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Fromage au lait cruMise en garde officielle

« Le saviez-vous ? Le lait cru présente un risque important pour les jeunes enfants » : depuis le 30 avril, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a mis en ligne cet avertissement sur son site. Au grand dam de la Confédération paysanne qui dénonce une communication « anxiogène et inadaptée ».

« Les jeunes enfants, et particulièrement ceux de moins de 5 ans, ne doivent pas consommer de fromage au lait cru, ni de lait cru. Au-delà, le risque existe toujours mais il est décroissant, les enfants sont quand même mieux protégés au-delà de 5 ans », précise la chef de la mission des urgences sanitaires au ministère de l’Agriculture, Marie-Pierre Donguy. Les autorités sanitaires recommandent donc aux populations fragiles – enfants en bas âge, femmes enceintes, personnes âgées ou immunodéprimées, c’est-à-dire déjà malades ou très fatiguées − de préférer les fromages au lait pasteurisé ou thermisé et d’éviter tous les fromages au lait cru, à l’exception des pâtes pressées cuites de type emmental, comté, abondance, beaufort, gruyère, etc.

« Mis sur le marché sans traitement thermique préalable, le lait cru et les produits fabriqués à base de lait cru sont très sensibles à la contamination éventuelle par des bactéries pathogènes. En effet, malgré les précautions prises par les [éleveurs], l’infection des mamelles ou un incident lors de la traite peuvent conduire à une contamination du lait par des bactéries pathogènes, naturellement présentes dans le tube digestif des ruminantes (Salmonella, Listeria, Escherichia coli…). Si ces contaminations peuvent n’avoir qu’un faible impact sur des adultes en bonne santé, elles peuvent, en revanche, provoquer des troubles sérieux, voire conduire au décès, pour des personnes sensibles », est-il expliqué sur le site du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (1).

La mise en garde sur le site du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Si les produits à base de lait cru sont, une fois de plus, dans le collimateur des autorités sanitaires, c’est qu’ils sont à l’origine d’une série d’infections graves de jeunes enfants par la bactérie E. coli de type O26 durant ces derniers mois. Ainsi, le 27 avril dernier, le ministère de l’Agriculture a ordonné le rappel de fromages Saint-Marcellin et Saint-Félicien au lait cru fabriqués par la société drômoise Fromagerie Alpine et commercialisés notamment sous plusieurs marques de distributeurs. Ces fromages étaient suspectés d’être à l’origine de contamination sévère chez 14 enfants âgés de 6 mois à 4 ans, tous atteints de syndrome hémolytique et urémique (SHU), une maladie grave qui est la principale cause d’insuffisance rénale chez les jeunes enfants. Selon un bulletin de Santé publique France daté du 29 mai, les résultats des investigations menées par cette agence et la Direction générale de l’alimentation  (DGAL) ont confirmé un « lien possible » entre la consommation de ces fromages et la survenue de la maladie. L’an dernier, des alertes similaires ont été lancées par le ministère. Fin décembre 2018, la société fromagère d’Eteaux (Haute-Savoie) a rappelé deux lots de fromages au lait cru après une intoxication sévère, de deux jeunes enfants qui avaient consommé du reblochon. Même scénario quelques mois plus tôt à la fromagerie familiale Chabert de Cruseilles (Haute-Savoie) qui avait dû procéder à des retraits massifs de reblochons après l’intoxication par cette même E. coli O26 de 12 enfants, dont l’un est décédé.

Une centaine de cas de SHU pédiatriques sont signalés chaque année en France depuis la mise en place d’un plan de surveillance en 1996. Mais le lait cru n’est pas le seul vecteur potentiel de la maladie. D’autres aliments, en particulier la viande de bœuf, surtout hachée, sont souvent en cause, de même que de façon plus exceptionnelle, la consommation de légumes crus contaminés par les eaux d’arrosage ou la transmission interhumaine. Pourtant, en cas d’alerte sanitaire, le lait cru figure toujours en première position sur la liste des suspects.

Pour la Confédération paysanne, le rappel de précautions à prendre vis-à-vis des jeunes enfants du ministère de l’Agriculture est la goutte de lait qui fait déborder le pot. « Les préfectures reprennent à la lettre cette recommandation de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), dont les fondements ne sont pas explicités, et multiplient les courriers à destination des mairies, des restaurants scolaires et des personnels de la petite enfance », s’insurge le syndicat dans un communiqué, redoutant la « pression d’une politique sanitaire inadaptée », aux « messages anxiogènes », qui pourrait conduire « à éliminer les fromages fermiers au profit du monopole industriel ».

« Maintenant, nous constatons que même certains collèges ne servent plus de fromages au lait cru dans les cantines », déplore le secrétaire général de la Confédération paysanne Damien Houdebine. C’est sans doute pousser le principe de précaution un peu trop loin. Selon le récent article publié par Santé publique France dans la revue médicale européenne Eurosurveillance, le pic de survenue du SHU chez les enfants se situe entre 6 mois et 3 ans. Après 3 ans, l’incidence est extrêmement faible. « Nous n’affirmons pas que le risque est nul. Cependant, la proportion des produits au lait cru dans les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) reste mesurée et très faible, comme l’indiquent les données de veille sanitaire (INVS) », constate le syndicat qui a annoncé son intention de rencontrer la DGAL afin de demander une justification scientifique de la note ministérielle.

(1) https://agriculture.gouv.fr/consommation-de-fromages-base-de-lait-cru-rappel-des-precautions-prendre

Florence Humbert

Florence Humbert

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