Fabienne Maleysson
FluorAu cas par cas
Après avoir prôné la prise régulière de suppléments de fluor chez tous les enfants, les autorités de santé nuancent leur message.
Parents qui vous êtes astreints pendant des années à donner quotidiennement à vos enfants des gouttes de fluor, sachez que vous avez peut-être fait cet effort pour rien. C'est en tout cas ce que suggèrent les dernières recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Un groupe d'experts prié d'examiner de près les données de la littérature scientifique vient en effet de rendre des conclusions qui tranchent avec la supplémentation systématique longtemps préconisée.
Premier enseignement : contrairement à ce que l'on a longtemps cru, on sait maintenant que le fluor est surtout efficace localement, après l'éruption dentaire. En conséquence, rien ne justifie plus ni la supplémentation de la mère pendant la grossesse, ni celle du bébé avant l'apparition de ses premières dents (environ 6 mois).
Deuxième conclusion des experts : après 6 mois, le choix de supplémenter ou non doit tenir compte des risques individuels de chaque enfant. En effet, ceux-ci sont très variables (environ un quart des enfants présentent 80 % des caries) selon notamment les habitudes alimentaires et l'hygiène bucco-dentaire. Chez les enfants à risque réduit - ceux qui ont de bonnes habitudes alimentaires - le brossage bi-quotidien, à l'aide d'un dentifrice fluoré adapté aux enfants, est suffisant. L'aide des parents est cependant bienvenue pendant les premières années.
Bilan personnalisé
Mais même chez les enfants à risque plus élevé, l'Afssaps ne conseille plus la supplémentation systématique. La prescription doit être précédée d'un bilan personnalisé des apports en fluor. Ainsi, l'eau du robinet peut en contenir des quantités très variables selon les régions. En cas d'apport important par ce biais, on s'abstiendra de supplémenter. L'excès peut en effet conduire en particulier à l'apparition d'une fluorose qui se traduit par des taches sur les dents.
La santé dentaire sera aussi nettement améliorée si l'on n'abuse pas du grignotage et de certains aliments : ceux qui contiennent des sucres simples ajoutés par le fabricant (chocolat, biscuits, desserts sucrés, etc.) ou à table (yaourt, café...), ceux à base d'amidon lorsqu'il subit certains traitements industriels (chips, biscottes), les boissons sucrées, les boissons édulcorées qui contiennent différents acides, et enfin les aliments qui ne demandent pas une vraie mastication.
Mieux vaut tard que jamais
Ces nouvelles recommandations paraissent après des années de prises de position dogmatiques des autorités de santé en faveur de la supplémentation. Pendant des lustres, le message est resté sans nuance : du cinquième mois de grossesse jusqu'aux 14 ans de l'enfant, les gouttes de fluor quotidiennes étaient indispensables si l'on ne voulait pas se retrouver avec la bouche pleine de caries. Une position extrémiste contre laquelle « Que Choisir » s'était élevé en raison de l'inefficacité et des possibles effets secondaires de cette supplémentation. En 2002, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avait émis des recommandations plus nuancées mais quelque peu confuses. Comme si les scientifiques n'osaient pas se désavouer. Aujourd'hui, le message a enfin le mérite de la clarté.