ACTUALITÉ
Fruits et légumes

Pas assez de vrac, trop de plastique

Dans les grandes surfaces, les fruits et légumes frais sont encore très souvent proposés emballés, y compris ceux dont la vente en vrac est pourtant facile. Les emballages plastiques sont en théorie interdits depuis le début de l’année, mais on en voit encore beaucoup, du fait d’une application partielle de la loi antigaspillage pour une économie circulaire (dite « loi Agec ») et de nombreuses dérogations.

Les filières alimentaires sont décidément accros au plastique. Au point de continuer à l’utiliser largement, y compris pour des fruits et légumes qui se vendent aisément en vrac. Les enquêteurs de l’UFC-Que Choisir ont fait le tour de 854 grandes surfaces sur le territoire hexagonal entre le 13 et le 27 avril, pour vérifier ce qu’il en était pour 10 aliments courants : avocat, banane, carottes, citron, concombre, kiwi, poire, poivron, pomme, tomates cerises.

D’évidence, le vrac a une marge de progression importante. Globalement, les magasins Carrefour sont les mieux-disants, avec la moitié de leur offre de fruits et légumes en vrac uniquement. Ils sont suivis par Auchan et E.Leclerc (44 % de l’offre en vrac pour chacun). La part des fruits et légumes du panier proposés en vrac est nettement plus faible chez les discounters que dans les grandes surfaces classiques. Lidl et Aldi, les deux derniers de notre classement, ont ainsi les taux les plus élevés de mises en vente uniquement emballées (un quart des produits du rayon considéré). Pour le reste de l’offre, elle peut être à la fois en vrac et emballage (plastique, carton ou filets), voire uniquement sous emballage.

Encore trop de plastique dans 8 magasins sur 10

Qu’en est-il plus précisément de l’utilisation du plastique ? Les distributeurs éprouvent visiblement des difficultés à s’en passer, et certains plus que d’autres. Ainsi, 81 % des magasins, toutes enseignes confondues, vendent au moins un des 10 fruits et légumes du panier (1) dans un emballage constitué tout ou partie de plastique. Là encore, les discounters sont les plus mauvais élèves, puisque respectivement 91 % des Lidl et 88 % des Aldi visités présentent au moins un de ces 10 produits sous plastique. Les grandes et moyennes surfaces traditionnelles font à peine mieux, allant de 86 % des magasins Intermarché à 77 % pour Carrefour et E.Leclerc – les mieux-disants.

Les grandes surfaces sont donc encore loin de respecter la loi antigaspillage pour une économie circulaire (loi Agec). Le ministère de la Transition écologique estime qu’il y a eu « une réduction d'environ 25 % des emballages plastiques de fruits et légumes frais entre 2021 et 2023 ». « Des contrôles sur le terrain » sont prévus cette année pour vérifier l’application de la réglementation.

Le plastique recyclable, une fausse bonne idée

Le ministère précise à Que Choisir que « tous les emballages en plastique sont visés, quels qu'ils soient », pour des conditionnements de moins de 1,5 kg. Car certes, il y a plastique et plastique. Certains sont issus de la pétrochimie, tandis que d’autres sont par exemple à base de cellulose ou d’amidon de maïs, des matériaux biodégradables, comme le confirme Lidl : « Certaines références, comme les mini-poivrons, sont vendues dans des sachets transparents en cellulose très ressemblants au plastique, mais ne sont pour autant pas du plastique. » Mais est-ce vraiment une bonne idée de maintenir l’univers du tout-plastique ? D’autant que souvent, les mentions « ok compost », « biodégradable » ou « recyclable » sont très peu visibles sur les paquets et que, mal recyclé, ce matériau reste polluant, y compris en composteur individuel : en se dégradant, il se fragmente en microplastiques qui se dispersent dans l’environnement. Il doit donc impérativement être orienté vers un compostage industriel ou incinéré. Ceci vaut également pour les sacs mis à disposition des clients pour le libre-service.

Sur l’emballage de ces citrons, la mention « ok compost » passe presque inaperçue.

Des produits peu fragiles encore trop souvent emballés

Lidl souligne d’ailleurs être « conforme à la réglementation » ‒ ou à peu près, puisqu’il est « en train de finaliser le changement d’emballage » ‒ près de 6 mois après la date limite. Il justifie ce retard par les difficultés de mise en place de la loi Agec pour les fournisseurs, contraints de changer leurs lignes de production, en particulier pour le raisin. Mais pourquoi ne pas carrément supprimer lesdites lignes ?

Des pommes qui pourraient être vendues à l’unité sont proposées dans des emballages en carton.

En effet, une partie des produits encore emballés ne sont pas forcément les plus fragiles. Si, sans surprise, les tomates cerises, petites et fragiles, viennent en tête des fruits et légumes encore emballés, elles sont suivies par les pommes, les avocats et les kiwis. Même les concombres, pourtant vendus couramment à l'unité, n'y échappent pas totalement ! Dans notre échantillon, encore 4 % des magasins les mettent en rayon sous plastique, et 2 % dans un autre emballage. Bref, la loi Agec est un échec relatif, d'autant que distributeurs et fournisseurs se sont engouffrés dans les exemptions qu'ils ont obtenues (lire l'encadré).

Le bio n’y échappe pas

Dans les grandes surfaces généralistes, les produits bios sont plus souvent emballés, que ce soit sous plastique ou autre, que les aliments conventionnels. L’objectif : éviter les contaminations par les résidus de pesticides présents sur les fruits et légumes conventionnels, qui peuvent se produire par simple contact. Parmi les produits bios les plus emballés, on trouve davantage de citrons, concombres et bananes.

Satisfecit pour Biocoop, la seule chaîne spécialisée bio de l’enquête : parmi les 6 points de vente qui ont pu être visités, aucun plastique dans les rayons. Tous proposent uniquement du vrac. Contactée, l’enseigne a confirmé s’engager « à n’utiliser aucun plastique pour ses fruits et légumes ».

Loi Agec - Une réglementation insuffisante

L’article 77 de la loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) adoptée en 2020 proscrit les emballages plastiques à usage unique pour les fruits et légumes depuis le 1er janvier 2024. Objectif : lutter contre la pollution de l’environnement par les plastiques qui, une fois fragmentés en minuscules morceaux (de l’ordre du micromètre, voire du nanomètre), sont absorbés par les plantes ou ingérés par les animaux – humains inclus, puisque des nanoplastiques ont été trouvés jusque dans le liquide amniotique et le fœtus.

Mais cette réglementation est affaiblie par de trop nombreuses exceptions (1) concédées face au lobbying de l’industrie de la plasturgie et des filières fruits et légumes, qui ont tenté de s’opposer à cette loi par des recours devant le Conseil d’État (une décision est attendue d’ici fin juillet). Une trentaine de produits, parmi lesquels les endives, les petites carottes, les épinards et l’oseille, les asperges, les brocolis, les pommes de terre primeur, les carottes primeur, la salade et les cerises, pourtant couramment vendus en vrac, sont ainsi dispensés de se conformer à la loi.

Le snacking, gourmand en plastique, est une autre exemption. S’ils sont épluchés, lavés ou découpés, les fruits et légumes vendus prêts à consommer peuvent être conditionnés dans une boîte ou une barquette en plastique. Conséquence, une quantité croissante d’emballages jetables, à rebours de ce qu’il faudrait faire ! Dans le cadre de la stratégie nationale pour la réduction, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique (dite « SN3R ») prévue par la loi Agec, cette filière doit se fixer des objectifs de réduction, réemploi et recyclage sur la période 2021-2025. « Un premier bilan est en cours d’élaboration », selon le ministère de la Transition écologique.

Parmi les nombreuses aberrations, des avocats découpés emballés dans du plastique.


(1) Décret sur l’interdiction du conditionnement des fruits et légumes sous emballage plastique paru le 20 juin 2023 au Journal officiel.

Des emballages utiles… pour le marketing !

Des emballages sont encore présents dans le rayon fruits et légumes pour diverses raisons.

 La praticité  Proposer au client un sac déjà prêt, facile à emporter.

 La promotion  Des tarifs promotionnels s’affichent facilement via la pose d’autocollants sur l’emballage.

 Le contournement de la réglementation  Vendre des lots de plus de 1,5 kg, qui sont exemptés de la loi Agec. Motif de la dérogation ? Lidl invoque « la solidité » du plastique face à un emballage papier/carton pour des volumes importants : « Par exemple, nous vendons des sachets de pommes de 3 kg et un sachet papier n’est pas assez solide pour ce type de référence. »

Quand l’emballage plastique sert de support de promotion…


(1) Plus précisément au moins une variété du fruit ou du légume considéré est vendue ainsi, si plusieurs variétés sont proposées – ce qui est généralement le cas pour les pommes et les poires, par exemple.

Juliette Vacant

Juliette Vacant

Observatoire de la consommation

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