cette baisse de production par des hausses dans les régions indemnes », souligne Yann Nedelec, directeur de l’interprofession Anvol.

Les Pays de la Loire sont la deuxième région productrice de volailles derrière la Bretagne. Ils concentrent 25 % de l’activité nationale et une bonne partie de l’activité de reproduction (élevages de reproducteurs et couvoirs) – même si à ce jour toute la région n’est pas touchée. On comprend mieux la fébrilité de la filière. Certains industriels ont d’ores et déjà annoncé une réduction de leur activité, à l’instar de LDC, numéro 1 français de la volaille : « Cette situation dramatique entraînera une réduction d’activité d’abattage voire l’arrêt momentané de certains sites », explique le groupe dans un communiqué.

Pour autant, cette crise ne doit pas être une raison pour ouvrir grandes les vannes de l’importation, alors que la filière tente depuis quelques années de reprendre des parts de marché face aux poulets provenant d’autres pays européens (destinés à la restauration hors foyer et à la transformation). D’autant que la situation est fragile aussi chez nos voisins : la grippe aviaire sévit dans une trentaine de pays en Europe, dont l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Italie.

(1) Les canards à gaver peuvent changer plusieurs fois de lieux au cours de leur existence, passant du couvoir à une ferme d’élevage, puis à une exploitation de gavage.

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