Fabrice Pouliquen
Gaz et électricitéVers plus de transparence dans les offres ?
En juillet dernier, à l’issue d’une concertation, la Commission de régulation de l’énergie a défini 13 mesures visant à améliorer la transparence et la lisibilité des offres de gaz et d’électricité. Si la majorité des fournisseurs de gaz et d’électricité viennent de s’engager à les suivre, 8 d’entre eux refusent d’y adhérer.
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) – le gendarme de l’énergie – a publié le 11 juillet dernier 13 mesures visant à améliorer la transparence et la lisibilité des offres de fourniture de gaz et d’électricité (1). Elles sont issues d’une consultation menée avec les fournisseurs d’électricité et de gaz, mais aussi les représentants des consommateurs, dont l’UFC-Que Choisir. Parmi ces mesures, voici quelques exemples :
- le fournisseur s’engage à ne pas proposer d’offres dont le prix n’est pas connu au moment de la consommation ;
- au moment de la souscription du contrat par le client, le fournisseur s’engage à l’orienter vers l’offre la mieux adaptée à ses caractéristiques et à sa consommation ;
- en l’absence de renouvellement de contrat, le fournisseur s’engage à présenter, avec un préavis d’au moins 2 mois, les informations relatives à la fin du contrat.
24 fournisseurs nationaux et plus de 50 locaux
Il restait à savoir quels fournisseurs d’énergie s’engageraient à suivre ces 13 lignes directrices. La liste vient d’être publiée. Il s’agit de 24 fournisseurs nationaux et plus de 50 locaux, « représentant plus de 99 % des consommateurs résidentiels, les seuls concernés [par ces lignes directrices] dans un premier temps », précise la CRE. Mais 8 fournisseurs nationaux n’ont pas souhaité s’engager dans la démarche de transparence et de lisibilité des offres (voir plus bas).
Ces lignes directrices couvrent toutes les étapes de la relation entre les consommateurs et leur fournisseur, de la souscription à la fin du contrat. Elles vont globalement dans le bon sens alors que l’information et le conseil aux consommateurs ont parfois été défaillants durant la récente crise énergétique. Que Choisir a notamment pointé, chez certains fournisseurs, des courriers imprécis et faussement rassurants pour annoncer des hausses de prix du kilowattheure ou de nouveaux échéanciers trop bas pour protéger les clients mensualisés de factures de régulation exorbitantes. Les mesures 7 et 8 s’attaquent à ce défaut de transparence. Ces lignes directrices devraient aussi permettre au consommateur de mieux faire jouer la concurrence. Il « pourra plus facilement comparer deux offres (du même fournisseur ou de deux fournisseurs différents) puisque celles-ci devront respecter une typologie commune et adopter un même modèle de fiche descriptive », explique la CRE.
Des lignes directrices qui ne vont pas assez loin
On peut tout de même nourrir des regrets. L’interdiction des démarchages a par exemple été écartée de la version définitive. Au grand dam de l’UFC-Que Choisir : « Il s’agit pourtant d’une priorité pour les consommateurs dont le choix éclairé est notablement affecté par les pratiques actuellement à l’œuvre », a-t-on plaidé. Autre lacune majeure : la mesure 5 insiste sur le devoir de conseil des fournisseurs pour qu’ils adaptent leurs offres proposées à la consommation de chacun. Mais cette obligation de conseil ne vaut qu’à la souscription du contrat, la CRE invitant mollement les fournisseurs à en faire de même tout au long de leur relation avec leurs clients. Pourtant, alors que les consommateurs se montrent relativement fidèles à leur fournisseur, ces derniers devraient avoir obligation de les orienter à tout moment vers un contrat plus avantageux lorsqu’il s’en présente un.
Enfin, bien qu’elles soient connues depuis début juillet, les fournisseurs qui s’engagent à suivre ces 13 mesures disposent de délais pour l’application de certaines d’entre elles. Cinq mois, par exemple, pour l’obligation, en cas d’évolution des prix en cours de contrat, de présenter l’impact sur la facture annuelle de leurs clients et sur le montant estimé des mensualités. C’est long.
« Name and shame »
Quoi qu’il en soit, rien ne vaut une loi pour mieux réguler les fournisseurs d’énergie et améliorer la protection des consommateurs. Ce doit être un des chapitres du projet de loi relatif à la souveraineté énergétique actuellement en préparation. Ces 13 lignes directrices n’ont pas cette force : les fournisseurs y souscrivent sur la base du volontariat. Certes, la CRE promet des contrôles et publiera, sur son site, le nom des fournisseurs qui auront contrevenu à leurs engagements et seront restés sourds aux appels de mise en conformité.
Du « name and shame » (nommer et blâmer) que la CRE applique d’une certaine façon dès aujourd’hui aux fournisseurs qui ont choisi de ne pas s’engager sur ces 13 lignes directrices. Elle a publié leur nom en ligne :
- Dyneff ;
- Enercoop ;
- Énergies d’ici ;
- GEG sources d’énergie ;
- MyLightSystems ;
- Papernest Énergie ;
- Sagiterre (chez Switch) ;
- Wekiwi.
Pourtant, dans le lot, on trouve des bons élèves en ce qui concerne la protection des consommateurs. À l’instar de la coopérative Enercoop, qui avait le taux moyen de litige le plus bas après Octopus Energy dans le rapport 2023 du Médiateur de l’énergie. Enercoop explique être en opposition frontale avec la mesure 1 qui engage les fournisseurs à appliquer la typologie des offres proposée par la CRE. « Cette typologie conduit à valoriser comme les meilleures les offres à prix fixe sur 1 ou 2 ans, explique Béatrice Delpech, la directrice adjointe de la coopérative. Or, avec ce type d’offre, le client est directement dépendant du prix de l’électricité fixé au moment de la signature de son contrat. Autrement dit, un client ayant signé son contrat en mars ne sera pas facturé au même tarif que celui qui a souscrit en avril ou en mai auprès pourtant du même fournisseur. Ce modèle-là est source d’iniquité. On préfère bien plus mutualiser les risques. »