Arnaud de Blauwe
Les Mousquetaires attaqués
Intermarché a été renvoyé devant le tribunal correctionnel d'Évry pour, notamment, publicité mensongère et tromperie sur la marchandise. Des dossiers jugés en une seule audience pour lesquels le distributeur encourt plusieurs centaines de milliers d'euros d'amende. Il pourrait également avoir à verser des dommages et intérêts à l'UFC-Que Choisir, partie civile. Jugement le 26 janvier.
Le palais de justice d'Évry (91) s'est vidé depuis déjà bien longtemps. Il est 20 h 30, ce mardi 13 octobre, et le tribunal correctionnel n'en a toujours pas fini avec Intermarché. Après avoir passé la journée sur huit dossiers de publicité mensongère ou de tromperie sur la marchandise, il doit encore se pencher sur deux affaires de délais de paiement et de remises logistiques impliquant le groupement des Mousquetaires. Une audience à rallonge au cours de laquelle plusieurs centaines de milliers d'euros d'amende ont été requis à l'encontre du distributeur.
Dérives généralisées de la grande distribution ou vigilance accrue des consommateurs ? En tout cas, à « Que Choisir », nous recueillons un nombre croissant de témoignages dénonçant des fausses promotions, erreurs de caisse et autres affirmations commerciales erronées. Et lorsque ces clients vigilants demandent des explications aux gérants de la grande surface, ils restent en général sur leur faim.
Erreur de conception et hyperbole publicitaire
Renvoyé devant le tribunal correctionnel après plusieurs enquêtes de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), le groupe Intermarché allait-il se montrer plus convaincant ? L'enseigne était poursuivie pour des faits constatés entre 2005 et 2008. Par la voie de ses nombreux avocats elle s'est - évidemment - dite toute surprise de se retrouver sur les bancs d'une juridiction répressive !
Des catalogues publicitaires présentant, deux années de suite, des offres de foie gras qui n'étaient pas conformes à la réalité ? Une regrettable erreur de conception. Des champignons de Paris en promotion avec l'indication « origine France » alors qu'une grande partie du stock venait des Pays-Bas ? Une opération victime de son succès qui a nécessité de très vite s'approvisionner hors de l'Hexagone. Des poivrons importés d'Espagne pollués par un pesticide interdit proposés à la vente ? Rien à se reprocher, dans la mesure où le fournisseur avait fourni des certificats de conformité. Du thon rouge présenté comme étant pêché en Méditerranée alors qu'il avait effectué un détour par des fermes d'aquaculture espagnoles avant sa mise en rayon ? Mais, enfin, tout le monde sait que l'on procède ainsi avec cette espèce sauvage soumise à quotas ! Une campagne qui indique que la viande de boeuf passe « directement » de chez l'éleveur à l'assiette du consommateur, alors que c'est le circuit classique qui est utilisé ? Une « hyperbole publicitaire », car « depuis le XIe siècle », l'étape de l'abattoir agréé est obligatoire et l'acheteur « moyen » ne peut l'ignorer. Des chaises pliantes du Vietnam présentant des risques de cisaillement ou de chute pour leur utilisateur ? L'accusation s'est fourvoyée en se référant à une réglementation non applicable à ce type de produit ! Une proposition « Un poulet acheté, un autre offert » un brin présomptueuse ? La DGCCRF tire des conclusions hasardeuses à partir d'un seul relevé effectué en magasins...
Méandres des différentes filiales et centrales d'achats
Mais s'ils se sont battus sur le fond des dossiers, les avocats de la défense n'ont pas négligé les questions de procédure. Ils se sont ainsi plu à perdre le tribunal dans les méandres des différentes filiales et centrales d'achats de l'enseigne. De même, ont-ils souvent contesté la compétence géographique du tribunal d'Évry - dont dépend le siège opérationnel d'Intermarché, à Bondoufle - notamment parce que les faits incriminés avaient été commis dans des zones limitées (selon les dossiers : Sud-Est, Centre-Est...). Des contre-attaques techniques qui ont parfois fait mouche, la défense mettant en exergue quelques erreurs (non-communication de résultats d'analyses, par exemple) admises par l'accusation.
Pour l'ensemble des dossiers examinés, le procureur a requis autour de 800 000 euros d'amende contre les diverses personnes morales et physiques ralliées à la bannière d'Intermarché et mises en cause dans les différentes affaires. Partie civile, l'UFC-Que Choisir demande plusieurs dizaines de milliers d'euros de dommages et intérêts pour le préjudice porté à la collectivité des consommateurs. Les différents jugements seront rendus le 26 janvier.