Jean-Paul Geai
Carrefour à contre-temps
Carrefour a décidé de lancer son propre système de repères nutritionnels basé sur un triangle dont la couleur change en fonction de la qualité nutritive des aliments. Une initiative efficace et pleine de bon sens, mais qui, dévoilée juste avant la présentation du projet de loi santé qui doit justement trancher la question, risque de créer la confusion dans l’esprit du consommateur.
Alors qu’un projet de loi sur l’étiquetage nutritionnel est en préparation, Carrefour anticipe et annonce la mise en place de son propre code couleur. D’ici le printemps prochain, tous les produits préemballés de la marque Carrefour porteront sur leur emballage un pictogramme sous forme d’un triangle de couleur, la pointe vers le bas. Plats cuisinés, conserves, charcuteries préemballées… s’orneront de ces triangles de couleur différente associés à une indication de fréquence d’utilisation : vert, trois fois par jour ; bleu, deux fois par jour ; orange, une fois par jour et violet, de temps en temps.
Carrefour entend profiter du changement d’emballage imposé d’ici décembre par Bruxelles dans le cadre du règlement européen INCO (information des consommateurs) qui fixe de nouvelles règles pour les tableaux chiffrés sur la composition des produits obligatoires sur les emballages, souvent incompréhensibles pour les consommateurs non avertis.
Si la simplification que propose Carrefour est pleine de bon sens, elle intervient alors que l’étiquetage nutritionnel des aliments nourrit les discussions actuelles autour du projet de loi santé qui sera présenté en conseil des ministres à la mi-octobre. Le rapport sur la prévention nutritionnelle remis en début d’année par le professeur Hercberg à Marisol Touraine, ministre de la Santé, préconise plutôt un code de cinq couleurs, du vert pour les aliments qui offrent la meilleure qualité nutritionnelle au rouge pour les moins bons. Pour l’heure, aucune décision définitive n’a été prise et l’Ania (l’Association nationale des industries alimentaires) mène un farouche travail de sape pour que le projet n’aboutisse pas, jugeant la proposition de repères de couleur « trop simpliste ». Les professionnels de l’agro-alimentaire européen ont même saisi la Commission européenne, avançant que cette initiative serait contraire au règlement INCO et entraverait la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne.
Du coup, l’initiative de Carrefour risque de brouiller un peu plus le message. En lançant son propre système de repères avant la promulgation de la loi, avec un graphisme, un code couleur et des assertions qui lui sont propres, Carrefour risque d’ajouter à la confusion des consommateurs.
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