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Évasion fiscaleLes députés ratent le coche !

Le 9 juin 2016, les députés français ont adopté une version remaniée de l’article 45 du projet de loi Sapin 2 vidant de tout sens le dispositif de transparence fiscale prévu… Encore une occasion manquée pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale.

Deux mois après les révélations par les médias des « Panama Papers », l’émotion manifestée par la classe politique semble avoir déjà marqué le pas ! En l’espèce, le projet de loi Sapin 2 introduisait une obligation de reporting financier pays par pays. Cette mesure, réclamée depuis longtemps par les organisations internationales de lutte contre l’évasion fiscale, notamment le Comité catholique contre la faim (CCFD) et Oxfam (confédération d’organisations luttant contre la pauvreté), impose aux grandes entreprises multinationales de publier les résultats financiers et les impôts payés chaque année par toutes leurs filiales. Las, la version finalement adoptée par les députés a été totalement édulcorée par les rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale. Le texte doit maintenant être examiné par les sénateurs le 4 juillet prochain, avant de repasser devant l’Assemblée le 18 juillet. Une dernière chance pour les députés de revoir la copie.

Le reporting pays par pays, une mesure efficace

Aujourd’hui, le reporting financier reste l’un des seuls moyens pour les citoyens et consommateurs de connaître la part d’impôt réellement payée par les très grandes entreprises. Il suffit en effet pour une société de transférer artificiellement une partie de son activité dans une filiale installée dans un paradis fiscal pour échapper partiellement à l’impôt. Avec le reporting pays par pays, cette opération pourrait être détectée.

Les renseignements délivrés dans le cadre du reporting sont les suivants : chiffre d’affaires, bénéfices, nombre d’employés et impôts payés.

Prenons un exemple : une entreprise réalise 10 millions d’euros de chiffre d’affaires dans un pays A, mais déclare seulement 1 million d’euros dans ce pays. Sa filiale déclare, elle, 9 millions dans un pays B. Pas de problème si l’activité de la filiale dans le pays B est réelle et représente l’essentiel du chiffre d’affaires de l’entreprise. Mais si le reporting révèle que la filiale possède juste deux salariés dans le pays B (contre un millier dans le pays A) ; et qu’elle paye des impôts très faibles en raison de la politique très clémente du pays B, on peut légitimement s’interroger !

Le reporting torpillé par l’Assemblée nationale

Les rapporteurs de l’Assemblée nationale ont introduit deux grandes modifications à l’article 45. Le reporting complet ne sera imposé que dans une liste de paradis fiscaux qu’il resterait à définir (vue la réticence actuelle des États à qualifier les pays de paradis fiscaux, difficile de penser qu’une liste réaliste pourrait rapidement voir le jour).

Pour les autres pays européens, l’obligation de reporting ne serait obligatoire que si plus d’une filiale est implantée dans le pays. Et, pour les pays en dehors de l’Europe, le reporting ne s’impose que si les sociétés possèdent plus d’un certain nombre de filiales dans ces pays. Ainsi, de nombreuses sociétés pourraient rester totalement en-dehors du champ des radars du reporting ! Comme le note notamment le CCFD : « il suffit d’une filiale pour faire de l’évasion fiscale ; par exemple c’est grâce à une seule filiale luxembourgeoise que Mc Donald’s a pu éviter de payer près d’un milliard d’euros d’impôt entre 2009 et 2013 » !

Élisa Oudin

Élisa Oudin

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