Élodie Toustou
Frais plafonnés des PEALes banques ont joué le jeu mais se sont rattrapées
Huit mois après le plafonnement des frais sur les plans d’épargne en actions, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a analysé les tarifs pratiqués par les banques et les courtiers en ligne. Le verdict est sans appel.
Depuis l’été dernier, les frais appliqués aux plans d’épargne en actions (PEA et PEA PME-ETI) ont été plafonnés par le législateur. L’objectif ? Inciter les épargnants à investir dans l’économie réelle en se positionnant en direct sur des actions d’entreprises européennes ou des fonds. Avec une carotte fiscale à la clé : les plus-values dégagées ne supportent aucun impôt sur le revenu après 5 ans de détention.
8 mois après l’entrée en vigueur de ces nouveaux plafonds, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a analysé les tarifs pratiqués par les banques traditionnelles et les courtiers spécialisés afin d’évaluer l’impact des nouvelles mesures sur les investisseurs particuliers.
Frais de courtage : forte baisse pour les petites transactions
Depuis le 1er juillet 2020, les frais de courtage, c’est-à-dire ceux prélevés lors de l’achat et de la vente d’actions, ont été limités à 0,5 % du montant d’une opération réalisée en ligne sur un PEA (1,2 % dans les autres cas, par téléphone ou en agence, par exemple). Soit, par exemple, 0,50 € pour un ordre de 100 €. L’AMF constate que le plafonnement a joué : les banques ont dû baisser leurs tarifs, ces derniers profitant surtout aux ordres de petit montant (avec un repli de 40 %). « Pour les ordres passés depuis un compte-titres ordinaire, le coût moyen des ordres n’a pas évolué », relève l’autorité (voir tableau).
Reste que les clients des banques paient encore des frais bien plus élevés que chez les courtiers en ligne. L’AMF constate que les tarifs de ces derniers sont « 2 à 3 fois plus bas » que dans les banques traditionnelles. Avec un écart qui se creuse pour les ordres d’un montant important. « Pour un ordre d’achat ou de vente d’actions de 5 000 €, le montant moyen des frais est de 10,20 € » chez les courtiers, soit 0,20 % du montant de l’ordre en moyenne, contre 24 € dans une banque sur un PEA et 27 € sur un compte-titres ordinaire (CTO). L’AMF note par ailleurs que chez les courtiers, les commissions moyennes varient de 0,09 % à 0,33 %. D’où l’intérêt pour les investisseurs de faire jouer la concurrence pour limiter l’impact des frais sur les performances de leur portefeuille.
Frais de courtage moyens sur Internet pour des actions cotées sur Euronext Paris
Dans les banques (1) | Chez les courtiers | |||
En 2019 | PEA en 2021 (2) | CTO en 2021 (2) | PEA et CTO en 2021 (3) | |
Ordre de 1 000 € | 0,80 % | 0,49 % | 0,79 % | 0,31 % |
Ordre de 5 000 € | 0,54 % | 0,49 % | 0,54 % | 0,20 % |
Ordre de 10 000 € | 0,51 % | 0,48 % | 0,52 % | 0,17 % |
(1) Tarifs relevés dans 9 établissements dont les noms n’ont pas été précisés. (2) Compte-titres ordinaire au 01/01/2021. (3) Au 01/01/2021 auprès de 7 courtiers non précisés. Source : AMF.
Les banques se rattrapent sur les droits de garde
Les droits de garde, c’est-à-dire les frais de tenue de compte prélevés chaque année par les établissements, ont eux aussi été plafonnés depuis le 1er juillet dernier : à 0,4 % de la valeur du PEA, avec une majoration possible, par ligne ou fonds détenu, de 5 € pour les titres cotés, 25 € pour les non-cotés.
Surprise : les banques ont ici trouvé le moyen de compenser la baisse des frais de courtage. L’AMF constate en effet que par rapport à 2019, le montant des droits de garde moyens a augmenté. Notamment sur les petits portefeuilles avec une inflation constatée de 4 % sur les PEA et… 10 % sur les comptes-titres ! Par exemple, pour un portefeuille de 10 000 € comportant 10 lignes, les droits de garde sont passés de 0,67 % en 2019 à 0,69 % en 2021. Autre exemple avec un portefeuille de 60 000 € et de 10 lignes, avec des droits portés de 0,27 % à 0,33 % en moyenne.
Résultat, en 2021, pour un investisseur « passant 12 ordres par an, de 5 000 € via Internet, et détenant un portefeuille de 60 000 € réparti sur 10 lignes », les frais totaux (frais de courtage + droits de garde) représentent 0,82 % du montant de son portefeuille, soit 492 €, a calculé l’AMF. « Un montant stable depuis 10 ans », souligne l’autorité qui avoue par là même que le plafonnement des frais n’a pas produit les effets attendus. Surtout pour les clients qui passent peu d’ordres dans l’année. Ces frais s’avèrent ainsi près de 5 fois plus importants que chez un courtier en ligne, où ce même portefeuille ne coûte que 100 € par an en moyenne, soit 0,20 %.
L’avantage va donc, là aussi, aux courtiers qui ne pratiquent aucun droit de garde. Alors que l’AMF note un sacré rajeunissement des particuliers ayant réalisé au moins une transaction en Bourse l’an dernier, avec 46 ans d’âge moyen contre 58 ans en 2019, et qu’ils étaient 1,4 million à se frotter aux marchés financiers, abandonner les services coûteux de sa banque au profit d’un acteur digital meilleur marché prend tout son sens. Ça tombe bien : les frais de transfert (et de clôture) d’un PEA vers un autre établissement ont eux aussi été encadrés. Ils sont par exemple limités à 15 € par titre coté, dans la limite de 150 €, depuis le 1er juillet.