Anne-Sophie Stamane
GénériquesEntraves confirmées
En utilisant les brevets pour freiner l'arrivée sur le marché des médicaments génériques, l'industrie pharmaceutique empêche aussi les systèmes d'assurance maladie de faire des économies substantielles.
En panne d'innovations, les géants de l'industrie du médicament déploient des trésors d'énergie pour freiner l'arrivée des génériques sur le marché. C'est ce qui ressort du rapport préliminaire de la Commission européenne relatif au secteur pharmaceutique. L'enquête, menée auprès de 70 entreprises, montre que « l'entrée des entreprises de génériques sur le marché et la mise au point de nouveaux médicaments plus abordables sont parfois entravées ou retardées, ce qui entraîne des coûts substantiels pour les systèmes de soins de santé, les consommateurs et les contribuables », souligne Neelie Kroes, la commissaire chargée de la concurrence. La note est salée, puisque sur 7 ans, 3 milliards d'euros auraient pu être économisés si les génériques, moins chers, avaient été commercialisés en temps et en heure.
Du point de vue des laboratoires, l'enjeu est considérable : il s'agit de conserver la rente que leur procurent des médicaments phares. Et pour y parvenir, tous les moyens sont bons, note Bruxelles. La principale astuce imaginée consiste à déposer, pour une même molécule, plusieurs brevets, à différentes étapes de son développement. Résultat : les concurrents ne savent pas précisément à quel moment produire un générique sans s'exposer à des poursuites pour violation du brevet. Et quand ils finissent par se lancer, les grandes marques n'hésitent pas à attaquer en justice ou à perturber la procédure d'agrément du médicament, ce qui leur permet de gagner du temps. Plus classiques, les brevets « secondaires » prolongent l'exclusivité sur la molécule pendant 5 années supplémentaires. Enfin, afin de saper les chances de succès d'un générique, des médicaments de « seconde génération », simples reformulations d'une molécule, font opportunément leur apparition quelques mois avant l'expiration du brevet d'une molécule originale.
Pratiques dilatoires
Ces pratiques dilatoires pourraient inciter la Commission européenne à ouvrir, à terme, une procédure à l'encontre des laboratoires. Son rapport confirme en tout cas que l'industrie pharmaceutique, faute de mettre des moyens suffisants dans la recherche, est réduite aujourd'hui à des stratégies défensives qui coûtent cher. Pour protéger son pré carré, elle privilégie aussi le marketing envers les médecins et les patients, au point que les dépenses consacrées à ce secteur dépassent d'un tiers celles dédiées à la recherche. En s'appuyant sur ces chiffres édifiants, le BEUC, organisation européenne des consommateurs, « incite la Commission à enquêter davantage sur les techniques publicitaires utilisées par les laboratoires ».
Les génériques efficaces
Patients et médecins sont parfois méfiants à l'égard des génériques. Un article publié mardi dans le « Journal of the American Medical Association » (JAMA) pourrait dissiper leurs doutes. En analysant les études cliniques de neuf médicaments cardiovasculaires réalisées entre 1984 et 2008, génériques et de marque, les auteurs ont conclu à une efficacité strictement équivalente.